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LE COENTRÃO NOUVEAU

Un peu passé de mode, mais toujours présent quand on y fait appel. Les bords de Meuse accueilleraient-ils une réplique au dixième du back gauche portugais ?

Un an, jour pour jour. Filip Mladenovic n’en a peut-être pas conscience, mais quand il foule pour la première fois les pelouses de l’Académie RLD le 5 janvier dernier, il fête aussi l’anniversaire de son arrivée à Cologne. Les gestes sont les mêmes donc. Rencontre des joueurs, du staff, des membres du club… Et prise de repères, avec le sourire. Toujours.

L’année passée, Peter Stöger se félicite de sa nouvelle recrue sur la gauche de sa défense. Le T1 du Effzeh possède déjà un expert en la matière, en la personne de l’international teuton Jonas Hector, mais a également plusieurs idées en tête.  » Nous savions que si nous avions l’opportunité de le signer, nous le ferions « , raconte l’Autrichien à l’Express.  » Il nous donne plus de possibilités à long terme.  »

Stöger a visionné le passage de Mladenovic à Leverkusen quelques mois auparavant. Si le latéral du BATE Borisov en a pris quatre dans la musette, il postule à un statut de futur titulaire en Bundesliga. Même son désormais ex-coéquipier Aliaksandr Hleb ne se dit pas étonné. La réalité est pourtant moins rose. Après six mois assez positifs, le Serbe fait banquette et dispute neuf petites minutes sur le présent exercice.

Il n’a plus joué depuis le 25 septembre et arrive, comme beaucoup d’autres, à la relance au Standard. Pour un même objectif : briguer une place dans le onze. Pour le moment, elle lui revient de droit. Corentin Fiore trop court et Elderson Echiejile renvoyé sur le Rocher, il remplace numériquement Darwin Andrade suspendu par le TAS jusqu’au 24 mars. Alors, pari raté ou vraie bonne pioche ?

DOUBLÉ CONTRE LA ROMA

 » Je me sens tellement bien après un tel match, c’était phénoménal. Je suis encore un peu sous le choc…  » Filip Mladenovic n’en revient pas. Il vient de livrer le match de sa vie contre l’AS Roma. A l’heure de trier les boules de la Ligue des Champions 2015-2016, la main innocente de l’UEFA a eu la bonne idée de placer le BATE Borisov avec les Italiens, mais aussi le Barça et Leverkusen pour les phases de poules.

Pas grave, les Biélorusses viennent de se farcir Dundalk, Videoton ainsi que le Partizan Belgrade, et ils ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. S’ils s’inclinent lourdement contre le Bayer pour leur entrée en lice (4-1), ils se vengent à la maison, face à l’envahisseur romain. Rudi Garcia, qui célèbre sa 100e avec la Louve, subit de loin la décadence des siens. Mladenovic amorce une combinaison côté gauche qui se solde par l’ouverture du score d’Igor Stasevich. Huit minutes de jeu. Quatre minutes plus tard, un Mladenovic en feu fait le break.

Le Serbe lit le mauvais placement de Wojciech Szczesny. Alors qu’on s’attend à un centre, il lance un missile des 30 mètres. C’est goal. Le latéral a faim. A la 30e, il reçoit le cuir dans la surface pour le catapulter, dans un angle fermé, sous la barre de sa victime polonaise du soir. La Roma coule, remonte, puis finit par s’incliner (3-2). Mladenovic devient le premier joueur du BATE à planter un doublé en Champions League.

Bien que les Biélorusses prennent l’eau lors de leur double confrontation contre le Barça, ils parviennent à assurer le nul contre leurs deux autres adversaires. Sur l’ensemble des six rencontres, le site Whoscored.com crédite Mladenovic d’un tout bon 7,06 de moyenne. Un bulletin trimestriel qui voyage jusqu’au bureau de Sinisa Mihajlovic, qui l’a lancé trois printemps plus tôt en sélection serbe et qui songe à le prendre sous son aile au Milan.

