» L’ancien Z n’aurait plus sa place ici « 

Bruno Govers

Le Suédois est de retour au Parc Astrid, riche d’une expérience de trois ans à l’Olympiakos qui l’a rendu plus mûr et plus complet.

La scène se déroule au complexe sportif du RSCA à Neerpede, mercredi dernier. Tandis qu’un noyau réduit de 17 joueurs procède à un cooling down après une séance de préparation pour le moins corsée, une pluie torrentielle s’abat subitement sur le site. Tous les Sportingmen, ainsi que les membres du staff technique, s’empressent alors de prendre leurs jambes à leur cou afin de se réfugier une centaine de mètres plus loin dans un bâtiment administratif, à l’abri du déluge. Seul Pär Zetterberg fait exception à la règle générale, dans la mesure où une bonne âme parmi les nombreux sympathisants anderlechtois présents sur place, lui propose un abri sous son parapluie. A tout seigneur tout honneur, manifestement.

 » Une délicate attention comme celle-là, c’est ce qui m’a sans doute manqué le plus tout au long des trois saisons que je viens de passer à l’Olympiakos « , observe le Suédois, le lendemain, à la cafétéria du Parc Astrid, entre les deux entraînements de la journée.  » A Athènes, il n’y avait pas le moindre contact entre footballeurs et supporters, tout s’y déroulait à huis clos. Même les journalistes n’avaient pas le droit d’assister au travail quotidien des footeux. C’est dommage car il en résultait une énorme distance, pour ne pas dire un gouffre entre les éléments du groupe et leur entourage immédiat, qu’il s’agisse des inconditionnels du club ou des représentants des médias. Cette absence totale de contacts explique notamment pourquoi la presse locale n’hésite jamais à se déchaîner sur un joueur si d’aventure il ne répond pas à l’attente. En critiquant les gens dans leur dos, elle ne s’expose évidemment pas à leurs répliques. Et j’en ai fait longtemps l’expérience au Pirée « .

Avec le recul, que vous inspire ces trois ans en Grèce ?

Pär Zetterberg : Ils m’auront été profitables, en ce sens que j’ai la conviction d’être devenu un footballeur plus complet au contact du football grec. Mais j’en ai franchement bavé pour y parvenir. A cet égard, les 18 premiers mois se seront révélés vraiment horribles. Au cours de ma carrière professionnelle, je n’avais jusqu’alors évolué que dans un seul et même registre : celui de soutien d’attaque. Tant à Charleroi qu’à Anderlecht, durant mes deux périodes là-bas, j’avais fait en quelque sorte office de troisième homme aux avant-postes. Je pensais, a priori, que ce rôle me serait destiné également à l’Olympiakos. Mais le Brésilien Geovanni l’occupait déjà et il n’était manifestement pas disposé à le partager. Du coup, l’entraîneur, Yannis Mazourakis, n’eut d’autre ressource que de le placer à la pointe supérieure d’un triangle dont Zé Elias et moi-même formions la base. Habitué à évoluer dans la charnière médiane au côté de son compatriote, ce dernier montait toutefois régulièrement d’un cran afin de lui prêter main forte dans la division offensive. Dès lors, je me retrouvais le plus souvent en position de pare-chocs devant la défense. Au lieu de graviter dans le sillage du ou des hommes de pointe, comme je l’avais toujours fait précédemment, j’étais le plus proche de mon propre stopper, cette fois. Il va sans dire que la transition fut des plus abruptes. Pendant un an et demi, j’ai éprouvé les pires difficultés à me situer. C’est normal : d’un jour à l’autre, je devais soudain penser défensivement alors que je m’étais jamais soucié, pendant une bonne dizaine d’années, que de l’aspect purement offensif. Il y avait de quoi être complètement décontenancé. Voilà pourquoi, au gré des résultats ou des circonstances, j’ai fait la navette plus souvent qu’à mon tour entre une place de titulaire et le banc des réservistes. Ce n’est qu’au deuxième tour de la compétition 2001-2002 que j’ai eu rang d’incontournable, un statut que j’ai finalement gardé, à l’une ou l’autre exceptions près, jusqu’à mon départ.

