L’anti Özil

Contrairement au médian du Real qui a choisi la Mannschaft, le joueur du Borussia Dormund joue pour la Turquie.

N uri Sahin (22 ans) est précoce. Lorsque le médian germano-turc a effectué ses débuts en équipe fanion du Borussia Dortmund, le 6 août 2005, au VfL Wolfsburg, il avait 16 ans et 335 jours, ce qui faisait de lui le plus jeune débutant de tous les temps en Bundesliga. Peu après, le 5 octobre 2005, au stade Atatürk, il était entré au jeu depuis trois minutes, contre l’Allemagne, qu’il marquait le 2-0, devenant aussi le plus jeune international turc A et le plus jeune buteur de tous les temps.

Suite aux blessures de Sebastian Kehl et de Dede, Sahin est devenu le stratège de Dortmund, le leader du championnat. Doté d’une excellente vision du jeu, il décoche des passes et des tirs précis. S’il préfère évoluer dans l’axe, il est tout aussi apte à jouer sur le flanc, voire en pointe et, quand il marque, il forme un c£ur avec ses mains, à l’attention de sa femme Tugba, avec qui il est marié depuis trois ans.

Lors de son éclosion, il avait déjà attiré l’attention de grands clubs anglais, mais le Borussia n’avait pas cédé, soucieux de conserver son  » capital « . Une nouvelle lutte attend le club de la Ruhr car le Bayern semble de plus en plus intéressé par le médian. Celui-ci est certes lié à Dortmund jusqu’en 2013 mais une clause lui permet de partir en fin de saison pour six millions, alors qu’on estime sa valeur à 13 millions…

Si le footballeur, international turc à 24 reprises, commence à crever l’écran, l’homme reste méconnu. On le sait volontaire, fragile aussi. Bert van Marwijk, son premier entraîneur au Borussia, l’a souligné :  » Il ne faut pas lui ménager ses encouragements. Il en a vraiment besoin « . Lorsque l’entraîneur néerlandais a quitté le BVB, ses successeurs, Jürgen Röber et Thomas Doll, n’ont pas prêté la même attention au jeune Sahin, qu’une blessure au genou a achevé de déstabiliser. A Dortmund depuis 2001, il a rejoint, l’espace d’une saison, van Marwijk à Feyenoord.  » Seul, même si ma famille se relayait pour me rendre visite, j’ai gagné en indépendance. C’est aussi durant cette saison que je suis tombé amoureux de Tugba.  »

Entre l’Allemagne et la Turquie, son c£ur balance.  » Je prends le meilleur des deux cultures. Toute ma famille est turque mais depuis l’âge de quatre ans, je baigne dans la culture allemande : le football, le Kindergarten, l’école, mes amis… A la maison, nous avons toujours parlé allemand davantage que turc car mes parents étaient conscients de la nécessité de s’intégrer. J’aime l’Allemagne et le matin, quand je dois me lever, je me sens vraiment allemand. Je sais que je dois être ponctuel au travail, que je dois réussir.  » Sans le football, il aurait achevé ses humanités. Il n’a laissé que de bons souvenirs à son école, aux projets de laquelle il continue à participer. A douze ans, il effectuait 76 kilomètres par jour entre son domicile et Dortmund, pour les entraînements. Il a renoncé à ses humanités 18 mois avant la fin, à 17 ans, la mort dans l’âme.

S’il occupe désormais une villa et qu’il possède une belle cylindrée, il n’oublie pas qu’il est issu d’une famille ouvrière. Son cousin doit financer lui-même ses études. Tous les mois, il crédite la carte gsm d’un autre cousin de dix euros, pour qu’il puisse téléphoner à son amie. Mais jamais sa famille n’exploite sa fortune. Lorsqu’on l’interroge sur son avenir, il répond :  » J’espère que mes enfants seront en bonne santé et que je pourrai ouvrir un beau restaurant au bord de la mer. En Allemagne, oui, je n’ai jamais imaginé vivre ailleurs. « 

Discipliné, rigoureux, il s’insurge parfois contre la nonchalance de certains :  » Quand un joueur évolue en Bundesliga depuis six ou sept ans et qu’il ne maîtrise pas encore l’allemand, je m’énerve. A la place de l’entraîneur, j’exigerais qu’il fasse un effort.  » S’il n’avait fait preuve de caractère, il ne serait pas devenu le plus jeune joueur de Bundesliga : il restait alors sur une longue saison en équipe B et van Marwijk avait décidé de lui octroyer un long congé. Face au véto du médian, pressé de rejoindre le noyau A, il avait trouvé un compromis : après deux semaines de repos, il reprendrait l’entraînement…

Nuri Sahin, côté turc c’est : son mariage, en cercle restreint, rassemblait 370 personnes ! Il a effectué toutes ses classes sous le maillot turc et a été sacré champion d’Europe -17 ans avec la Turquie, qu’il n’a pas quittée par la suite.  » Lui tourner le dos une fois formé n’aurait pas été correct. J’ai choisi, seul, la Turquie, mais ce n’est pas une victoire pour elle car j’aime l’Allemagne. D’ailleurs, en catégories d’âge, les autres internationaux n’étaient pas enchantés de me voir. J’étais l’Allemand, ils avaient peur, aussi, que je ne prenne leur place. Par contre, en équipe A, il n’y a pas le moindre problème. « 

PASCALE PIÉRARD – PHOTO: REPORTERS

 » Quand je dois me lever le matin pour bosser à l’entraînement, je me sens très allemand. « 

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