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La résurrection de Mitrogol

L’attaquant serbe Aleksandar Mitrovic (23 ans) est prêt pour la Coupe du Monde. Luttera-t-il avec Romelu Lukaku pour le titre de meilleur buteur ?  » Je l’espère car cela voudrait dire que nous serions allés tous les deux très loin dans le tournoi.  »

En fait, c’est à Anderlecht qu’il aurait dû jouer au cours des derniers mois. L’hiver dernier, Aleksandar Mitrovic est passé tout près d’un retour au club pour lequel il avait inscrit 44 buts en 90 matches officiels, de 2013 à 2015. Mais l’accord de prêt a capoté en dernière minute. Le Serbe, qui traversait une période difficile à Newcastle, avait pourtant passé les tests médicaux à Bruxelles lors de la dernière journée du mercato, refusant même une proposition de Bordeaux. Mais comme Lukasz Teodorczyk ne voulait pas partir, Herman Van Holsbeeck s’est vu obligé de renoncer au transfert de Mitrovic. À ce moment-là, il restait deux heures avant la fermeture du mercato.

Fulham, club de D2 anglaise entraîné par le Serbe Slavisa Jokanovic, a sauté sur l’occasion, engageant l’atout qui allait lui permettre de réaliser son rêve : retrouver la Premier League.

 » Dans un premier temps, j’étais déçu de ne pas retourner au Sporting « , nous confie Mitrovic, que nous rencontrons à Motspur Park, le tout nouveau centre d’entraînement de Fulham, peu avant le match de barrage pour la montée face à Aston Villa.  » C’est le Sporting qui m’a lancé et je ne l’oublierai jamais. J’y ai vécu deux belles saisons et j’y connais encore pas mal de monde. Je regarde les résultats chaque semaine, je serai à jamais supporter d’Anderlecht. C’est en Belgique que j’ai appris à vivre comme un pro et que je suis devenu adulte. I grew up there. Mais quand j’y repense, je me dis qu’il valait peut-être mieux ne pas retourner en Belgique car le football de Fulham est fait pour moi. Je me sens à nouveau très bien, tant physiquement que mentalement.  »

Alors qu’à Anderlecht, on lui reprochait parfois une certaine nonchalance, il semble désormais très dynamique. À Fulham, il a beaucoup évolué, tant physiquement que techniquement. Il a inscrit douze buts en vingt matches et tout le jeu offensif des Londoniens reposait sur lui. Il déviait lorsque c’était possible, conservait le ballon lorsque cela s’avérait nécessaire et dribblait s’il le fallait. Il a donc joué un rôle crucial dans la montée du club.

Rien à voir avec sa période à Newcastle qui, en 2015, l’a acheté pour 18 millions d’euros à Anderlecht. Newcastle, c’était le club de ses rêves car, depuis tout petit, il adorait Alan Shearer. Mais après une première saison acceptable, le rêve a tourné au cauchemar. Il ne s’est pas intégré au système du nouvel entraîneur, Rafael Benítez et s’est retrouvé sur le banc, voire en tribune. Au cours de la première moitié du championnat, il n’a joué que six matches. La Coupe du Monde approchant, il a donc demandé à être prêté.

Toujours sous contrat avec Newcastle jusqu’en 2020, Mitrovic refuse de dire ouvertement qu’il ne s’entendait pas avec Benitez mais son explication en dit long.  » Le manager, le staff et le système tactique sont des paramètres déterminants dans la réussite d’un joueur. Le système de jeu de Newcastle ne me permettait pas d’exploiter mes qualités au mieux. À Fulham, on joue en fonction de moi, mes équipiers savent comment me servir, ils savent quel mouvement je vais faire, ils savent où et quand ils recevront le ballon. Je dois être disponible dans la zone de vérité, garder le ballon ou le remettre. C’est ce qui fait ma force. J’ai beaucoup évolué en Angleterre, même si je jouais peu à Newcastle. À Anderlecht, j’attendais plus le ballon. J’ai commis des erreurs en Belgique. Je l’ai constaté en arrivant en Premier League. Je travaille beaucoup chaque jour et je suis encore plus fort physiquement. Ici, c’est nécessaire, sans quoi on ne survit pas.  »

Sortir des poules

Il ne peut et ne veut pas trop parler de son avenir mais comme Fulham monte, il se verrait bien rester à Craven Cottage.  » C’est exact mais ça ne dépend pas seulement de moi. Je me suis immédiatement senti comme chez moi ici et ma famille se plaît à Londres. C’est une ville animée, le temps y est meilleur que dans le nord de l’Angleterre et, surtout, les liaisons aériennes avec la Serbie sont plus faciles. Au moins, il y a des vols directs.  »

Sous ses apparences rebelles – les tatouages, les gestes obscènes après un but, l’air de ne s’intéresser à rien -, Aleksandar Mitrovic est un bon gars. Un type qui a besoin de chaleur humaine, de confiance et qui est très attaché à ses racines serbes. Des caractéristiques qu’il retrouve en la personne de Slavisa Jokanovic, l’homme qui l’a fait venir à Fulham.

