L’affaire

Les Rouches ont toujours voulu attirer ce lutteur chez eux. Et quand on peut, en prime, berner les deux autres grands de la D1, est-ce que ça se refuse ?

Le nouveau sourire liégeois de Jelle Van Damme tranche avec la moue anglaise qui a été la sienne durant quelques mois. Il rêvait de retrouver la Premier League mais elle s’est refusée à lui à Wolverhampton comme ce fut le cas lors d’une expérience précédente, à Southampton. Lucien D’Onofrio l’attendait, lui, en se frottant les mains.

Le patron liégeois songeait-il à Roger Vanden Stock qui parlait d’un  » petit coup vache  » ? Imaginait-il la tête de Luc Devroe qui avait besoin de Van Damme comme un affamé de pain blanc ? Ou songeait-il à sa défense enfin fournie en métier, charisme et caractère avec le Flamand de Lokeren ? Il y avait probablement un peu de tout cela. Mais comment Van Damme a-t-il pu se perdre à Wolverhampton, une ville industrielle de 250.000 habitants de l’ouest de l’Angleterre où il ne se passe jamais rien ?

Le soleil n’y brille qu’une fois tous les quinze jours quand les Wolves se mesurent à un géant de la Premier League. Personne n’a eu le temps de chanter pour lui Coz I Luv You, un des tubes de Slade, un ex-groupe de la région. Un accident du foot business sûrement. Jouer à Wolverhampton, c’est être condamné aux galères sans avoir la garantie de rester en Premier League.

Anonymat dur à vivre quand on a été un joueur en vue de la D1 belge. Souvent à l’arrêt, Van Damme s’y ennuyait comme un rat mort. Bien renseigné, le Standard n’ignorait rien de sa déprime, a attendu son heure, joué au poker avant de payer cash. Van Damme et le Standard, c’est une vieille histoire…

Ballotté dans tous les sens

Ses jeunes années sont marquées par le divorce de ses parents. Sa mère fait le maximum pour que les enfants ne manquent de rien mais ce n’est pas facile. Il ne l’oubliera jamais. Van Damme fait son chemin en équipes d’âges à Daknam. Mais il est bloqué par la politique africaine du club qui ne fait jouer pratiquement que des blacks en D1. Van Damme ignore tout cela.

En 2001, le coach Georges Leekens demande à sa direction d’offrir un contrat à cette jeune armoire à glaces. Refus des patrons. Il ne faut pas un dessin pour comprendre, même si Willy Verhoost, ancien explorateur de Lokeren en Afrique, précisa la saison passée :  » Pourquoi évoquer ce qui s’est passé il y a 10 ans. A cette époque, Lokeren avait un budget limité et il fallait procéder à des choix. Il n’était pas facile de deviner quel jeune méritait un contrat ou non.  »

Van Damme est sacrifié (car il ne rapporte de commission à personne ?) et change d’univers. Il rejoint le Germinal Beerschot où le hasard et la chance frappent enfin à sa porte. Le club du Kiel vit à l’heure de la collaboration avec l’Ajax d’Amsterdam. Les Néerlandais passent les jeunes du Beerschot au tamis et peuvent retenir les meilleurs, invités à des tests aux Pays-Bas. Les scouts venus du nord sont attirés par Pieter-Jan Monteyne mais le coach anversois, Franky Vander Elst, qui l’a fait venir de Roulers, refuse de le céder car il en a trop besoin

Le T1 de l’Ajax, Ronald Koeman, se déplace en personne pour observer la jeune garde du Kiel. Il indique un joueur du doigt : – Je veux celui-là. C’était Van Damme qui avait joué un match en D1, contre le RWDM, et été plusieurs fois réserviste. Aux Pays-Bas, le grand Jelle casse la baraque dès sa première saison, décroche un titre et douze mois plus tard file vers l’Angleterre.

 » C’était une erreur, j’aurais dû rester plus longtemps à Amsterdam « , avouera Jelle plus tard. Il est vrai qu’il avait dû céder sa place d’arrière gauche au Brésilien Maxwell. Trop jeune, JVD ne trouve pas ses marques à Southampton où une blessure le handicape. Un échec qu’il tente d’oublier en acceptant de partir en prêt au Werder Brême. Même s’il s’entend avec Johan Micoud, son expérience y sera brève. Southampton est descendu en D2 et le cède à Anderlecht en 2006 pour 500.000 euros. Une bonne affaire car il rendra des services durant quatre ans.

 » Si j’étais encore en activité à Anderlecht, j’adorerais jouer avec lui « , lança Johan Walem en 2007.  » Il travaille tellement qu’il soulage ses équipiers et leur permet de mieux jouer.  »

Les suites de l’affaire Sivasspor

Van Damme apporte sa taille (1m94), sa hargne, sa force de travail tant appréciée par Mbark Boussoufa. Le lutin mauve a besoin de son bûcheron qui se perd un peu dans ses ambitions. Cela frise le désordre quand il refuse de jouer contre Sivasspor en début de saison 2009-2010. Sa présence sur le terrain l’empêcherait ensuite d’évoluer avec le… Standard en Ligue des Champions. Cette bombe, c’est le début de la guerre entre les Mauves et les Rouches.

Il y a dix jours, après avoir signé son contrat au Standard, Van Damme précisa tout de suite à la presse : « Je suis Standardman, ne me parlez plus du Sporting. C’est le passé. Seuls le présent et à l’avenir importent. Nous avons discuté à plusieurs reprises. Notamment avant le match de coupe d’Europe d’Anderlecht contre Sivasspor en Ligue des champions. Mais le Standard n’était alors pas l’unique club intéressé.  »

Fulham était aussi sur la balle mais le défenseur oublie de signaler qui a noué les premiers contacts. Il y a deux théories. Côté mauve, il a été dit que le Standard avait contacté Van Damme et que la révélation de l’affaire avait pour but de déstabiliser Anderlecht. Sclessin a toujours démenti et il fut même question de sms envoyés en signe de premiers pas par le joueur lui-même à la direction liégeoise. C’était à Van Damme de résoudre son problème à Anderlecht avant de signer à Sclessin.

