La mort de l’Union Belge

Splitsing et affrontements chez les pros et les amateurs : que coûte le cercueil du football belge ?

Le président de l’Union Belge François De Keersmaecker, c’est le petit cheval blanc de la chanson de Georges Brassens « , lance un comitard de la maison de verre.  » Il tire la charrette à laquelle personne ne voulait s’atteler. Et quand il sera arrivé à bon port, on l’oubliera dans une écurie sans le remercier. On le remplacera par un play-boy qui lui volera son picotin et tous les honneurs « .

Le premier couplet (Le petit cheval dans le mauvais temps/ Qu’il avait donc du courage/ C’était un petit cheval blanc/ Tous derrière et lui devant) est aussi connu que le dernier : Il est mort sans voir le beau temps/ Qu’il avait donc du courage/ Il est mort sans voir le printemps/ Ni derrière ni devant.

La semaine passée, le jockey de la fédé est passé du trot au galop car le ministre des Sports de la Région Flamande, Bert Anciaux, a misé dix millions d’euros sur un GP dont on parle de plus en plus : la scission de l’Union Belge en deux ailes linguistiques.

En cas d’accord de la fédération, le politicien s’engage à libérer ce pactole (qui sera éventuellement revu à la hausse) en trois ans. Ces fonds seraient principalement consacrés à la formation des jeunes de la partie flamande du pays. La course est-elle jouée ? On peut le penser quand le numéro 1 de l’avenue Houba De Strooper déclare :  » Nous espérons tout régler rapidement car nous ne voulons pas refuser ce cadeau. On peut scinder en deux ailes mais une coupole chapeautera le tout et gardera les équipes nationales, donc les Diables Rouges, sous son contrôle. La Communauté française a aussi son projet…  »

Avec ses conseillers, le ministre en charge des Sports, Claude Eerdekens, a présenté un décret afin de soutenir la formation des jeunes joueurs (amateurs) de la Communauté française (782 clubs dont 42 à Bruxelles pour 1063 clubs flamands dont 4 sont situés dans la capitale). Ce décret était nécessaire afin d’aider les clubs d’une fédération non scindée. Dès que le décret sera adopté (dans les semaines à venir), une enveloppe de 600.000 euros sera libérée pour cette année. Cet apport ira crescendo dans les années à venir jusqu’à 1.500.000 euros par exercice budgétaire. Par ailleurs, Didier Haller, conseiller du ministre rappelle :  » Si on globalise les efforts faits en faveur du football, en retenant aussi les subsides accordés par les Régions wallonne et bruxelloise (Centre Euro 2000 de Tubize, terrains synthétiques, Académie Robert Louis-Dreyfus, centre d’entraînement de Blégny, etc.), nous n’avons pas à rougir par rapport aux chiffres avancés par Bert Anciaux. Notre réflexion à propos de la formation des jeunes s’est accentuée après la présentation du Plan Preud’homme entendant gommer le retard par rapport aux pays étrangers « .

Courage, fuyons

Le président fédéral est sur la balle. Pour quelqu’un qu’on estime benêt, renfermé, godiche, pas charismatique pour un sou, le poids des mots est évident. Est-ce la mort de l’Union Belge ? Que restera-t-il sous une coupole nationale en cas de créations de deux ailes francophone et flamande ? Où va notre football ? Ce sport peut-il vivre et prospérer sur de petits territoires régionaux ? A quoi ressemblera la D1 ? Le plan du manager de Westerlo Herman Wijnants (une nouvelle élite avec 12 clubs en D1A et 12 clubs en D1 B, des playoffs, etc.) sera-t-il accepté ? Que deviennent les idées de Roger Lambrecht, le président de Lokeren (fédéralisation à partir de la D2) ? Peut-on avoir deux ailes mais garder des championnats nationaux pour les clubs non rémunérés ? Que veut le monde amateur ? François De Keersmaecker est-il l’homme de la situation ?

