L’aire de jeu, l’air de rien…

Voici trois semaines, j’ai beaucoup aimé la mise au point de Nicolas Ribaudo à propos de la taille des terrains : à savoir qu’aujourd’hui, tous les matches internationaux comme tous ceux de notre D1 nationale, se disputent sur des surfaces de mêmes dimensions ! Sans savoir que les choses étaient maintenant précises à ce point chez nous (en D1… pas en Provinciales !), j’ai vent de cette problématique depuis le 3 mars 1999, date où j’avais couché dans mes notes une réflexion de Guy Roux à l’occasion d’un match de Coupe d’Europe sur TF1. Pascal Praud avait parlé d’un grand terrain, et le Paped’Auxerre l’avait repris de volée avec du mépris dans la voix :  » Cher Pascal, vous devriez savoir que tous les terrains font désormais 105m sur 68m ! « …

Donc, quand un coach, un joueur ou un journaliste entreprend d’expliquer une contre-performance par des dimensions de terrain défavorisantes, de deux choses l’une. Soit il est de mauvaise foi, mais les excuses sont faites pour s’en servir et servir la langue de bois : il sait qu’il raconte des couillonnades, mais il estime que les couillons qui vont le croire sont infiniment plus nombreux que ceux qui vont le traiter de gros bêta. Soit il est de bonne foi et gros bêta effectif, il a des yeux et il ne voit pas, car l’estimation des dimensions est simple pour qui veut regarder : les grandeurs des rectangles et du rond central étant invariablement fixes, il est aisé de jauger les distances (entre grand rectangle et point de corner, entre arc de cercle et circonférence centrale) pour se rendre compte qu’elles sont kifkif partout ! A moins d’être très gros bêta en s’imaginant que les rectangles et le rond central sont proportionnels à la grandeur du terrain…

Si les dimensions sont fixées telles par les fédérations, pourquoi les Lois du Jeu continuent-elles d’ânonner (ce que reprennent tous les b-a-ba initiant au foot ceux qui n’y pigent que dalle) que la longueur d’un terrain peut varier de 90m à 120m, et sa largeur de 45m à 90m ? Ne me le demandez pas, le Board a ses raisons qui font perdre la raison ! Aucun terrain de compète au monde n’est effectivement de 120m x 90m… et c’est d’ailleurs bien dommage : ça ferait 50 % de surface disponible supplémentaire (si ! si !), cela pourrait donner plus de fluidité au jeu, moins de jambes cassées et moins d’ecchymoses ! Mais bernique : ce qui se passe, c’est du progrès à l’envers ! Voici 130 ans, l’homo footballicus préhistorique courait (bien moins qu’aujourd’hui) sur une surface pouvant atteindre 182m sur 91m (si ! si !). Vint ensuite le 120m sur 90m alors qu’il commençait à s’entraîner sérieusement, et l’aire est aujourd’hui de 105m sur 68m alors qu’il court sans cesse comme un dératé ! Au train où ça va, dans un siècle, finis les espaces et les transversales : on ne fera plus que se rentrer dedans dans un rectangle de 60m sur 40m… mais toujours à 11 contre 11 et avec des buts de 7m32 x 2m44 ! Tradition oblige.

J’admets, j’ai une tendance maniaco-dépressive à vouloir subvertir les règles des sports de balle et ballon : à ma décharge, je précise cependant que je m’interroge toujours pour la bonne cause, dans l’espoir de rendre ces sports plus spectaculaires et plus égalitaires. Je rêve d’un foot plus fluide avec plus d’espaces et moins de vicelardises, plus de buts et moins de chocs frontaux. Ça me fait mal que le basket du top soit réservé aux géants, ça me fait même aussi mal que si j’étais un p’tit boxeur de 60kg dont Myke Tyson peut pulvériser la tronche en toute impunité : alors qu’avec des catégories de taille et un panier moins haut, même les nains seraient des stars connaissant le bonheur de dunker ! Idem pour le volley, rapport au smash et à la hauteur de filet ! Et pourquoi joue-t-on au tennis en simple et en double, mais jamais en triple ? N’y a-t-il pas un petit quelque chose à modifier pour que le handball soit moins confidentiel ? Comment peut-on dire avec certitude que 76cm est la hauteur éternellement idéale d’une table de ping-pong ? Pourquoi ne sprinte-t-on pas avec tout son barda d’un trou de golf à un autre ? Et cetera. Je sais, d’autres se demandent plutôt qui nous sommes, où nous allons, pourquoi nous vivons, ou de quelle couleur est Dieu. A chacun ses tourments. »

par bernard jeunejean

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