LA REVANCHE D’IVAN LE TERRIBLE

Comment le Standard a requinqué Ivan Santini pour en faire l’homme de la finale de la Coupe.

Fin septembre 2015. Yannick Ferrera est l’invité du talk-show foot sur la VRT. Sur le plateau, il donne les raisons qui l’ont poussé à quitter un Saint-Trond en pleine santé pour un Standard malade. Il parle de projet à long terme.

Et il espère que le nouveau président a encore des fonds pour renforcer très vite l’équipe. Dans les coulisses de l’émission, il se lâche un peu sur Ivan Santini. Pour lui, le Croate n’a pas sa place au Standard. C’est simple : il ne sait pas jouer au foot.

Janvier 2016. Jean-Luc Dompé part de Saint-Trond pour se poser au Standard. Encore un joueur avec lequel Yannick Ferrera va devoir travailler. Il ne croit pas plus en lui qu’il ne croyait en Santini à son arrivée.

Ce dimanche, la victoire en Coupe est celle de Dompé et Santini. Et celle de Ferrera, qui est à Michel Preud’homme ce que Felice Mazzù est à Hein Vanhaezebrouck : une bête noire. Trois fois, cette saison, YF a dompté l’équipe de MPH. Deux fois, Anderlecht a été incapable de battre son Standard.

Les Liégeois qu’on a vus dans ces gros matches n’ont rien à faire en play-offs 2, cela a encore été confirmé en finale. Aujourd’hui, les regrets sont encore plus forts qu’après la déroute à Malines.

 » TOC TOC, HÉ ON EST LÀ…  »

Retour fin novembre. Yannick Ferrera se confie à Sport Foot Magazine dans une longue interview. Il a entre-temps remis le Standard sur les rails et le sujet Santini vient sur le tapis. On lui fait remarquer qu’il a dans son noyau deux joueurs qui mettaient beaucoup de buts la saison passée mais n’arrivent pas à le faire avec les Rouches : Santini et Renaud Emond. A ce moment-là, ils font des allers-retours entre le terrain et le banc, voire la tribune.

Le coach défend ses choix offensifs :  » Tout vient du temps de jeu. Je ne suis pas aveugle, j’ai bien vu que Santini était productif avec Courtrai, j’ai bien remarqué qu’Emond l’était avec Waasland-Beveren. Si je les laisse sur le terrain pendant une trentaine de matches, je sais qu’ils vont claquer dix ou quinze buts à tous les coups. Le problème pour eux, c’est qu’ils sont maintenant dans un grand club comme le Standard.

Avec Courtrai ou Waasland-Beveren, tu peux te permettre d’enchaîner deux mauvais matches, tu peux te permettre de ne plus marquer pendant un petit temps. Tu restes quand même sur le terrain et tu vas bien finir par mettre à nouveau un but. Si tu restes titulaire, tu sens que ton coach te fait toujours confiance et tes sensations reviennent. La grande différence, c’est que dans des clubs pareils, tu n’as pas d’autres bons attaquants sur le banc qui font : -Toc toc, hé on est là…  »

 » J’ATTENDAIS AUTRE CHOSE  »

A l’époque, Yannick Ferrera estime que d’autres attaquants lui apportent plus. Il y a Mohamed Yattara, Benjamin Tetteh, Anthony Knockaert, il cite même Ryan Mmaee. Et il se félicite de l’état d’esprit de Santini :  » Le jour où je lui ai annoncé que je le renvoyais en tribune, ça n’a pas été facile pour lui. Mais il a ensuite eu une réaction super positive à l’entraînement. Il travaille dur, il est constamment dans l’effort intense. Je sais à tout moment que si je fais appel à lui, il répondra présent.  »

Entre-temps, le Croate s’est installé dans l’équipe, il a atteint le cap des dix buts et il ne se contente pas de marquer. C’est l’un des joueurs de l’équipe qui couvrent le plus de kilomètres à chaque match, il défend et use les adversaires, il ne veut pas se contenter d’attendre le ballon dans le rectangle même si c’est dans les seize mètres qu’il marque tous ses goals.  » Je n’ai pas toujours été tendre avec lui quand il ne jouait pas « , dit Yannick Ferrera après la finale.