Plus rien ne sera jamais comme avant ? Et n’est-ce pas ce bouffeur présidentiel de dossiers, ressemblant à un clerc de notaire d’une étude du Moyen Age, qui commence à installer les instances du football dans le 21e siècle et les réalités politiques du pays ? Ces prédécesseurs avaient tous rangé le dossier de la scission au frigo. C’était toujours

-Courage, fuyons.

A Spa, où ont été remis récemment les différents trophées du Footballeur Pro de l’Année créé en 1984 par Sport Foot Magazine, un de ses proches nous a dit :  » Oui, c’est vrai, il ne paye pas de mine. J’en ai connu d’autres que lui, plus à l’aise en société mais, lui au moins, il n’a pas un poil dans la main. Il vient souvent à la fédération avec sa petite auto personnelle alors qu’il a droit à une voiture de fonction et à un chauffeur : cela lui permet de gagner une demi-heure qu’il consacre à son travail à la fédération. A côté de cela, il y a des problèmes car ce bourreau du travail n’est pas un homme de représentation. Ceux qui l’entourent doivent l’aider à ce propos « .

Le brave homme doit obligatoirement naviguer entre les clubs professionnels et amateurs qui s’éloignent de plus en plus les uns des autres. Si les clubs de l’élite indiquent souvent la grande maison de verre du doigt pour expliquer tous leurs soucis, ils feraient bien aussi de battre leur coulpe.

Il y a trop longtemps maintenant que la Ligue Pro cherche un président et un directeur général avec à la clef des luttes d’influences et autres coups de Jarnac. Ces dirigeants ne sont pas des saints entre eux même s’ils donnent souvent l’impression de marcher sur des oeufs. Ils ont beau jeu de tirer en direction du boss de la fédération car cela les arrange d’épaissir un rideau de fumée afin de ne pas étaler leurs propres faiblesses. Car, qu’on ne s’y trompe pas : il n’y aura pas de football belge fort sans une Ligue Pro solide, mue par un projet innovateur et motivateur qui convienne à tous les clubs de D1.

Probablement trop gentil

A l’heure des babillages et conclave au Château du Lac, à Genval, les clubs professionnels en sont loin. Ils ont beau se moquer sous cape du manque d’élégance de François De Keersmaecker, ces rieurs et autres oiseaux de mauvais augure sont les premiers responsables de l’arrivée du Malinois à la tête de la fédération.

Il y a un an exactement, les clubs professionnels n’avaient pas su accorder leurs violons afin de soutenir activement la candidature à la présidence de Roger Vanden Stock d’abord (dégoûté par les critiques venant principalement d’ Ivan De Witte, le patron de Gand qui affirmait : – On ne peut pas être président d’un club et de la plus grande fédération sportive du pays, il se retira sous sa tente) et plus tard de Michel Preud’homme (candidat de dernière minute) qui montait au casse-pipes afin de sauver le prétendu honneur des clubs de D1.

Le président de l’Union Belge est d’abord l’enfant des liaisons houleuses (dangereuses ?) des pontes de la caste professionnelle. Leurs responsabilités dans le marasme qui gêne actuellement l’Union Belge sont importantes, pour ne pas dire plus. La maison de verre a été dirigée durant des décennies par de très fortes personnalités qui suscitaient le respect, parfois la crainte.

Sans remonter au déluge, il suffira d’évoquer Louis Wouters, Michel D’Hooghe et Jan Peeters. Le premier, beau-père de François De Keersmaecker, faisait même trembler la planète foot. En 1982, cet orateur de haut vol se dressa devant les patrons du football international qui, lors de la Coupe du Monde, entendaient déplacer Belgique-Pologne du Camp Nou au petit Sarria de l’Espanyol de Barcelone. Il tonna :  » Si on nous oblige à changer de stade, notre équipe nationale jouera tout en noir pour protester sans léser personne… et pour marquer le deuil de la FIFA et du football « .