On s’y perd. Au secours, WikiLeaks…

Une chose est sûre : le Standard et Van Damme étaient amoureux l’un de l’autre depuis longtemps. La saison passée, le grand Jelle s’est battu comme jamais dans la lutte pour le titre. C’est ce Jelle-là que Bruges et le Standard voulaient, le guerrier, le lutteur qui compense son manque de finesse par les tonnes d’énergie qu’il communique à ses équipiers.

Le Standard a négocié le premier avec Wolverhampton. Le prix du transfert était-il alors trop élevé ? Probablement, même si Van Damme avait un accord avec un Standard qui annonça qu’il mettait fin aux tractations.

Bruges se lança dans la bagarre mais Devroe n’est pas Lucien D’Onofrio. Bruges aurait offert de meilleures conditions financières que le Standard à un Van Damme qui était d’accord, selon les Brugeois. Ces derniers auraient alors tenté d’obtenir une réduction du prix du transfert auprès des Anglais. Les Liégeois, eux, disposent d’un trésor de guerre qui leur permet de payer le montant exigé par les Anglais. Y a-t-il un rapport ou pas ? Toujours est-il que le samedi, JVD fait savoir à Bruges qu’il ne viendra pas et que le lundi il signe à Liège !

Anderlecht voulait-il le rapatrier ?

Et les Mauves ? Anderlecht s’est longuement tâté sur un retour de Jelle, même bien avant. En interne, les avis étaient partagés à propos d’un come-back de Jelle. Certains n’avaient pas oublié son flirt avec le Standard et l’élimination en Ligue des Champions limitait aussi la marge de man£uvre financière d’Herman Van Holsbeeck et consorts.

Les Mauves ont peut-être attendu la dernière minute, confortés par la man£uvre de retrait des Liégeois et misant peut-être sur les soldes du mercato en espérant que Van Damme clamerait son désir de revenir au Stade Constant Vanden Stock. Ne s’était-il pas laissé aller à des confidences en passant à Anderlecht durant une revalidation ? L’Angleterre n’était pas le paradis. Son club ne posait pas son jeu. Le coach, Mick McCarthy ne l’avait-il pas engueulé comme un fish and chips pourri après une défaite à Tottenham : 0-1 au repos, Van Damme monte au jeu à la 46e minute de jeu pour un résultat final catastrophique (3-1). Les Mauves savaient qu’il était d’autant plus mûr pour un retour que son épouse, Elke Clijsters, la s£ur de Kim, était rentrée au pays pour accoucher de leur deuxième enfant. Déçue par l’Angleterre, elle entendait s’installer dans leur nouvelle maison, près d’Hasselt… et de Liège. Cela passait aussi par un retour de son mari en Belgique. Un journal l’a qualifiée de pantoufle d’or car c’est sa femme qui porterait le pantalon. En réalité, Jelle ne veut plus revivre les soucis de son enfance. Il a trouvé une ambiance chaleureuse chez les Clijsters et tient énormément à ce bonheur.

Le carnet de chèques du Standard a sans doute joué un rôle aussi. Bruges a accusé le coup mais de manière assez discrète et Anderlecht rêve maintenant d’engager Milan Jovanovic. La venue de l’attaquant serbe constituerait une revanche par rapport à la venue de deux anciens Mauves au Standard, Van Damme et Mémé Tchité. Mais Jova trouve petit à petit ses marques à Liverpool. Il a marqué un but en Europa League au Steaua Bucarest. Même si on lui indiquait la porte de sortie fin décembre, le Serpent ne renoncerait pas à son contrat de 50.000 euros nets par semaine. C’est sans doute trop pour Anderlecht. Lucien D’Onofrio le sait, le Sporting n’aura pas Jova à moins de casser sa tirelire mais, lui, il a déjà embrigadé deux ex-Mauves.

 » Pas grave, c’est quand même Anderlecht qui sera champion « , a répliqué un Roger Vanden Stock qui a quand même accusé le coup. Il sait que Van Damme est populaire. Fin septembre 2008, 25 % des maillots vendus au fanshop d’Anderlecht portaient son nom. Paul Van Himst a déclaré :  » Avec son tempérament, Van Damme est capable de réveiller une équipe moribonde. « 

Dominique D’Onofrio et Sergio Conceiçao sont aux anges. Van Damme peut évoluer à l’arrière gauche (avec Sébastien Pocognoli ou Mbaye Leye devant lui ?), dans la ligne médiane ou au c£ur de la défense. Son nouveau contrat l’autorise à déjà s’entraîner au Standard même s’il ne pourra pas jouer avant le 1er janvier. Sa femme est heureuse. Elke voit son mari tous les soirs, ce qui n’aurait pas été le cas s’il avait signé à Bruges où elle ne voulait pas s’installer.

Et Van Damme a été examiné durant des heures de pieds à la tête au CHU de Liège avant de signer son contrat. Déclaré bon pour le service (pas question de cheville déficiente), il est déjà couvert par les assurances. Van Damme n’est pas le seul à attendre l’Anderlecht-Standard du 22 janvier…

PAR PIERRE BILIC, GEERT FOUTRÉ ET FREDERIC VAN HEULE

Jova ne renoncera pas à son contrat de 50.000 euros nets par semaine. C’est sans doute trop pour Anderlecht.

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