Jacques Sys

La danse des millions

Jacques Sys Jacques Sys, rédacteur en chef de Sport/Foot Magazine.

Lorsque le Zenit Saint-Pétersbourg a été champion de Russie en 2007, mettant ainsi un terme à l’hégémonie des clubs moscovites, ses dirigeants ont fait preuve d’une grande générosité en octroyant une prime de 400.000 € nets à chaque joueur. La saison suivante, le club a remporté la Coupe UEFA et chaque joueur a reçu à nouveau la même prime. Plus 300.000 €, quelques semaines plus tard, pour avoir remporté la Super Coupe d’Europe. Soit un total de 1,1 million d’euros en plus de salaires plantureux et d’extras souvent accordés sous le coup de l’émotion. Nicolas Lombaerts n’en revenait pas : à Saint-Pétersbourg, il était tout simplement devenu le footballeur belge le mieux payé.

Par Jacques Sys

Les possibilités financières du Zenit sont illimitées et c’est également ce qui a poussé Axel Witsel à opter pour ce club : selon les insiders russes, il y gagnera trois millions par an, somme qui pourrait être doublée dans le meilleur des cas. Gazprom, le sponsor arrivé par l’intermédiaire du président Vladimir Poutine, originaire de Saint-Pétersbourg, n’a pas fermé le robinet, même si les gains du plus gros producteur de gaz naturel au monde ont chuté de 25 % au cours du premier trimestre de l’année et si la Commission Européenne a ouvert une enquête pour concurrence déloyale à son encontre. L’amende éventuelle pourrait se chiffrer en milliards mais au sein du club qui compte aussi dans son conseil d’administration le Premier Ministre russe Dimitri Medvedev, personne n’imagine un scénario-catastrophe.

Il est cependant encore trop tôt pour prétendre que la Russie sera le nouvel eldorado des footballeurs. Son championnat ne vaut pas grand-chose et ceux qui se laissent séduire par les roubles risquent de disparaître du paysage footballistique. Les joueurs de panache veulent briller ailleurs, même si le Zenit entend bien concurrencer à l’avenir les autres grands clubs européens.

Afin de hausser le niveau de son championnat en vue du Mondial 2018, la fédération russe a justement fait de la formation des jeunes une priorité. L’arrivée de footballeurs étrangers, qui bénéficient d’un régime fiscal très favorable, doit accélérer le processus de réussite. Tous les mécènes qui injectent de l’argent dans le football sont traités avec beaucoup d’égards… dans l’espoir que d’autres suivent.

Sans cesse, on voit de nouveaux riches débarquer dans le monde du ballon rond. Il y a sept ans, Chelsea s’est jeté dans les bras de Roman Abramovitch, qui a déjà injecté 1,2 milliards d’euros dans le club. Manchester City et, plus récemment, le Paris-Saint-Germain ont également lié leur sort à celui de cheikhs qataris.

L’UEFA se fait du souci car cela provoque des championnats à deux vitesses et une hausse artificielle des salaires. Le fair-play financier introduit il y a un an par Michel Platini doit limiter la puissance de ces barons milliardaires parce que les clubs n’auront de toute façon le droit de dépenser que l’argent qu’ils gagnent grâce au football. Mais comment considère-t-on ces sommes injectées ?

Cela fait longtemps que le football est sous l’emprise de l’argent et il ne parvient pas à s’en libérer. La Ligue des Champions elle-même rapporte des sommes de plus en plus importantes : cette année, 910 millions seront consacrés aux primes de départ et de victoires, soit 156 millions de plus que l’an dernier. Cela provoque également des inégalités. Anderlecht va toucher 17 millions d’euros, soit plus que les budgets de Zulte Waregem et de Malines réunis. Et le club qui va remporter la Ligue des Champions pourrait empocher jusqu’à 35 millions.

Ces montants tranchent avec la crise. Surtout lorsque des hommes d’affaires fortunés font de leurs clubs des objets de prestige, créant des paysages artificiels sans norme. Anzhi, un autre club russe, a donné le ton l’année dernière en offrant 22 millions d’euros nets par an à Samuel Eto’o, un attaquant sur le retour. Ces clubs n’ont aucune vision et aucune culture footballistique. Jusqu’à ce que, soudain, comme à Malaga, les investisseurs se fatiguent, ne laissant derrière eux que de la misère.

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