Herman Neuberger, le président du comité d’organisation du Mundiespana fit marche arrière. On n’imagine pas François De Keersmaecker frappant du poing sur la table devant Joseph Blatter ou Michel Platini, Présidents de la FIFA et de l’UEFA.  » Non, ce ne serait pas possible « , note un habitué de l’avenue Houba De Strooper.  » Le président actuel de l’Union Belge est probablement trop gentil. Personne ne le connaît sur la grande scène internationale. La fédération n’a pas un patron connu ou présent dans les sphères mondiales les plus élevées. A l’époque actuelle, c’est un gros désavantage mais il faut lui laisser le temps « .

Joyeux manque d’autorité

A ce niveau, il y a de plus en plus de requins dans la mare du football. C’est le struggle for life. Quand c’est nécessaire, il faut montrer les dents et même mordre. Sans cela, on ne se fait pas respecter. François De Keersmaecker rit tout le temps, que ce soit après un succès ou même en cas de défaite. On dirait Joyeux dans Blanche Neige et les sept nains. C’est assez bizarre et rigolo mais, bon, chacun a ses habitudes mais où se cachent les Simplet, Prof, Atchoum, Timide, Grincheux et autres Dormeur de l’Union Belge ? Font-ils risette à Blanche Neige ou à l’une ou l’autre sorcière ? Cela dit, Joyeuxa raté deux fois l’occasion d’asseoir son autorité. Quand Stijn Stijnen a commis sa bourde dans la presse, en menaçant CristianoRonaldo avant Portugal-Belgique, il était opposé à la présence du Brugeois dans la cage des Diables Rouges. Le président n’était pas le seul. Mais il a reculé, a changé d’avis, n’a pas imposé son point de vue à René Vandereycken. Or, c’était le moment de le faire, de prouver son autorité tout en requinquant l’image de notre football et en prouvant aux jeunes que même une vedette ne peut pas dire n’importe quoi.  » En ne bougeant pas, il a été le spectateur d’un moment délicat, pas le décideur, le patron, le chef « , s’étonne un interlocuteur.

Il en fut de même quand le coach fédéral décida de ne plus accorder d’interviews individuelles aux télévisions ne couvrant pas les matches des Diables Rouges. Joyeux De Keersmaecker n’était pas au courant de la décision de Vandereycken qui avait été approuvée par la Commission technique. Un consensus mou s’est cependant dégagé à l’ombre de l’Atomium : le coach fédéral scinde ses conférences de presse en trois parties : presse écrite, audio-visuelle et médias électroniques ayant un contrat avec l’Union Belge afin de diffuser les matches des Diables Rouges sur les petits écrans.

Michel D’Hooghe n’était pas un tribun à la Louis Wouters mais ses discours étaient toujours soigneusement emballés, imagés afin de bien capter l’attention de son auditoire. Au CS Brainois, on se souvient encore du discours qu’il tint un jour devant un parterre d’homme d’affaires :  » Messieurs, si on parle de match en anglais, il y a un mot en français qui résume encore mieux la véritable importance du football : rencontre. Car, avant tout enjeu, c’est de cela qu’il s’agit. Rencontrer, échanger, se connaître. Oui, tout cela veut dire football, ce sport que nous aimons tant « .

Son français est toujours insuffisant

Joyeux De Keersmaecker ne s’exprimera jamais de la sorte. Cet avocat de formation n’est pas du genre à se lancer dans de longs discours. De plus, sa maîtrise du français est totalement insuffisante afin de représenter dignement le sud du pays.  » Je ne crois pas que les néerlandophones auraient accepté qu’un président fédéral s’exprime aussi pauvrement en néerlandais « , prétend un employé francophone de l’Union Belge.  » L’entente est absolument parfaite entre le personnel de la fédération. Chacun fait un effort vers l’autre et nous travaillons dans un contexte positif. Mes collègues sont pratiquement tous bilingues. Une séparation serait dramatique. Le président, lui, ne s’adresse à son personnel qu’en flamand. Il n’est pas encore compréhensible en français. Mais il compense ce déficit regrettable par son travail « .