Jokanovic a rendu service à la Serbie en remettant Mitrovic d’aplomb. Désormais, il est prêt pour l’équipe nationale.  » Il mérite une décoration « , rigole Mitrovic.  » Je dois remercier Jokanovic pour la confiance qu’il m’a accordée. Il m’a beaucoup parlé. J’estime qu’il est important qu’un entraîneur s’intéresse à l’homme derrière le joueur. Cela aide à relativiser, sans quoi on vit en permanence sous le stress. Car ici, il y a un gros match chaque semaine. Bien entendu, le fait de parler la même langue nous a aidés. À Anderlecht, j’avais le même type de rapport avec Besnik Hasi.  »

À 23 ans, Mitrovic sait que la Coupe du Monde peut être déterminante pour la suite de sa carrière mais il refuse la pression.  » Je me dis surtout que, si on obtient de bons résultats, on soulèvera une vague d’enthousiasme dans le pays. On peut apporter de la joie au peuple serbe. En ce qui me concerne, je tenterai de faire de mon mieux sur le terrain. Le reste, je ne le maîtrise pas. Notre objectif est de sortir de la phase de poules. Après, tout est possible.  »

Quand on lui dit que le dernier match du premier tour, le 27 juin face au Brésil, lui offrira une occasion unique de se mettre en évidence aux yeux du monde entier, Mitrovic hausse les épaules.  » À mes yeux, les matches face au Costa Rica et à la Suisse sont plus importants. C’est là qu’on doit prendre des points. En Serbie, les gens ne parlent que du Brésil, mais nous les joueurs, nous sommes concentrés sur la première rencontre, face au Costa Rica.  »

Le modèle Lukaku

Si l’on s’en réfère à la campagne de qualification (six buts en neuf matches), l’ex-Anderlechtois fait figure de premier choix au sein de la ligne d’attaque de l’équipe nationale serbe mais il reste humble.  » Aleksandar Prijovic a livré une excellente saison avec le PAOK et il mérite d’avoir sa chance. J’essaye de ne pas penser à ça. Le plus important, c’est la victoire. Même si je ne suis pas sur le terrain, je souhaite que l’équipe gagne. On me prend parfois pour un bad boy mais, à Newcastle, je suis resté sur le banc pendant six mois sans jamais causer de problème. Je respecte mes équipiers, même si je ne suis pas heureux.  »

On lui fait remarquer que s’il conserve la même forme qu’au deuxième tour du championnat, il luttera peut-être avec Romelu Lukaku pour le titre de meilleur buteur de la compétition.  » Je l’espère car ça voudrait dire que nous sommes tous deux allés très loin dans le tournoi « , sourit Mitrovic.  » Mais, sérieusement : je crois que Lukaku en est capable.  »

Mitrovic ne cache pas qu’il admire l’attaquant des Diables Rouges, au contraire :  » C’est une bête et il affiche une excellente mentalité. On se connaît un peu. Pour moi, c’est un des meilleurs attaquants du monde, je le lui ai d’ailleurs déjà dit. De telles statistiques à son âge… (il souffle) Et il a encore une fameuse marge de progression ! Être meilleur buteur de tous les temps de son pays à 25 ans, c’est réellement phénoménal. En Belgique, on le critique toujours mais c’est parce qu’il a mis la barre très haut.  »

Mitrovic n'est pas le seul membre de la sélection serbe à être passé par le championnat belge.
Mitrovic n’est pas le seul membre de la sélection serbe à être passé par le championnat belge.© BELGAIMAGE

La Belgian connection serbe

Bien qu’il ait qualifié la Serbie pour la Coupe du Monde, Slavoljub Muslin (64 ans, ex-Lokeren et Standard) a été licencié en octobre dernier. Selon la presse locale, on lui reprochait de ne pas aligner Sergej Milinkovic-Savic (ex-Genk). C’est son adjoint, Mladen Krstajic (44 ans), qui lui a succédé. Aleksandar Mitrovic reconnaît que les joueurs ont été surpris.  » Muslin avait réussi à former un groupe homogène, on s’entendait très bien avec lui. La décision de le remplacer a été prise plus haut et je ne sais pas du tout pourquoi. Krstajic est plus jeune mais ses idées ne diffèrent pas fondamentalement de celles de Muslin. Il est cependant très sûr de lui et très dynamique.  »

Selon Mitrovic, la Serbie a suffisamment d’atouts pour jouer en rôle en vue.  » On a un bon mélange de joueurs talentueux et expérimentés : Ivanovic, Matic, Tadic, Kolarov… Tous jouent ou ont joué dans des grands clubs.  » L’équipe serbe compte deux autres joueurs passés par la Belgique : Uros Spajic et Luka Milivojevic (ex-Anderlecht). Et quels sont les jeunes joueurs qu’il faut tenir à l’oeil ?  » Milinkovic-Savic, de la Lazio, mais tout le monde le connaît déjà « , dit Mitrovic.  » Attention aussi à Nikola Milenkovic, de la Fiorentina, et Luka Jovic, de Francfort.  »

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