Karembeu comme sauveur

Comment expliquer ce changement ?

Takis Lemonis, qui avait pris la place de Yannis Matzourakis entre-temps, avait multiplié les essais dans la ligne médiane suite à l’arrivée de Christian Karembeu. Toutes les variantes possibles et imaginables furent testées et, en définitive, celle qui donna le plus de satisfactions consista à me coupler au Français, dans l’axe central, avec Predrag Djordjevic sur le flanc gauche et Stelios Yannakopoulos sur l’aile opposée. Le champion du monde aura été, en quelque sorte, mon sauveur à l’Olympiakos, dans la mesure où nous nous entendions bien tant sur le terrain que dans la vie de tous les jours. Avec lui, la répartition des tâches était des plus claires : il prenait invariablement en charge le demi offensif de l’équipe adverse, tandis que moi je m’occupais de l’autre élément de l’axe central adverse. Toutes proportions gardées, nous fonctionnions d’une manière à peu près semblable au duo Roy Keane-Paul Scholes à Manchester United. Avec Chris dans le rôle de l’Irlandais et moi dans celui du rouquin des Red Devils. Par rapport à ma période anderlechtoise, la différence était sensible. Autrefois, compte tenu de ma propre position avancée, de celle de Walter Baseggio devant la défense et des demis latéraux, ce secteur formait à peu de choses près un véritable losange. A l’Olympiakos, au même titre qu’à Manchester United avec la paire Roy Keane-Paul Scholes, flanquée de Ryan Giggs et de David Beckham, c’est une ligne entière qui avançait ou reculait en fonction des événements. Et j’en faisais bel et bien partie durant mes 18 derniers mois là-bas. Il aura fallu pas mal de temps pour que j’y parvienne. Mais je ne suis pas mécontent du résultat. J’ai sans doute subi une évolution profitable juste à temps. Je me rends compte aujourd’hui que j’étais, au stade Constant Vanden Stock, un numéro dix à l’ancienne. Et qu’il n’y a plus guère de place pour des joueurs de ce type dans le football moderne. C’est d’ailleurs ce qui m’a plus que probablement coûté ma place en sélection suédoise ces dernières années. Je n’étais plus en phase avec les exigences de ce temps.

C’est cette évolution-là qui vous incite à dire, aujourd’hui, que vous êtes devenu un joueur plus complet ?

A l’analyse, j’ai été pendant des années un privilégié. Car quels sont les joueurs qui ont pu se targuer, comme moi, d’une inclination offensive à 90 % et défensive pour les 10 % restants ? Honnêtement, je n’en vois pas beaucoup. Même Zinédine Zidane, qui est quand même l’homme-orchestre par excellence, a toujours abattu beaucoup plus de travail défensif que moi. J’étais réellement un footballeur uniforme au moment où j’ai quitté le Parc Astrid, en 2000. A présent, j’ai enrichi mon bagage et j’ose espérer pouvoir en faire profiter le Sporting au cours des mois à venir. Quant à savoir si un poste me sera réservé sur le terrain, tout dépendra de mon niveau de jeu ainsi que des vues de l’entraîneur. Avec mon bagage enrichi, je me fais la réflexion que j’ai sans nul doute plus d’atouts dans mon jeu que jadis. L’ancien Zetterberg n’aurait plus sa place à Anderlecht de nos jours, c’est sûr. Aujourd’hui, sur un terrain, tout le monde, sans exception, doit mettre la main à la pâte. J’en ai pris pleinement conscience à l’Olympiakos. Et j’ai été conforté dans ce jugement après avoir été confronté en Ligue des Champions à Valence, le Deportivo La Corogne ou Manchester United, toutes des formations encore plus huilées et plus appliquées que la nôtre.

Cata en Ligue des Champions

A ce propos, comment se fait-il que l’Olympiakos, souverain en championnat avec sept titres d’affilée, ait toujours fait long feu en Ligue des Champions ces dernières années ?

Pour la bonne et simple raison que son collectif n’était pas aussi harmonieux que celui des autres. Lors de ma première saison en Grèce, en 2000-2001, nous avions été proches d’une qualification pour le deuxième tour de l’épreuve. Incorporés dans une poule où nos opposants avaient pour noms Valence, l’Olympique Lyonnais et Heerenveen, nous avions terminé à égalité avec les Français, avec neuf points comme nous, derrière les Espagnols, qui en comptabilisaient 13. La deuxième place s’était jouée sur base des résultats enregistrés l’un contre l’autre et le but marqué chez nous par l’infortuné Marc-Vivien Foé fut prépondérant : après avoir gagné 2-1 dans nos installations, nous nous étions inclinés par 1 à 0 à Gerland. Au cours de la deuxième année, les adversaires étaient beaucoup plus corsés. Il y avait là Manchester United, le Deportivo La Corogne et Lille. En principe, vu les forces en présence, nous aurions dû terminer à la troisième place et être versés en Coupe de l’UEFA. Mais l’équipe ne s’est jamais remise de sa défaite par 3-1 au LOSC et a terminé en queue de classement. L’année passée, ce fut plus dramatique encore : après avoir étrillé le Bayer Leverkusen 6-2 à Athènes, nous pensions avoir pris une sérieuse option pour le deuxième tour dans une poule qui comprenait encore Manchester United et le Maccabi Haïfa. Mais un incroyable revers en Israël, sur le score sans appel de 3 à 0, sonna le glas de nos espérances. Et, à l’image de ce qui s’était produit un an plus tôt, nous terminions une fois encore derniers du groupe, sans possibilité de rachat. Pour moi, ces trois éliminations d’entrée de jeu, jointes à mes débuts difficiles, auront été la grande déception de mon séjour en Grèce.

Au vu des résultats, l’Olympiakos présentait deux visages différents selon qu’il jouait sur ses terres ou à l’extérieur ?

A Athènes, devant son public fanatique, l’équipe n’avait effectivement peur de personne. Hormis Manchester United, qui s’est imposé par deux fois chez nous, ainsi que le Deportivo La Corogne, auteur d’un match nul, tous les autres ont été renvoyés chez eux avec pertes et fracas. Mais ce sort nous était réservé aussi, hélas, lors de chacune de nos prestations hors frontières. L’équipe se décomposait toujours d’une façon étonnante. Les individualités marquantes, comme Predrag Djordjevic ou Geovanni, n’étaient alors plus que l’ombre d’elles-mêmes. Et, dans l’adversité, il ne fallait jamais trop compter sur elles. C’est à ce niveau que se situait d’ailleurs la différence avec les frères ennemis du Panathinaïkos. Là-bas, des garçons comme Emmanuel Olisadebe et Nikos Liberopoulos, à défaut d’être toujours heureux dans leurs entreprises, privilégient toujours le collectif. Chez nous, on était parfois loin du compte, malheureusement. Moi, je dis et je maintiens en tout cas que si le talent individuel présent à l’Olympiakos avait pu aller de pair avec le collectif du Pana, la Grèce aurait eu, ces dernières années, un représentant au deuxième tour de la Ligue des Champions. Voire même un quart de finaliste, pourquoi pas ?

Anderlecht a réussi cette performance sans vous en 2000-2001. Votre chance n’est peut-être pas définitivement passée ?

Je le souhaite fermement. Et pourquoi pas dès cette saison, qui sait ? Face au Rapid Bucarest, nous entrerons immédiatement dans le vif du sujet. En ce début de période de préparation, nous savons donc déjà tous à quoi nous en tenir. C’est mieux, d’après moi, que d’affronter un sans-grade, en courant le risque d’être un peu trop présomptueux à l’aube de cette double confrontation. La perspective d’affronter une toute bonne équipe en préliminaires de la Ligue des Champions constitue du pain béni, aussi, dans l’optique du championnat. J’ai cru comprendre que le Sporting avait souvent loupé son départ ces dernières années et que la compétition s’était résumée souvent à une poursuite infernale. Ce n’est pas permis. Anderlecht se doit de faire la course en tête. Un retard de 14 points sur Bruges, comme la saison passée, c’est un phénomène qui ne doit plus jamais se produire. Au contraire, c’est à nous qu’il incombe de dicter à nouveau notre loi.