De Keersmaecker a suivi des cours de français intensifs mais on se souvient d’une prise de parole pour le moins banale après une conférence de presse du ministre des Sports de la Communauté française, Claude Eerdekens. Avant cela, il s’était adressé un soir aux représentants des clubs de l’Entente du Sud et une des personnes présentes s’en souvient :  » Le président avait promis après son accession de faire le déplacement afin d’expliquer ses idées sur l’avenir du football belge. Quand il a pris la parole, ce fut la stupeur même si on savait que son français n’était pas bon. Puis, petit à petit, cette gêne s’est transformée : l’assemblée a apprécié le courage de cet homme qui développait sa philosophie malgré son handicap linguistique. Il sait où il va. Je suis formel : les clubs du sud du pays ne le repousseront pas sur son aspect extérieur. Ce serait trop facile et injuste. J’ai lu des choses inutilement méchantes à son propos. Le patron de la fédération a été élu démocratiquement et sera jugé sur son boulot. Maintenant, cet homme de dossiers a besoin de soigner sa communication. Et si les clubs professionnels ne sont pas contents, c’est leur problème : nous aurions accepté en bloc la candidature de Roger Vanden Stock et même celle de Michel Preud’homme si elle avait été exprimée plus tôt « .

Jean-Marie Philips, l’espoir

Dans le sud, on râle sec car le siège que Roger Vanden Stock occupait au Comité exécutif en tant que représentant du Brabant revenait obligatoirement à un membre francophone. Suite à un problème de communication, la seule candidature jugée recevable émanait d’un dirigeant flamand. Bien qu’il y ait deux provinces de Brabant sur la carte politique du pays, aucun des deux représentants ne sera francophone.

 » Le nord pique nos places comme cela s’était passé avec Guy Lambeets en juin 2001 qui s’affilia à Jodoigne afin d’être élu au Comité exécutif avec l’apport des voix flamandes « , relève un observateur.  » La parité linguistique au Comité exécutif ne sera bientôt plus qu’un souvenir « .

Dernièrement, Seraing s’est rendu à Bruxelles afin de s’expliquer à propos de sa demande de licence refusée pour la D2.  » Il y avait une date butoir « , explique un dirigeant du Pairay.  » A ce moment-là, on n’avait aucune chance de gagner la troisième tranche en D3 B. Seraing n’a pas jugé bon de demander une licence pour la D2 mais, à la surprise générale, notre équipe a gagné sur le terrain le droit de prendre part au tour final pour la montée. A Bruxelles, on nous a à peine écoutés : -Le règlement, c’est le règlement. Le comité adéquat a délibéré en néerlandais. On n’a rien compris. Oust, nous n’étions pas les bienvenus : triste. Seraing a été plus poli au moment de prêter ses installations pour un match international de jeunes…  »

Dans les couloirs de la maison de verre, l’inquiétude grandit.  » C’est normal… « , rapporte un vieux serviteur du football belge.  » S’il y a finalement un splitsing, ou une identification pour utiliser un terme de Jean-Marie Philips, que deviendrons-nous ? Où allons-nous travailler ? Garderons-nous nos avantages ? Qu’en sera-t-il de la protection syndicale ? Si la Région flamande met le paquet sur la formation, il y aura vite un énorme écart entre le nord et le sud. La Communauté française ne pourra pas suivre : dans 10 ans, il n’y aura plus de football en Wallonie « .

Ce n’est pas l’avis de la Communauté française.  » Il y a pas mal de réunions internes évoquant ces thèmes « , révèle encore notre interlocuteur.  » Et je constate que les francophones assistent rarement à ces meetings. Par contre, il est souvent question du ministre des Sports flamand Bert Anciaux. Ses idées sont discutées partout. Les élections législatives du 10 juin approchent. Propose-t-il une carotte qu’il cachera après le prochain scrutin ? Je ne sais pas. Au-delà de cela, il faut réorganiser l’Union Belge. Actuellement, tout est bloqué, chacun défend ses intérêts. C’est une maison inerte. Il y a quand même un clivage entre les anciens et des jeunes très motivés. Il était temps que Jean-Marie Philips, le successeur du secrétaire général Jean-Paul Houben, débarque. Il est notre grand espoir. Philips en impose, a de la prestance, s’exprime bien dans les deux langues. Il va dépoussiérer et moderniser la façon de travailler. La différence se fait déjà sentir, les jeunes sont ravis, je le sais « .