CHÔMAGE FORCÉ

A l’est de la capitale de Biélorussie, Mladenovic étoffe son armoire à trophées, seulement garnie d’une Coupe de Serbie. Il remporte deux fois le titre, une fois la Coupe et deux fois la Supercoupe. Le tout en deux saisons. Pour sa première joute avec le BATE, il offre d’ailleurs la Supercoupe à son nouveau club, d’un coup franc du gauche face au FC Minsk (1-0). Suivent 77 rencontres, dont 20 de C1, pour 7 buts et 13 assists. Pas mal pour un back.

Pourtant, le natif de Cacak ne débarque pas à Borisov dans une atmosphère de sérénité. L’été 2013 devait être celui du tremplin vers le Big 5. Les Français d’Evian posent 700.000 euros sur la table de l’Étoile Rouge de Belgrade pour sa pépite de 22 ans. Mais la transaction n’aboutit pas pour des raisons assez obscures. Mladenovic se plaint ensuite de ne pas recevoir ses salaires pendant plusieurs mois. Résultat : il se retrouve au placard à partir de septembre, entame des procédures et la justice serbe le libère de son contrat en novembre.

Le Levski Sofia, Middlesbrough et le Lechia Gdansk se manifestent. La piste polonaise est la plus chaude. Bouillante même, puisqu’il passe sa visite médicale avec succès mais, au moment de signer son contrat, son agent aurait fait capoter l’affaire. Finalement, le latéral rejoint les flancs du BATE seulement en février 2014, après un court essai.

Dans le club mythique de l’Étoile Rouge, qu’il supporte depuis petit, il a croisé plusieurs personnalités au passé ou au présent rouche. Trois coaches surtout : l’actuel en poste au Standard, Aleksandar Jankovic, avec lequel il a réalisé sa saison la plus aboutie à Belgrade ; Ricardo Sa Pinto, Standarmen en 2006-2007 ; et Robert Prosinecki, qui lui a fait rallier la capitale depuis sa ville natale en 2012.

Au Red Star, Mladenovic découvre l’Europa Leagueet la sélection. Deux saisons seulement après ses débuts en pro pour le FK Borak Cacak. Un club qui a vu grandir Ivica Dragutinovic ou plus récemment Darko Lazovic, jeune médian offensif du Genoa. Et une agglomération de 115.000 habitants qui a vu naître un certain… Milan Jovanovic. Comme quoi, sans évoquer les comparaisons relatives avec l’Étoile Rouge, Filip Mladenovic semblait avoir un avenir tout tracé au Standard.

FABIO

Le Club Bruges a ses Sud-Américains, le RSCL ses joyaux de l’Est. Mais que vaut vraiment Mladenovic sur le terrain ? C’est un euphémisme de dire qu’il a le profil d’un latéral (très) offensif. Doté d’une très bonne patte gauche, il soigne ses coups de pieds arrêtés, ses centres et ses frappes de loin, ce qui fait de lui un bon donneur d’assists, voire un buteur potentiel. Il n’est pas non plus en reste sur son pied droit, fait assez rare pour un gaucher pour le souligner. S’il s’avère particulièrement efficace en contre-attaque, il a globalement évolué pour des équipes qui dominent, mis à part à Cologne.

Débarqué pour être la doublure de Jonas Hector, il s’installe rapidement dans le onze type de Stöger, qui décale l’Allemand au milieu pour profiter de sa créativité. Mais l’idée, aussi séduisante soit-elle, ne dure que l’espace de quelques rencontres. Mladenovic déçoit. Au BATE, il s’impose comme un véritable leader technique. Il peut donc se permettre de jouer très haut, loin de sa zone de base, au vu de la faiblesse offensive de ses adversaires réguliers et de la solidité défensive de ses partenaires. Le Serbe est généralement couvert par un milieu moins attiré que lui par le front de l’attaque.