 » Je lui ai fait plusieurs fois remarquer que j’attendais autre chose. Puis, il est entré dans l’équipe en décembre et il ne l’a plus quittée. Je suis fier de lui et content pour lui.  » Le match clé pour Santini a été celui contre Bruges à domicile, en championnat, mi-décembre. Depuis lors, il n’a plus raté une seule rencontre et il a scoré six fois. Le plus souvent, il est sorti avant la fin, épuisé.

D’ailleurs, il n’aurait plus dû être sur la pelouse dimanche dernier quand il a marqué le but de la victoire. Le staff se préparait à le remplacer.  » Je trouvais qu’il avait beaucoup travaillé et je voulais lancer Benjamin Tetteh pour apporter de la fraîcheur.  » C’est à ce moment-là que Santini a buté.  » Il faut parfois un peu de chance « , reconnaît l’entraîneur.

L’ÉQUIPE NATIONALE, SA CICATRICE

 » Toc toc, hé je suis là…  » C’est ce que Santini a bien envie de dire au coach de la Croatie. L’EURO, c’est demain, et l’attaquant du Standard aimerait tant y être. Mais il sait que c’est mort et ça le désole.  » It’s hard, really. En Croatie, on ne raisonne pas comme dans la plupart des autres pays. Le championnat de Belgique a quand même un certain niveau, mais même si je finis meilleur buteur ici, je sais qu’on ne m’appellera pas en équipe nationale. Je prends mon mal en patience. Je devrais sans doute jouer ailleurs pour avoir une chance.

Maintenant, on va avoir les matches d’Europa League avec le Standard, ça pourrait être une vitrine. Si je ne joue qu’en championnat de Belgique, je n’entrerai pas en ligne de compte. Pour le staff croate, la Pro League, c’est trop juste. Mais moi, je vois qu’il y a dans la sélection actuelle plusieurs joueurs qui évoluent toujours en Croatie, où la compétition doit être trois ou quatre fois moins bonne qu’ici. Si Rijeka, Split et Zagreb sont plus forts que le Standard, alors il faut m’expliquer…

Les Croates devraient rêver de tout ce qu’il y a dans le football belge. Le championnat est extrêmement médiatisé, ça vit énormément dans les stades, Anderlecht et Gand ont passé l’hiver en Coupe d’Europe. Dans mon pays, il n’y a rien de tout ça. Finalement, ma carrière est mal faite… Quand je jouais le titre de meilleur buteur en championnat de Croatie, la tendance était de donner la priorité à des joueurs qui étaient ailleurs. Aujourd’hui, c’est l’inverse.

Si je rentrais au pays, c’est sûr que j’aurais de meilleures chances d’être sélectionné, mais ça ne fait évidemment pas partie de mon plan de carrière. Je veux continuer à me développer ici, atteindre les sommets en Belgique, puis penser éventuellement à autre chose. Avec, toujours, l’équipe nationale dans un coin de ma tête. Jouer un jour avec Ivan Rakitic, Luka Modric, Mario Mandzukic et les autres, c’est le plus grand objectif de ma carrière. J’ai plus envie de porter le maillot croate que de gagner la Ligue des Champions. C’est normal chez nous, tellement le patriotisme des footballeurs est développé.  »

Il vivra donc l’EURO dans sa ville natale de Zadar :  » En famille, on va faire la fête, il y aura des écrans géants, de la musique, de la bière. Big fun.  »

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Je n’ai pas toujours été tendre avec Ivan Santini quand il ne jouait pas.  » YANNICK FERRERA

 » Pour le staff croate, la Pro League, c’est trop juste. Je compte maintenant sur la vitrine de l’Europa League.  » IVAN SANTINI

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