Un lap top, c’est quoi ?

A Bruxelles, le trésorier Germain Landsheere travaille encore avec une machine à écrire. Les ordinateurs, il en aurait peur et fait rire en disant : – Een lap top ? Een lap op uw kop, ja. ( » Un lap top ? Un coup sur ta tête, oui. « ) Dramatique quand on sait que le bonhomme tient les cordons de la bourse.

 » En fait, il dirige même l’Union Belge à sa façon « , estime un interlocuteur proche de la maison de verre.  » Quand une lettre importante part, c’est avec la signature du président, du secrétaire général et du trésorier. Cela ne se voit dans aucune société. Si le trésorier n’a pas signé, le courrier attend dans un tiroir. Des enveloppes mettent parfois plusieurs jours avant d’être postées ou d’arriver sur un bureau. Du temps où il était trésorier à Waregem, Landsheere a pu compter sur les services d’une société spécialisée en sponsoring sportif. Elle a ses entrées à l’Union Belge avec des contrats intéressants dont certains auraient été renouvelés avant l’arrivée de Jean-Marie Philips… On m’a dit que c’était parfois un peu bizarre quand même. Cette maison souffre de la multiplication des commissions. Quand il y a un problème, on l’évacue de cette façon. Les huiles ne sont pas toujours assidues aux réunions…  »

Jan Peeters, le prédécesseur de François De Keersmaecker, était toujours tiré à quatre épingles. Le teint éternellement bronzé, les lunettes de soleil sur le nez, parfumé, il donnait l’impression de sortir de sa douche. Le contraste avec Joyeux saute aux yeux. Ils ne doivent pas fréquenter le même tailleur. Joyeux a fait un effort : à Spa, il arborait de nouvelles lunettes. Les merles moqueurs avaient quelques surnoms pour Peeters. Jan Holiday par exemple. Ou le Crooner. On ne peut pas plaire à tout le monde. Peeters se faisait des amis en quelques minutes. Cet homme charmant, très cultivé, avait ainsi passé de longs moments avec Nelson Mandela à l’occasion de la visite des stades sud-africains de la prochaine Coupe du Monde. Voyez-vous Joyeux aux côtés du Prix Nobel de la Paix ?

Monsieur Règlement

Peeters avait promis de simplifier le règlement. Il y a encore du pain sur la planche : l’héritage est lourd.  » S’il y a un Monsieur Règlement, c’est François De Keersmaecker « , estime- t-on à l’Entente du Sud.  » Il en connaît tous les arcanes « .

Le président actuel doit tout relancer après des années d’immobilisme. Il ne faut pas oublier non plus que la fédération a surtout communiqué pour se défendre face à des nouvelles négatives : l’absence de résultats des Diables Rouges, l’affaire Ye, le racisme, la violence, le retard des travaux au centre d’entraînement de Tubize, le déficit financier, le retrait d’un sponsor historique comme Dexia, etc.

Or, il y avait de bonnes choses passées plus inaperçues comme les résultats de nos équipes nationales de jeunes (-17 ans, Espoirs), la présence de Citybank aux côtés des Diables Rouges, l’investissement de la Loterie Nationale en faveur de la formation, préparation pour l’organisation de la Coupe du Monde 2018, etc. Les clubs recueillent actuellement les fruits du travail de Michel Sablon (Directeur technique de l’Union Belge) et de Frans Masson (actuellement instructeur FIFA et recruteur de Feyenoord) qui a dirigé l’école des entraîneurs de l’Union Belge et travaillé afin de mettre les cours de la Pro Licence au point.