Joueur, puis scout

Vous avez signé un contrat de deux ans comme joueur, assorti d’une option pour une saison supplémentaire. Qu’ambitionnez-vous durant cette période ?

Le président Roger Vanden Stock a dit, dans vos colonnes, qu’il espérait participer à la Ligue des Champions une fois sur trois. D’un point de vue financier, c’est probablement la moyenne souhaitable pour un club comme Anderlecht. Mais sportivement, j’espère que cet average sera meilleur encore et qu’il se vérifiera tous les deux ans. Avec un peu de chance, je peux donc espérer participer à plus d’une phase finale (il rit).

Connaissez-vous déjà les contours exacts de la mission qui vous attendra au Sporting après votre carrière active ?

Je serai repris dans la cellule scouting qui est dirigée actuellement par Peter Ressel. En principe, je devrais m’occuper plus particulièrement de la prospection sur le marché scandinave. Je suis déjà depuis plusieurs mois les évolutions à ce niveau. Pour tout dire, c’est moi qui avais avancé la candidature de mon jeune compatriote Johan Elmander au RSCA, voilà deux ans. A l’époque, celui-ci avait toutefois préféré se lier à Feyenoord.

Aviez-vous déjà entendu parler de Christian Wilhelmsson avant de le retrouver au Parc Astrid ?

Son nom était déjà parvenu occasionnellement à mes oreilles. Il fait partie d’une génération de jeunes qui sont allés tenter l’aventure en Norvège. En réalité, on peut parler de cycles dans le nord de l’Europe. Il y a d’abord eu la période danoise, qui a d’ailleurs fortement influencé le Sporting, dans les années ’80, avec des joueurs comme Per Frimann, Henrik Andersen, Morten Olsen et Frank Arnesen. Puis, celle-ci a cédé le relais à vague suédoise avec des garçons comme Thomas Brolin, Martin Dahlin ou moi-même. Par la suite, ce sont les Norvégiens qui se sont imposés, tant au niveau de leurs joueurs, comme Kjetil Rekdal, Tore-André Flo ou Ole-Gunnar Solskjaer que de leur club-phare, Rosenborg Trondheim. A présent, je constate que le centre de gravité se déplace en Suède. Après avoir façonné des tennismen, des pongistes et des athlètes, le football reprend progressivement du poil de la bête dans mon pays natal. Et ce n’est pas pour me déplaire.

En revenant à Anderlecht, vous n’avez pas choisi la solution de facilité. D’autres, et non des moindres, s’en sont mordu les doigts : Enzo Scifo, Georges Grün. Tous deux étaient alors trentenaires, comme vous aujourd’hui.

J’ai trois ans de plus, c’est vrai. Et, à près de 33 piges, je ne suis pas une solution d’avenir, je le sais. Mais, sans forfanterie aucune, je ne me suis jamais porté aussi bien qu’aujourd’hui. Tout le monde me dit que j’ai l’air particulièrement affûté. Et je suis de cet avis également. J’ai eu la chance d’être épargné par les blessures et autres pépins physiques en Grèce. Pendant trois ans, j’ai donc répondu sans cesse présent sur les terrains. Résultat des courses : j’ai perdu trois kilos par rapport à ma période anderlechtoise. Je me sens léger, dans mon corps et dans ma tête. Et je me dis que c’est tout profit pour le Sporting et pour moi-même.

 » J’étais un numéro dix à l’ancienne. C’est ce qui m’a coûté ma place en sélection suédoise  »

 » Un retard de 14 points sur Bruges, comme la saison passée, ce n’est pas permis  »

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