LA FELICITA

Felice Mazzù et Mario Notaro discutent pendant l'échauffement? © BELGAIMAGE - BRUNO FAHY

Plongée au coeur d’un entraînement des Zèbres, à la découverte de la méthode de travail de Felice Mazzù et de son staff.

Octobre a ramené à la raison un thermomètre qui avait décidé de jouer les prolongations estivales. C’est donc avec un bonnet bien vissé sur la tête que Damien Marcq débarque en premier sur la pelouse principale du complexe de Marcinelle, où s’entraîne le Sporting Charleroi. Quelques instants plus tôt, le bus zébré a déposé des joueurs qui doivent encore s’habiller au stade, à une petite dizaine de kilomètres de là, jusqu’à ce que le centre d’entraînement carolo devienne digne d’un club de Division 1.

Charleroi n’a pas attendu les travaux pour entamer sa reconstruction sur le terrain. Les Zèbres réussissent largement le meilleur départ de l’ère Felice Mazzù, avec seize points engrangés en neuf journées, et sont bien présents dans une course aux play-offs 1 dont la majorité des suiveurs les excluaient volontiers suite au départ de Jérémy Perbet.

C’est seulement la deuxième séance de cette semaine de trêve internationale, puisque les joueurs avaient obtenu trois jours de congé suite à leur quatre sur six réalisé face à Ostende et à Zulte Waregem. Trois ou quatre spectateurs se tiennent derrière le but, vénérant le soleil qui a décidé de tromper la vigilance des nuages pour réchauffer un peu une matinée déjà presque hivernale.

Assister à un entraînement du Sporting en fin de semaine est devenu presque impossible cette saison, puisque les deux dernières séances avant la rencontre du week-end sont désormais à huis-clos.  » Ce n’est pas de la peur ou de la paranoïa, c’est de la superstition « , explique un Felice Mazzù toujours attentif aux signes du destin. À l’entrée des terrains, on voit ainsi de plus en plus souvent un steward surveiller les longues bâches verdâtres qui masquent la vue des éventuels curieux. Mais à huit jours du prochain match de championnat, pas de raison d’éloigner les yeux extérieurs d’un terrain d’entraînement toujours en bel état grâce à la météo clémente des premiers jours d’automne.

Trêve internationale oblige, c’est sans Cristian Benavente et Gjoko Zajkov que les Carolos préparent la venue du champion brugeois au Mambour. David Pollet étant également absent, c’est sans lui que le clan français entame sa traditionnelle partie de tennis-ballon du jeudi. Protégé du froid par son cache-cou, Clément Tainmont fait passer la balle au-dessus de la barrière-nadar, éternel filet de fortune, en compagnie de Marcq, Steeven Willems et Benjamin Boulenger pendant que les derniers joueurs lacent leurs chaussures sur le banc de touche.

MARIOBOSSE

Après l’échauffement, conduit par le préparateur physique Philippe Simonin, c’est au tour de Mario Notaro de prendre les choses en main pour le premier exercice de la séance. Mazzù laisse systématiquement son adjoint prendre la direction de la première forme intermédiaire de l’entraînement.  » Je ne suis pas du genre à vouloir tout faire moi-même, et à utiliser mon staff pour disposer le matériel.  » C’est d’ailleurs le coach principal en personne qui a installé les plots qui délimitent la zone de l’exercice, dans une atmosphère presque silencieuse : le départ en prêt de Roman Ferber, moulin à paroles et blagueur omniprésent, se fait sentir autour du terrain.

Mazzù distribue les chasubles, Notaro les consignes. Trois équipes, deux en possession et une qui chasse le ballon.  » Ceux qui pressent, plus vous récupérez la balle et plus vous marquez de points « , explique énergiquement l’éternel T2 du Sporting. Felice, lui, fait les comptes à voix haute, pour stimuler l’esprit de compétition de ses protégés.  » Dans tous les entraînements, je suis un adepte du jeu « , nous expliquait récemment le coach des Zèbres à l’occasion de sa visite dans nos locaux.  » Parce que quand on prend du plaisir, on est plus productif.  »

Le travail de pressing n’échappe donc pas à cette règle du jeu permanent. Mario Notaro donne de la voix, et varie ses intonations en fonction de ce qu’il attend de l’équipe qui presse.  » On reste calme, organisé « , fredonne-t-il d’abord, avant de monter dans les décibels à la moindre passe approximative :  » Maintenant ! Maintenant ! On y va ! « , puis  » Voilààà, c’est ça le pressing !  »

Les encouragements énergiques de l’assistant ne semblent même pas surprendre les jeunes qui débarquent à Marcinelle, déposés par un van estampillé  » Zebra Talents « , pour leur entraînement du jour. Notaro poursuit, distribue les bons ( » Super les Verts ! « ) et les mauvais points :  » Y’a pas de réaction, on perd la balle et on implore le ciel, c’est pas normal !  »

MAZZÙ DONNE LE TON

Felice Mazzù prend la main, et envoie ses joueurs chercher deux buts mobiles qui sont installés dans la zone centrale du terrain. Les trois mêmes équipes sont toujours présentes, rejointes par les gardiens Parfait Mandanda et Valentin Baume. Légèrement touché la veille, Nicolas Penneteau est resté au stade pour travailler dans la salle de musculation, dont il est l’un des occupants les plus fidèles.

