La restauration

Après une année noire, la clique de Sir Alex est de retour en haut de l’affiche. Le travail en profondeur a été payant.

On pensait que la capitale anglaise avait remis les choses dans l’ordre. Après une décennie dominée outrageusement par Manchester United, les trois derniers titres avaient échu à Arsenal (2004) et Chelsea (2005 et 2006), deux clubs londoniens. Englué dans des résultats sportifs médiocres (symbolisés par l’élimination de Ligue des Champions en phase de poules), des crises de vestiaires (le capitaine Roy Keane avait stigmatisé dans la presse la faiblesse de certains coéquipiers) et une perte d’identité suite au rachat du club par le magnat américain, Malcolm Glazer, ManU avait connu un automne 2005 maussade.

Mais l’âme du club, le manager Sir Alex Ferguson, veillait au grain. On le disait usé et dépassé mais ses troupes ont fini le championnat sur dix victoires d’affilée, des succès de prestige face à Arsenal et Chelsea et une deuxième place finale au terme de la saison 2005-2006. A huit longueur des Blues

Lors du recrutement, Chelsea se renforçait en attirant des stars confirmées comme Michael Ballack et Andriy Shevchenko ou des jeunes comme Salomon Kalou et John Obi Mikel. Ferguson préférait placer sa confiance dans son groupe, se permettant même, pour la deuxième année consécutive, de faire des bénéfices sur le marché des transferts en vendant le Néerlandais Ruud van Nistelrooy, fer de lance durant six ans, et en n’achetant que le milieu de Tottenham, Michaël Carrick et un gardien remplaçant.

Coutumier des départs en fanfare, Chelsea n’a pas failli à son habitude mais a bien été étonné de voir Manchester lui coller aux basques et ce sont finalement les Blues qui lâchèrent prise lors des fêtes de fin d’année.

Un manager de légende et un jeu retrouvé

Le renouveau porte sans conteste la griffe de Sir Alex. A 65 ans et alors qu’il a fêté ses 20 ans à la tête de Manchester en novembre, Ferguson continue à courir après les succès. Cette semaine, il a de nouveau repoussé la date de sa retraite de deux ans.  » Je pense qu’Alex est objectivement le meilleur manager de tous les temps « , a affirmé Bobby Charlton,  » mais le fait que Bob Paisley et Liverpool aient remporté davantage de Coupes d’Europe lui pèse. Je pense qu’il aimerait bien gagner une deuxième Ligue des Champions avant de faire ses valises « .

Ferguson a cru dans son groupe et a permis à des joueurs critiqués comme Darren Fletcher ou John O’Shea de grandir. L’ancien défenseur de l’Antwerp a ainsi longtemps été jugé trop court à la relance mais c’est avec lui en milieu de terrain, aux côtés de RyanGiggs, que Manchester a réalisé sa belle série de 10 victoires d’affilée en fin de saison dernière.

Oublié le 4-5-1 de 2002 à 2005. Revoilà le bon vieux 4-4-2 avec des créateurs décentrés. A droite, le flamboyant Cristiano Ronaldo explose. On lui reprochait son manque d’efficacité. Le voilà qu’il plante 16 buts et qu’il part déjà grandissime favori pour le titre de joueur de l’année. A 21 ans, Ronaldo est le créateur. A 33 ans, Giggs, son pendant à gauche, véritable icône des années 90, retrouve une seconde jeunesse. Son but fait de malice à Lille, lors du match aller sur coup franc, a démontré toute la science du Gallois dans une rencontre difficile, alors que Manchester commençait à plier. Tout en respectant les lois du jeu, il n’a pas laissé à la défense française le temps de se placer.

Dans l’entrejeu, Paul Scholes harcèle, court, coupe le jeu et insuffle du courage. Il constitue également l’élément capable d’apporter le surnombre en zone offensive. Lui, dont on attend chaque année une avalanche de buts en oubliant un peu vite qu’il n’est pas attaquant, a retrouvé le chemin des filets (6 réalisations). Significatif : la mauvaise passe de la saison dernière, a coïncidé avec la mise sur la touche du rouquin, blessé à l’£il.

 » Giggs n’a jamais été aussi fort qu’aujourd’hui. Son expérience fait la différence dans les moments difficiles. Pareil pour Paul Scholes, qui est magnifique, cette saison « , affirme Ferguson.

Carrick a déjà trouvé sa place. Il n’a pas le charisme et la hargne de Keane dont on cherche toujours le successeur mais bien une science du placement et un passing que peu de médians anglais peuvent lui contester. Il choisit toujours la solution la plus sûre.

Un esprit offensif

Après 28 journées, Manchester a inscrit 65 buts, soit 17 de plus que Chelsea et Arsenal, 21 que Liverpool. L’attaque respire et fait flèche de tout bois. Il y a une semaine, lors du replay de Cup sur le terrain du Majedski Stadium, trois occasions lors des six premières minutes ont suffi à Manchester pour mener 0-3 à Reading.

Le départ de Van Nistelrooy a libéré de l’espace. Le Néerlandais était un homme de rectangle et avec Louis Saha et Wayne Rooney, le manager écossais dispose de deux attaquants sans cesse en mouvement et qui aiment décrocher pour créer de la profondeur.  » Au niveau de la vivacité et des déplacements, Louis a peu d’équivalent « , dit de lui son compatriote Mikaël Silvestre.

Rooney, qui a eu besoin de quelques mois pour digérer sa blessure au pied et sa Coupe du Monde, est un attaquant qui sait tout faire : passer, presser, contrer, débloquer la situation d’une frappe des 30 mètres ou d’un lob astucieux, tuer le match en renard des surfaces et défendre quand la situation le requiert.  » Il ne prend pas seulement sa chance. Il la crée grâce à sa ténacité et ses aptitudes « , explique Ferguson.

Dans ce secteur également, les vieux roublards retrouvent de l’efficacité. Après deux ans d’absence et des blessures à répétitions, le Norvégien Ole-Gunnar Solskjaer a refoulé les pelouses en décembre. Ses années de galère n’ont en rien entamé son instinct de buteur, même s’il devra subir une nouvelle opération qui le tiendra à l’écart des terrains tout le mois de mars.

Henrik Larsson, qui retournera en Suède après le match contre Lille, est venu effectuer une pige de quelques mois et a d’emblée apporté son talent. Avec deux buteurs et deux remueurs de défense, Ferguson dispose d’un éventail d’actions complet.  » Il faut attaquer car cela fait partie de la tradition du club mais on a désormais conscience du repli défensif et des sacrifices qu’il faut faire les uns pour les autres « , lâche Saha.  » Il faut aussi varier le rythme : accélérer, ralentir « .

Une fragilité dans les sommets

L’ombre du triplé de 1999 commence à trotter dans la tête mais la Ligue des Champions ne constitue pas un objectif majeur, à l’inverse du titre. Saha :  » Là, le challenge est énorme. Ces dernières années, Chelsea a placé la barre tellement haut ! L’objectif, c’est de lui faire comprendre que ce ne sera plus jamais aussi facile. Les grosses avances au classement et tout cela, c’est fini « .

De plus, le banc est encore un peu fébrile et les Red Devils ont une fâcheuse tendance à mal négocier les rencontres au sommet. Ils se sont inclinés à deux reprises face à Arsenal (0-1, 2-1), à Copenhague et au Celtic en phase de poules et ils ont partagé l’enjeu devant Chelsea dans leur antre d’Old Trafford. Sir Alex a encore un peu de travail. l

par stéphane vande velde – photo: reporters

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