La voie de la maturité

La richesse des Diables Rouges ne connaît pas de limites : même privés de figures majeures comme Vincent Kompany, Eden Hazard et Thomas Vermaelen, ils ont aisément pris la mesure de l’Ecosse, vendredi à Glasgow. La veille, les Espoirs, dont le jeu est encore trop irrégulier, avaient déjà dévoilé leur potentiel en s’imposant 1-3 face à l’Italie. Les Diables, eux, ont gommé ces imperfections. Ceux qui, il n’y a pas si longtemps, formaient encore une collection d’égos au comportement d’adolescents sont devenus une équipe adulte, bien liée, qui peut varier son jeu. La Belgique n’a pas fait preuve d’un contrôle brillant en Ecosse mais elle a été très efficace. On a beau qualifier l’Ecosse d’équipe rudimentaire, il n’est pas fréquent qu’elle ne se crée pas d’occasions sur ses terres.

Il y a un an, l’embauche de Marc Wilmots au poste de sélectionneur avait suscité des doutes, y compris au sein de la Fédération, qui se hâte maintenant de prolonger son contrat. Wilmots a façonné une équipe brûlant d’ambition et désireuse de prouver qu’elle n’était pas surestimée. Son principal mérite est d’avoir parfaitement exploité cet état d’esprit et d’avoir réussi à gérer les joueurs avec honnêteté et sans tabou. Wilmots ne les abrutit pas par toutes sortes de règles, il s’impose avec naturel. Il profite évidemment du développement que les Diables Rouges poursuivent à l’étranger. La métamorphose de Kevin De Bruyne, qui a pris à son compte la moitié de la production durant cette campagne, est particulièrement frappante. Un fait laisse songeur sur la manière dont on s’entraîne dans ce pays : De Bruyne est devenu nettement plus solide au Werder Brême, qui n’est pourtant qu’une formation moyenne de Bundesliga.

Ces Diables Rouges ne rappellent en rien les générations précédentes, qui s’appuyaient sur une solide défense et un style de jeu prudent. En rien, si ce n’est la classe du gardien. Sans Thibaut Courtois, la Belgique n’aurait jamais signé cette impressionnante série de 22 points sur 24. Ses interventions prodigieuses ont maintenu une équipe en péril dans le match en Serbie. Le Limbourgeois n’est pas seulement un sauveur d’occasions. Il marche sur les traces d’illustres gardiens tels que Christian Piot, Jean-Marie Pfaff et Michel Preud’homme. Mieux même : pour l’heure, on ne trouve pas meilleur portier en Europe.

L’euphorie initiée par les Diables Rouges ne recèle qu’un danger : qu’on place en eux des espoirs irréalistes au Brésil. Ici et là, on clame déjà qu’il ne suffira pas d’atteindre le deuxième tour. Ils doivent pouvoir faire beaucoup mieux. À juste titre, Marc Wilmots continue à prêcher le réalisme et rappelle que la qualification n’est pas encore acquise. Le sélectionneur va devoir rester à flot dans cet ouragan d’espoirs, surtout quand ça ira moins bien.

Aussi belle soit cette campagne, il faut la replacer dans son contexte. Les adversaires de la Belgique ont été moins forts que prévu. Ainsi, l’étoile de la Croatie, jugée inaccessible, a-t-elle sérieusement pâli. Les Diables Rouges doivent encore peaufiner certains aspects, comme on a pu le remarquer lors du match amical contre la France : en première mi-temps, l’entrejeu a été balayé par des Français à la technique supérieure et il a manqué de vitesse à la transition. Or, au Mondial, les Belges affronteront des adversaires de ce calibre. Comment réagira l’équipe une fois menée ? Durant cette campagne, cela ne lui est arrivé qu’une seule fois, lors du match à domicile contre la Croatie.

Marc Wilmots se tient à une règle simple : les joueurs doivent penser la même chose au même moment. Il y a encore du chemin, après avoir franchi le dernier obstacle, le 11 octobre à Zagreb, ou quatre jours plus tard, à domicile contre le Pays de Galles, dans un stade Roi Baudouin qui sera à nouveau comble, dans une ambiance d’unité. C’est aussi un point fort dans ce pays divisé sur le plan communautaire : les Diables Rouges se sont mués en produit national. Et ces sentiments patriotiques vont encore se développer à l’occasion du Mondial. ?

PAR JACQUES SYS

Sans Thibaut Courtois, la Belgique n’aurait pas signé un 22/24.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire