LA MORT EN FACE

Feyenoord, Celtic, Ajax : Evander Sno (27 ans) avait le monde du foot à ses pieds lorsqu’il fut victime d’un arrêt cardiaque au cours d’un match d’espoirs. Un autre allait suivre deux ans plus tard.

29 septembre 2012. Les 40.000 spectateurs présents au Kuip retiennent leur souffle. Evander Sno (25), joueur élégant de NEC, vient de s’écrouler, la main sur la poitrine. Il se relève, se traîne jusqu’à la ligne de touche et est transporté à l’hôpital. Arrêt cardiaque, dit-on. Mais quelques jours plus tard, dans De Volkskrant, il dément.  » Je n’ai rien, les gens ne savent pas de quoi ils parlent. Et ils jouent avec ma carrière.  » Aux Pays-Bas, cependant, on connaît le passé de Sno. Deux ans plus tôt, déjà, au cours du match opposant les Espoirs de l’Ajax à AGOVV, il avait été victime d’un arrêt cardiaque et a dû être ranimé pendant un quart d’heure.

Les cardiologues avaient alors décidé de lui implanter un pacemaker (défibrillateur) et, quelques mois plus tard, l’Ajax s’était séparé de son médian, qui avait pourtant reçu le feu vert des médecins pour reprendre le football. Aux Pays-Bas, plus personne n’avait voulu de lui mais en 2011, la Gazetta dello Sport affirmait que la Genoa était prête à lui faire signer un contrat de trois ans. Grâce à Gennaro Gattuso, le médian de l’AC Milan qui, quatre ans plus tôt, lors d’un match de Ligue des Champions à Celtic Park, avait été impressionné. Ce soir-là, Sno avait été élu Homme du Match.

Mais, à Gênes, il avait échoué lors de la visite médicale.  » Il y a des règles qui l’empêchent de jouer en Italie et c’est dommage car c’est un grand joueur « , s’excusait Enrico Preziosi, le président du club. Aux Pays-Bas, les journaux étalaient ses problèmes de santé sur la place publique pour la deuxième fois. Sa carrière semblait terminée. RKC lui avait toutefois offert une chance et, après une bonne saison, il avait été élu Joueur de l’Année par l’hebdo sportif Voetbal International. Plus rien n’avait semblé devoir entraver sa progression jusqu’à ce que la réalité le rattrape au Kuip.

Ce n’est que treize mois plus tard, lorsqu’il reprend le flambeau à Waalwijk, qu’il admet qu’il y a eu un problème.  » Je me suis senti mal et j’ai compris que c’était mon coeur. J’ai senti une poussée d’adrénaline et le déclic du défibrillateur.  »

En référence à Evander Holyfield

Evander Sno, né en 1987 et prénommé ainsi en référence au boxeur Evander Holyfield, est arrivé à l’Ajax en provenance de DWS, le club qui a formé Rinus Israel, Ruud Gullit, Rob Rensenbrink et Frank Rijkaard. A 18 ans, il est passé à Feyenoord mais ne s’est jamais imposé en équipe première.

Après six mois, il est prêté à NAC et Voetbal International titre :  » Evander Sno joue à Feyenoord mais est supporter de l’Ajax .  » Il se fait insulter sur les forums mais se défend.  » J’ai choisi de quitter l’Ajax pour Feyenoord, ce que personne n’ose faire « , dit-il dans Algemeen Dagblad.  » On m’a demandé si j’avais encore des amis à l’Ajax. Bien sûr que oui. J’ai été honnête et ça se retourne contre moi mais j’espère rejouer au Kuip.  »

Il s’impose à Breda mais Feyenoord ne souhaite pas le reprendre et en 2006, à la surprise générale, il signe au Celtic. Gordon Strachan croit en lui et après quelques bons matches européens, Marco van Basten le sélectionne même pour un match amical de l’équipe des Pays-Bas. La première saison, The Herald, le journal de Glasgow, ne tarit pas d’éloges à son sujet : bonne technique, excellente vision du jeu. Mais il l’est nettement moins par la suite, lui reprochant de ne pas être suffisamment dur au duel et de jeter trop vite l’éponge.

Après deux ans, il signe pour trois saisons à l’Ajax mais après le tournoi olympique de Pékin, Foppe de Haan l’écarte de la sélection.  » Pendant un mois, il a joué les vedettes avec un casque ridicule sur la tête « , écrit Sjoerd Mossou, éditorialiste de l’Algemeen Dagblad. Je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi arrogant. Contre l’Argentine, quand on lui a demandé de tenir Riquelme, il n’a pas respecté les consignes.  »

Après une première saison décevante, il est prêté pour un an à Bristol, où il ne tarde pas à conquérir le coeur des supporters, qui composent même une chanson à son intention sur l’air de Let it Snow.

Il retourne pourtant à l’Ajax et dit vouloir y rester, même après son arrêt cardiaque.  » J’ai parfois eu des problèmes avec les entraîneurs mais je ne me suis jamais senti aussi bien qu’avec Martin Jol, même lorsqu’il ne me sélectionnait pas. J’ai les cartes en mains pour réussir. Je veux être considéré comme un joueur, pas comme un malade. Je vaux mieux que l’équipe réserve.  »

Mais quelques mois plus tard, il joue à RKC pour un contrat minimum.  » Malgré son physique imposant, Evander est un garçon sensible « , dit Ruud Brood, son entraîneur de l’époque, dans Voetbal International.  » Il faut gagner sa confiance. A la trêve, il pouvait partir à Utrecht, où il allait gagner sept fois plus mais il m’a dit qu’il voulait terminer la saison. C’est un type loyal.  »

Après un an à Waalwijk, il passe à NEC mais en décembre, après ses nouveaux problèmes au coeur, il doit être opéré pour la deuxième fois.  » Les médecins ont dit que je pouvais rejouer au football mais les gens me considèrent comme fini « , dit-il dans Voetbal International.  » En trois mois, l’entraîneur ne m’a envoyé qu’un SMS pour dire Courage. Il ne m’a pas souhaité bonne chance avant l’opération et n’a pas pris de mes nouvelles.  »

Le contrat est rompu de commun accord mais après treize mois d’inactivité, seul RKC lui rend une chance.  » Il arrive le premier au club, part le dernier et s’entraîne trois fois par jour », dit Erwin Koeman. « La plupart des joueurs dans son cas auraient mis un terme à leur carrière. J’ai rarement vu un gars aussi motivé.  »

 » La mission de Sno « , titre Voetbal International lorsqu’il revient à Waalwijk. Il est en forme mais porte toujours son défibrillateur.  » C’est une sécurité. Je suis davantage qu’un footballeur : je suis un être humain. Les médecins m’ont dit que je pouvais l’enlever mais je n’ai pas voulu, il fait partie de moi.  »

Sno livre une bonne saison à Waalwijk, un club qui lui convient à merveille.  » C’est le Celtic en petit : chaleureux, cordial, compréhensif. On m’y accepte comme je suis, avec mes bons et mes mauvais côtés car j’en ai. Je ne me demande pas pourquoi je joue aussi bas : les gens qui me connaissent savent que je ne suis pas un garçon difficile.  »

Mais RKC descend et il est temps pour lui de partir. En avril, son agent espérait encore qu’il trouve un club du Top 6 de D1 hollandais mais il atterrit à Westerlo.  » Je suis plus en forme que jamais et je n’ai aucune crainte. Je prends du plaisir sur le terrain comme en dehors. J’étais déjà heureux mais la naissance de ma fille me comble davantage de bonheur encore. Je donne un dix à ma vie. Je veux être centenaire et mon corps me le permet.  »

PAR CHRIS TETAERT

 » Je connais peu de joueurs aussi motivés que lui  » Erwin Koeman

 » Je veux être considéré comme un joueur et non comme un malade.  » Evander Sno

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