On reproche à la direction technique de ne pas avoir donné son avis à propos d’un problème : faut-il aider au maximum les Espoirs ou miser sur les Diables Rouges ?  » Le directeur technique a manqué de courage « , juge un connaisseur de l’Union Belge.  » Il n’est pas facile de tenir tête à René Vandereycken car c’est un homme qui se nourrit de conflits. Personne n’a osé dire que les Espoirs méritaient toutes les attentions. Sablon n’a pas bougé. Et il faut savoir que les clubs de D1 font pression sur les Espoirs. On ne peut pas interdire à un joueur d’accepter une convocation mais les clubs les préviennent parfois et les jeunes se méfient pour la suite de leur carrière « .

Au sein de l’Union Belge, la Ligue Pro occupe évidemment une place de choix. Si la fédération tâtonne, que dire de cette association qui est clouée sur la place ? La plupart des présidents des 18 clubs de D1 se sont récemment réunis au Château du Lac à Genval. A première vue, c’était  » Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil « .

Le nerf de la guerre

Il suffit de gratter un peu afin de constater que ce n’est pas le cas. N’est-ce pas normal quand l’argent est le nerf de la guerre ? Rien que les droits de télévision rapportent 36 millions d’euros par an. L’accord avec Belgacom TV s’achèvera en 2007-2008. Autrement dit, les négociations pour l’obtention d’un nouveau contrat ne vont pas tarder à commencer. Dans l’hebdomadaire TrendsTendances, Didier Bellens, le patron de Belgacom, a affirmé :  » La Ligue souhaitait un niveau de retransmission élevée avec beaucoup de caméras. Nous avons donc offert une qualité télé de Coupe du Monde pour un spectacle de… euh, de…  »

Puis, Bellens précisa :  » Le football a crédibilisé notre projet Belgacom TV. De ce point de vie, c’était très positif. Lors du renouvellement, nous aurons des informations sur les retombées, nous pourrons alors discuter avec la Ligue Pro de ce que nous pensons que le produit doit offrir…  » La semaine passée, Sport Foot Magazine a révélé que Belgacom TV comptait 149.000 abonnés au lieu des 400.000 espérés. Bellens mise cependant sur 2.000.000 d’abonnés à moyen terme. Il ne faut pas oublier que BelgacomTV offre bien d’autres choses que le football : 80 chaînes de télé, l’adsl, etc. Le ton est donné et les prochaines négociations seront très dures : la Ligue Pro devra être prête car les câblodistributeurs seront sur la balle (Voo, le puissant sponsor du Standard est présent dans le capital de BeTV et pourrait s’allier à Telenet Vlaanderen et proposer un montant considérable afin de promouvoir son offre triple : télévision, téléphone, internet).

Le patron de Sclessin, Luciano D’Onofrio a toujours estimé que ce contrat valait beaucoup plus. Voo avez dit beaucoup plus ? Les autres grands chefs de D1, eux, sont tombés des nues quand Bellens a sorti son chèque. Cette fois, les clubs ne pourront plus compter sur le flair et le bagout de leur ancien président, Jean-Marie Philips. Avec son fidèle secrétaire général, Robert Sterckx (qui a entre autres traduit et adapté aux réalités belges le contrat télé de la Fédération française de football), Jean-Marie a osé être exigeant et a gagné alors que le risque était grand pour lui de se retrouver sans rien : beau succès. Les clubs n’avaient jamais récolté une telle manne.

Plus de suspense

Les clubs amateurs ont cependant plus que sourcillé en apprenant récemment qu’à la demande du manager de Gand, Michel Louwagie, la Ligue Pro, si satisfaite, avait attribué une prime de 150.000 euros à Jean-Marie Philips.  » Si on a vraiment proposé une telle récompense à Philips, il aurait eu tort de refuser « , pointe un homme proche de l’Union Belge.  » Mais nous nous interrogeons sur le bon sens de ceux qui ont eu cette idée. Philips n’était-il pas assez payé afin de travailler ? »

Pour l’instant, la Ligue Pro ne nourrit pas assez de projets sortant de l’ordinaire et, finalement, n’est guère connue du grand public. Certes, il y a la Ligue Jupiler, les droits de télévision, la belle soirée du Footballeur Pro de l’Année en collaboration avec notre hebdomadaire, le signe distinctif du meilleur buteur de l’élite (cette simple idée a rapporté 25.000 euros en plus dans le contrat avec BelgacomTV) : il faudra passer à la vitesse supérieure.