Deux équipes s’affrontent, pendant que la troisième permet à celle qui a la balle de créer le surnombre : deux joueurs en appui sur les côtés de chaque but, et le cinquième au coeur des débats, en joker. Le cinq contre cinq devient même un sept contre cinq dans la zone de jeu puisque Stergos Marinos, de retour d’une longue blessure, est également utilisable par l’équipe en possession.  » Prenez un peu de plaisir « , demande immédiatement Mazzù, pour cet exercice dont les différentes rotations vont emmener les Zèbres jusqu’à la fin de la séance du jour.

L’atelier démarre en mode mineur, comme si l’enthousiasme était refroidi par le thermomètre. De quoi déplaire au coach, qui demande d’abord  » plus de dynamisme « , déplore des joueurs  » trop statiques  » et un  » passing mou « , avant de hausser le ton pour afficher plus clairement son mécontentement :  » Vous êtes tranquilles là, vous n’êtes pas concentrés.  »

Rythmé par la voix d’un Parfait Mandanda qui ne cesse jamais de coacher son équipe, l’exercice monte en régime et permet à Mazzù de se consacrer aux félicitations, aux petits ajustements et au comptage des points. Formé aux méthodes de coaching prônées par la Maison de Verre, l’entraîneur des Zèbres sait que le  » fun  » est au centre de cette méthodologie, et que l’envie de gagner chaque petit jeu augmente toujours le plaisir de ses joueurs. D’aucuns n’hésitent pas à contester le score au terme d’une rotation, mais Mazzù leur rappelle qu’un but suite à une passe décisive d’un des joueurs en appui compte double.

INTÉGRATION EN DOUCEUR

Sur le terrain, c’est Sotiris Ninis qui régale. En joker ou avec son équipe, le Grec est dans tous les bons coups, et multiplie les passes tranchantes et les frappes au fond des filets.  » Okaaaaay Sotos « , applaudit plusieurs fois Felice Mazzù, à la base de cet improbable surnom donné à son meneur de jeu. La frustration d’un joueur qui traînait parfois des pieds à l’entraînement semble appartenir au passé, et Ninis prend indéniablement du plaisir en régnant sans partage sur ce petit bout de terrain où sa capacité à voir le jeu plus vite que tous les autres fait des merveilles.

Mamadou Fall et Chris Bédia, bien plus concret devant le but que lors des premiers entraînements de la saison – pour le plus grand plaisir d’un Mario Notaro qui ne lâchait jamais le grand Ivoirien -, sont les cibles les plus fréquentes des remarques du coach, preuve que leur intégration à la philosophie zébrée n’est pas totalement achevée et que certains ajustements sont encore nécessaires. En appui à côté du but, Clinton Mata appelle tous les ballons et chambre Fall quand il arrive trop tard pour conclure sur un ballon en profondeur :  » Tu dois aller plus vite que ça Mama !  »

Devenu spectateur et ramasseur de ballons depuis la fin de son échauffement, Philippe Simonin rit, lui aussi, quand Christophe Diandy passe une rotation entière dans le rôle d’appui sans recevoir le moindre ballon :  » Eh, vous ne jouez pas avec l’appui, vous ? « , déplore le Sénégalais, presque dépité.

COUP DE BARRE

C’est avec le sourire de ceux qui savent qu’ils ont réussi leur début de saison que les Zèbres terminent la séance. Par un petit jeu, évidemment. Après avoir rangé le matériel, tous les joueurs se dirigent vers l’entrée du rectangle pour tenter de frapper la balle sur la transversale. Ninis, lui, n’a même pas besoin de marcher jusque-là : depuis l’entrée du rond central, le Grec envoie son ballon sur la barre, lève le bras et file s’étirer près des bancs de touche.

Car la règle de l’exercice est simple : une fois la transversale touchée, c’est gagné. Et le dernier récolte les rires du reste de l’équipe tout au long du trajet du retour. Clément Tainmont réussit du pied droit, la plupart de ses équipiers l’imitent, et le jeu tourne rapidement au duel entre Djamel Bakar et Amara Baby. C’est finalement ce dernier qui s’incline, et chaque évocation de son nom jusqu’au retour dans le bus est accompagnée d’un éclat de rire.

Charleroi semble serein. Les joueurs regagnent le Mambour et ses vestiaires, là où ils n’ont pas encore perdu la moindre rencontre depuis l’entame du championnat.  » Il faut refaire de notre stade une forteresse « , avait martelé Damien Marcq avant le coup d’envoi de la saison, conscient que c’étaient des déconvenues à domicile (dont cette défaite 2-3 face à Waasland-Beveren en fin de phase classique) qui avaient coûté le top 6 aux Carolos l’an dernier. Bruges et son désamour des déplacements se seraient sans doute bien passés de ce safari au pays des Zèbres.

PAR GUILLAUME GAUTIER – PHOTOS BELGAIMAGE – BRUNO FAHY

 » Dans tous les entraînements, je suis un adepte du jeu  » FELICE MAZZÙ

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