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LE CAS VERDIER

Entre éclairs de génie et zones d’ombre, Nicolas Verdier avance comme s’il était branché sur courant alternatif. De retour à Malines, il était temps d’effectuer un voyage aux origines du mâle. Le coeur sur la langue, la Méditerranée dans le coeur.

L’insouciance. Quand il entre dans ce vestiaire qu’il ne connaît pas encore, Nicolas Verdier affiche 22 printemps au compteur. À Cagnes-sur-Mer, entre Nice et Cannes, ses deux villes, il est à la relance. Surtout, il retrouve son Sud. L’équipe évolue en  » DHR « , soit le septième échelon français. Tant pis.  » Combien de buts tu mets cette année ? « , demande un ancien coéquipier cannois. Il répond, normal :  » 40, je pense « . Les rires fusent, Verdier parie un resto.

 » Arrive ce garçon, cet enfant dans un corps d’adulte, grand, athlétique « , rembobine Rosette Germano, adjointe et préparatrice physique à l’époque.  » Il a surpris tout le monde, tellement il avait cette innocence. Ce n’était pas de la prétention, plutôt de l’insouciance.  » Au final, rien qu’en championnat, le gamin en colle 44. Il s’envole alors pour Arles-Avignon, qui vient de grimper dans l’élite, six étages plus haut. Avec, dans le ventre, un resto bien mérité et une bonne dose de rage.

Huit ans plus tard, Verdier a grandi, pas mal bourlingué. Il entre dans un nouveau vestiaire, à des kilomètres de son Sud-Est natal. Il signe pour deux exercices à Eupen. Mi-juillet 2017, il termine une première mi-temps ensoleillée par une pluie de frustrations. Abdelkarim Hassan, jugé trop  » perso « , récolte l’intempérie. L’embrouille se poursuit dans le couloir du Pairay, à Seraing, où les Pandas affrontent Metz.

 » Il arrive un moment où ça ne peut plus se passer comme ça. Le football se joue à onze. Si tu veux jouer tout seul, il y a le tennis ou le badminton « , lance-t-il. Dix jours plus tôt, même histoire. Contre les Espoirs de Cologne, il s’en prend cette fois à Damien Mouchamps. Son fort caractère ne passe pas toujours, mais il en est conscient.  » C’est quelque chose que j’essaye de rectifier. Bon, à 31 ans, je ne suis pas sûr qu’on me changera des masses…  »

Près des Hautes-Fagnes, le malaise se fait sentir. L’écurie eupenoise ne tourne pas et perd trois fois en autant de rencontres. Mbaye Leye arrive et met le tout en lumière : Verdier n’est pas dans son élément. Au final, en 842 minutes, il ne marque qu’une fois. Venu pour remplacer Mamadou Sylla, il déçoit.  » J’ai l’impression qu’il s’est parfois mis la pression tout seul, il n’était peut-être pas bien dans sa peau chez nous « , s’interroge Hendrik Van Crombrugge.  » C’est quelqu’un qui a le coeur au bon endroit, mais qui l’a aussi sur la langue. Il dit ce qu’il pense.  » Parfois même un peu trop.

Une jolie figure  de style avec l'Anderlechtois Olivier Deschacht.
Une jolie figure de style avec l’Anderlechtois Olivier Deschacht.© BELGAIMAGE

 » Nicolas a un mode d’emploi  »

Verdier avait alors besoin de retrouver son  » KaVé « , de refaire le plein de confiance derrière les casernes malinoises, même s’il s’agit du concurrent direct pour le maintien. Il veut aussi retravailler sous les ordres d’ Aleksandar Jankovic, qui pousse pour l’avoir, avant d’être remercié.  » Il marche à l’affectif. Son club doit pouvoir lui permettre d’évoluer dans un environnement où il se sent bien. Il ne voit pas le foot comme un métier, pour lui, c’est un vrai plaisir. Alors quand il ne l’a plus, il recherche autre chose « , explique Sofiane Hanni, son grand pote à Malines.

Le Franco-Algérien ne cache pas s’être pris plusieurs fois la tête, sur le terrain, avec Verdier.  » Mais, après, quand il sait qu’il est allé trop loin, il s’excuse toujours « , assure le désormais Moscovite. Hanni parti, l’intronisation de Yannick Ferrera au poste de T1, en septembre 2016, brise quelque chose. Verdier part l’été suivant. Il synthétise :  » Il ne voulait plus travailler avec moi et je ne voulais plus travailler avec lui.  » Une question de profils, de personnalités qui ne matchent pas.

Parce qu’il faut aussi avoir les nerfs solides pour supporter ses humeurs.  » Nicolas a un mode d’emploi. Tu dois le connaître, le comprendre pour en tirer le maximum « , tente Steven De Petter, qui le côtoie également chez les Sang et Or. Le principal intéressé sait que ce côté volcanique lui a joué des tours :  » Beaucoup de clubs n’ont pas voulu de moi à cause de ça. Mais, au moins, à la fin de ma carrière, je pourrai dire que j’ai toujours été entier « .

S’il pense très fort à l’un de ses premiers coups de sang, l’attaquant du KaVé se revoit sous les couleurs d’Auxerre, à 17 ans. Il effectue un essai à l’AJA, lors d’un tournoi international. Jusqu’en finale, il promet.  » À la 78e, je marque. Deux minutes plus tard, j’explose un joueur. Il m’avait emmerdé tout le match. J’étais jeune, j’avais dix-huit ans, j’étais encore plus impulsif qu’aujourd’hui. Je n’ai pas réfléchi.  » Carton rouge direct. Sur l’action, il tacle les deux pieds décollés et vise les deux genoux de son vis-à-vis.