La Ligue Pro a besoin d’autres projets fédérateurs afin de promouvoir ses intérêts et ceux du football. Ne devrait-elle pas avoir des bureaux ailleurs qu’à l’Union Belge pour exposer sa différence ? Pourquoi ne s’offre-t-elle pas les services d’un spécialiste en communication ? L’idée de Dominique D’Onofrio à propos de la réforme des matches de Réserves a aussi fait son chemin. Les jeunes de chaque vivier auront la priorité, ce qui contribuera à résoudre le problème de la formation en attendant de pouvoir aligner l’équipe B en D3.

La recherche d’un président et d’un directeur général est d’une importance vitale pour les clubs de l’élite. Quand on décortique les propos de Bellens, on peut imaginer qu’il exigera une autre D1 (moins de clubs, des playoffs en fin de saison, etc ?) avec à la clef plus de suspense tout au long du championnat.

Cela ne se prépare pas en deux minutes. C’est un travail énorme et il faut du personnel. Les grands clubs ont laissé les commandes aux sans grade. Anderlecht, le Standard, Bruges et Genk ont accordé leur permission à Ivan De Witte (président de Gand) afin de rechercher via… sa société de consultance (De Witte & Morel) ces merles blancs que sont un président et un directeur général. Cela coûte 25.000 euros à la Ligue Pro. Une annonce est parue dans la presse. Il y avait tellement de critères de sélection qu’un président de club nous a confié :  » Mais de tels candidats n’existent pas « .

Ligue Pro ou Impro

Ivan De Witte a fixé une procédure avec des entretiens d’estimations des candidats, etc. En fin de parcours (et après des mises l’écart parfois scabreuses), un nom a été retenu pour le poste de directeur (salaire : 90.000 euros nets par an) Ludwig Sneyers, un juriste qui défend les intérêts de Saint-Trond. Ce choix devra être approuvé en juin par deux tiers des membres de la Ligue Pro.

Un président pourrait émerger lors de cette assemblée générale. Louis Kinen du Brussels est le seul candidat en course mais ce chirurgien devrait être débordé dans la dernière ligne droite. Par qui ? Personne ne le sait. En coulisses, il a été question de Luc Van den Bossche (ex-poids lourd socialiste flamand, papa de la ministre Freya Van den Bossche) : c’est un Gantois qui avait initié le Plan Copernic (réforme de l’administration fédérale avec l’apport de grands managers choisis par la société… De Witte & Morel). Luc Van den Bossche est intéressé mais n’accepterait de poser sa candidature que s’il était certain d’être élu. Si c’est le cas, à quoi aura servi toute la procédure ?

Les grands clubs ont placé les petits devant leurs responsabilités. Ivan De Witte sait que sa marge de man£uvre est très étroite. Ses relations avec Michel D’Hooghe ne sont pas au beau fixe. Il avait aussi estimé que Roger Vanden Stock ne pouvait pas être à la fois président d’Anderlecht et de l’Union Belge. Or, le patron de Gand est président ad intérim de la Ligue Pro. Il s’autorise donc ce qui est interdit aux autres. Le Standard laisse faire aussi après tous les bâtons qui ont été mis dans les roues de Preud’homme. Il serait étonnant que Luciano D’Onofrio et Pierre François aient déjà abattu toutes leurs cartes. La Ligue Pro est le réceptacle de trop d’argent que pour ne s’y intéresser que d’un £il distrait. Gand place ses pions (De Witte) et Saint-Trond y a placé Sneyers.

C’est aux petits de se définir, de prendre part au partage des droits de télévision en s’engageant à comprendre les problèmes des équipes du top obligées de gérer, par exemple, leurs obligations européennes et nationales.