Mais le pêché mignon des artistes du ballon le rattrape vite. A l’aise avec le cuir, il a tendance à trop le garder et à oublier les fondamentaux. Peter Stöger le prévient : il va falloir qu’il apprenne à défendre s’il veut réellement espérer quelque chose. Une lacune grosse comme une maison pour celui qui n’a pas vraiment l’habitude de construire des murs pendant 90 minutes devant ses 16 mètres. Lorsqu’il croise Ricardo Sá Pinto en Serbie, ce dernier lui offre le plus beau des compliments empoisonnés.

Le technicien le compare à Fábio Coentrão, qui s’accroche alors encore au peu de hype qui lui reste au Real. Pour Sá Pinto, Mladenovic et Coentrão ont les mêmes qualités de vitesse, de lecture du jeu et de précision dans les transmissions. Mais pour lui, l’abnégation offensive des deux arrières gauches n’a d’égales que leurs carences défensives. Même son de cloche que Stöger, en 2013, déjà :  » Filip est au début de sa carrière, mais il doit apprendre à défendre. Je le taquine en l’appelant Fábio parce qu’il ne connaît qu’une seule direction : aller vers l’avant, encore vers l’avant et seulement vers l’avant. J’essaye de lui faire comprendre quand c’est le moment d’attaquer et quand il est préférable de rester derrière.  »

EN MANQUE DE RYTHME

Finalement, l’ancien du Borak ne franchit pas le pallier souhaité sur les bords du Rhin. Le million et demi dépensé par le Effzeh pour le recruter l’hiver dernier multiplie le coût du nombre de ses apparitions. L’arrivée cet été de Konstantin Rausch, flanc gauche polyvalent de Darmstadt, finit de l’achever. Cette saison, les supporters de Cologne ont la chance de l’apercevoir trois minutes contre Wolfsburg, le 10 septembre, six contre Leipzig, le 25. Et puis, c’est tout. Ses six premiers mois restent fatalement les meilleurs, avec 14 apparitions et deux passes décisives. Avec, aussi, une colocation en compagnie de Milos Jojic, autre compatriote du noyau. Ensemble, ils flambent leur spleen et leurs soirées sur FIFA.

C’est clair, Mladenovic aime le jeu d’arcade. Ses grosses prises de risques, inévitablement liées à des erreurs de placement ou parfois à des sautes de concentration, ne plaisent pas vraiment dans le strict pays de Merkel. D’autant plus que l’homme de 185 centimètres, assez frêle, ne fait pointer la balance qu’aux environs de 65 kilos. Mais s’il subit les duels, grande  » plus-value  » de notre championnat, il comble souvent son déficit physique par son envie et sa vitesse qui lui permettent d’anticiper et de réaliser des interventions plutôt spectaculaires. En gros, son profil de latéral friand de  » l’ascenseur  » semble parfait pour un système avec trois centraux derrière (voir encadré) et devrait ravir Sclessin par son abattage.

Le Serbe doit cependant d’abord se remettre dans le bain. Il a eu deux semaines pour ça. Lui qui avait tout du crack avant son couac administratif de Belgrade conserve des atouts non négligeables pour la Pro League. Il s’est déjà montré à son aise dans les environs de Marbella. Tant mieux parce que le Standard, devenu spécialiste dans la relance puis la revente rapide de talents, semble lui faire confiance sur la durée. Le board liégeois a offert un contrat de quatre ans et demi à son nouveau numéro 25. Et surtout, les choses sérieuses reprennent dimanche, avec un gros morceau brugeois. Voyons si Filip est toujours gourmand.

PAR NICOLAS TAIANA – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Je le taquine en l’appelant Fábio parce qu’il ne connaît qu’une seule direction : aller vers l’avant.  » RICARDO SÁ PINTO

En 2015, Sinisa Mihajlovic, qui lui a offert sa toute première sélection, voulait le faire signer au Milan AC.

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