 » Je me suis vu trop beau  »

Pas formaté comme les autres produits classiques d’un centre de formation, Verdier étrenne déjà le surnom de  » Pippo « , comme le grand Inzaghi. Pour sa faculté à perdre sa concentration, puis à scorer alors qu’on l’avait presque oublié. Convaincu par son talent, mais refroidi par sa chaleur débordante, le board auxerrois lui demande de revenir pour le réévaluer. Il refuse, ne se sent pas encore prêt de quitter le cocon familial, plus qu’important dans son équilibre.

Natif de Nice, mais très vite installé à Cannes, il s’inscrit chez l’entité phare sur la Croisette à ses douze bougies, seulement. Une signature tardive, pour ne pas qu’il fasse une  » fixette  » sur le foot, dixit ses parents. Entre son diplôme de chocolatier et le ballon rond, il gravit quand même les échelons. Vite. En à peine un mois et demi, il passe des U18  » pré-excellence  » à l’équipe première, qui évolue en National, le troisième échelon hexagonal.

Fin 2004, une angine tente pourtant de le dissuader de jouer. Il persiste, enfile le maillot de sa catégorie.  » Ma mère était avec son pot de miel en tribunes. Toutes les dix minutes, j’allais prendre ma cuillère de miel…  » En 20 minutes, il claque un doublé.

Le week-end suivant, direction les U18  » Nationaux « , pour marquer, encore. Rebelote ensuite avec la réserve. Au retour d’un essai à Strasbourg, il se retrouve avec la première à Luzenac. Dans la foulée, il signe un contrat fédéral. Le début d’une belle histoire… Ou presque.  » Je suis peut-être monté trop rapidement et j’ai vite pris la grosse tête. Je me suis vu trop beau. Enfin, tout ce que je sais, c’est qu’après, j’ai morflé toute ma carrière.  »

 » Un instinct un peu fou-fou  »

Après plusieurs bouts de matches, quelques buts, Verdier termine 2007 les ligaments dans le sac. L’AS Cannes ne le conserve pas. Les galères commencent. Direction Puertollano, en D3 espagnole. Un test concluant, des  » histoires  » d’agent plus tard, il rentre bredouille. Draguignan, en sixième division (DH), lui ouvre les bras. Faute de mieux, pour regoûter à ce fameux  » plaisir « . Peu importe, il score, kiffe et rebondit. Il rencontre sa femme, aussi, Krystel,  » sans qui [il] ne serait pas là « .

Six bons mois lui permettent de rallier un nouvel horizon, tout au Nord, à Boulogne-sur-Mer. Il est gris. En Ligue 2, l’équipe tourne, sans lui. Une  » loi stupide  » l’empêche de jouer chez les pros. En plein hiver, il traîne son spleen, en réserve.  » Je n’avais jamais quitté ma région, mon Sud. J’ai très mal vécu mon passage là-bas, j’étais trop jeune pour partir à l’aventure du jour au lendemain. Je n’ai pas réussi à passer le cap. Mentalement, je n’étais pas bien. J’ai connu pas mal d’insomnies…  »

La semaine, il côtoie malgré tout l’équipe première, où évolue un certain Damien Marcq.  » C’est l’un des seuls joueurs que j’aie connus dans ma jeunesse et qui n’a pas changé « , assène le néo-médian de Zulte.  » Il a cet instinct un peu fou-fou qui peut lui jouer des tours, comme il est capable de mettre des buts sortis de nulle part, de frapper de toutes les positions.  » Finalement, Verdier choisit de revenir chez lui, à Cagnes. Quitte à prendre l’ascenseur jusqu’au septième étage.

 » J’avais besoin d’un coup de pied au cul  »

Là-bas, il enflamme les matches à lui tout seul.  » Quand je jouais avec lui, j’avais l’impression de ne servir à rien. On était même pas rentrés sur le terrain qu’il avait déjà marqué. Il fallait lui donner le ballon direct. Après, je pouvais rentrer à la maison « , se marre Samir Tisba, encore flanc droit au club. Ses 44 banderilles l’envoient directement vers Arles-Avignon, sorte d’ovni propulsé en Ligue 1 en cette année 2010. Le bâtisseur de cette montée folle, Michel Estevan, le fait venir.

Un mois plus tard, il est licencié. Verdier connaît une saison  » chaotique « , à cirer le banc de la réserve. Il se dit prêt à arrêter, à 24 ans. Rosette Germano, devenue coache principale à Cagnes :  » Ce n’est pas quelqu’un qui se repose sur ses lauriers. Il se torture beaucoup l’esprit « . Au point de développer un espèce de tempérament d’écorché vif. Fin juillet 2011, il reçoit un coup de fil inespéré du Gazélec Ajaccio. Verdier signe après un essai, en National.

Le déclic, enfin.  » La plus belle saison de toute [sa] carrière.  » Résultat : 14 buts, une montée, et une demie de Coupe de France. Tout s’enchaîne. Brest, Malines, Eupen. Où les galères reprennent.  » J’avais besoin d’un coup de pied au cul et ce n’est pas le style d’Eupen d’en mettre. Peut-être qu’Eupen ne me correspondait pas dans la folie. Mais je ne peux m’en prendre qu’à moi-même.  »

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