Herman Wijnants a des idées pour une nouvelle élite avec 12 clubs en D1A et 12 clubs en D1 B, des playoffs, etc. Les plans du patron de Westerlo ont été approuvés par une majorité de présidents de la Ligue Pro qui lui ont cependant demandé d’affiner ses idées. C’est une première. On ne peut plus parler de Ligue d’Impro… On sait cependant que Mons entre autres est farouchement opposé à cette refonte. Mons n’a pas envie de se retrouver en D1B. De plus, on sait maintenant que les playoffs hollandais constituent un flop : les assistances ne répondent pas à l’attente.

Fédéralisation administrative

Wijnants serait prêt à amender fortement son projet. Ses chances de réussite sont minces à court terme. Pour proposer son plan à l’assemblée générale de l’Union Belge le 30 juin, il devrait obtenir l’approbation des clubs de D2 et même de D3. Ce ne sera pas le cas et la refonte de la D1 ne sera pas envisageable avant deux ou trois ans.

 » A notre avis, c’est un plan utopique « , relève Jean-Claude Olio de l’Entente du Sud.  » Le projet de Roger Lambrecht était pire. Il désirait une D1 nationale et tout le reste devrait être régionalisé : tout pour l’élite, rien pour les autres. Il faut des changements. Nous n’y sommes pas opposés. J’en suggère d’autres : la D2 se régénère pour le moment avec le retour de clubs comme l’Olympic, Tournai, etc. Malines et l’Antwerp y jouent un rôle en vue. Mais le passage vers la D1 est trop étroit. Il faudrait au moins trois montants. Une éventuelle fédéralisation ne fait pas peur aux clubs francophones. Et leur football ne serait pas condamné à la disparition comme le prouvent certaines réussites. Mais si une fédéralisation administrative s’impose pour que nos amis flamands perçoivent des subsides, ce n’est pas un problème. En Wallonie, le ministre des Sports soutient la formation et des efforts sont faits afin de moderniser les terrains et les stades. Le futur devrait être celui-ci : football rémunéré (D1 et D2), football non rémunéré (D1 amateur nationale composée de clubs ayant une licence, D2 pour les autres, etc.). Les clubs de D3, à l’unanimité, veulent une compétition nationale pour eux car c’est une source de progrès. Si une coupole chapeaute le tout, chaque aile devra y être représentée, tout comme les clubs professionnels et amateurs « .

Le processus du changement est de toute façon lancé : le football belge de papa a vécu. Michel D’Hooghe et Alain Courtois avaient rafistolé les choses (Euro 2000), Jan Peeters et Jean-Paul Houben n’ont pas su réagir alors que la colère et la déception montaient dans les petits clubs croulant sous les problème et les amendes. La maison de verre est morte dans son organisation actuelle. Sans modernisation, elle ne renaîtra jamais de ses cendres. Cela a bougé en fin de semaine passée : la VRT a décidé de téléviser les matches de l’équipe nationale à domicile et le comité exécutif a adopté le plan Roger Vanden Stock revu par Jean-Marie Philips : un conseil d’entreprise remplacera le comité exécutif. Le CEO, Jean-Marie Philips, travaillera avec cinq départements (sport-médecine, finances, juridique et réglementaire, marketing et ressources humaines) dont les chefs de service n’ont pas encore été choisis. Tout cela en attendant que l’assemblée générale du 30 juin l’entérine.

L’Union Belge et la Ligue Professionnelle ont besoin de nouveaux Roger Petit, Constant Vanden Stock, Eddy Wauters, etc. Il y a 30 ans, Roosens, alors secrétaire général de l’Union Belge, suivait les équipes nationales de jeunes. Trop de dirigeants actuels avouent ne pas connaître le football.  » Il faut que des hommes de terrain accèdent aux plus hautes fonctions dirigeantes « , insiste Olio.  » C’était le cas de Preud’homme « . Loin de tout cela, le petit cheval blanc trottine. Qu’il a du courage, tous derrière et lui devant…

par pierre bilic – photos : reporters / belga

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