© KOEN BAUTERS

LA CLASSE AMÉRICAINE

Le paysage du football national belge a cette particularité d’être composé de clubs basés dans des tout petits villages. Troisième volet de cette balade à Meux, le dernier champion de l’histoire de la Promotion D.

Le couloir d’entrée qui mène à la buvette est placardé de deux mots uniques mais omniprésents : Fair Play. Panneaux, règlements et charte signée par tous les joueurs du club sans exception, le RFC Meux annonce directement la couleur.

 » Les joueurs de Meux sont gentils et bien élevés, il suffit de regarder le nombre de cartons que l’on reçoit pour s’en convaincre.  » Installé dans son bureau au fond de la buvette, Thierry Dubray ne cache pas sa satisfaction quand il illustre le respect de la charte par des statistiques.

Mais le correspondant qualifié du Matricule 4454 n’est pas un crâneur et bien vite, il nuance :  » Le côté beau-fils idéal de nos gars les dessert parfois au moment où il faut mettre le pied pour garder un résultat. Là, on dit qu’ils sont trop gentils (rires).  »

Cette année, le RFC Meux fête ses 70 ans d’existence. À l’origine, une dizaine de jeunes qui en avaient ras-le-bol de marcher sous la pluie les six kilomètres qui les séparaient de Rhisnes pour taper dans un ballon. Ces amis ont ensuite créé un club dont le credo a séduit Marco Casto (ex Mouscron, Mons, etc.), le coach de l’équipe A depuis quatre ans :

 » Ici, le côté humain prime sur tout le reste « , glisse-t-il.  » Et puis, on préfère voir des gens du coin jouer plutôt que de faire de gros résultats.  » À croire que les deux objectifs sont cumulables : suite à son titre historique en Promotion D l’an passé, Meux se retrouve actuellement avec une D2 amateurs ainsi qu’une P1 – fait quasiment unique en Belgique – constituée, qui plus est, à 80 % de jeunes du cru.

VILLAGE-DORTOIR

Parlons-en, du cru ! S’il a eu son importance dans le développement du club, le village de Meux a évolué et a désormais une autre influence sur le RFC. Vu sa proximité avec les grands axes et Namur, ce patelin de 2100 âmes est un vrai village-dortoir. Avec ses maisons quatre façades à taille « raisonnable », Meux ressemble à ces beaux villages que l’on trouve dans le Brabant wallon… le train de vie de ses habitants aussi.

 » Chaque été, beaucoup d’enfants ratent les entraînements pour leurs vacances et l’hiver ils partent tous au ski « , apprend Thierry. Heureusement que le club possède désormais un terrain synthétique pour les entraînements car rendre un enfant aux genoux boueux à ses parents ne plaît pas (plus ? ) aux mamans…

Les « nouveaux » gens du coin ne sont certes pas dédaigneux avec le club, mais ils préfèrent la contribution pécuniaire à l’implication à long terme. Cependant, la plupart des habitants ont désormais d’autres activités le dimanche qu’aller voir le foot.

Du coup, comme beaucoup de clubs, le RFC ne roule pas sur l’or. Mais sa politique est telle que l’argent qu’il dégage ne doit pas être la priorité de l’équipe première.  » On joue pratiquement avec la même équipe que la saison dernière alors qu’on est monté d’une division « , affirme Guy, présent au comité depuis 60 ans même s’il assure faire sa dernière année.  » La masse salariale a même été baissée de 30 % ces dernières années car il n’y a plus de salaire fixe.  »

ARMÉE, FLAIR ET FORMATION

Comment expliquer alors qu’un club implanté dans un si petit village évolue dans ce qui équivaut presque au troisième échelon national ?  » Je pense que la base, c’est un bon comité « , observe Guy.  » À une époque, certaines personnes motivées se sont retrouvées et ont fait évoluer le club au niveau matériel et sportif sans vouloir aller trop vite !  »

Le staff s’est alors fixé comme objectif de réaliser de gros investissements à intervalle régulier : installation d’une grande buvette (désormais inutilisée), réaménagement du terrain principal qui penchait des deux côtés, création d’une nouvelle buvette et d’un nouveau terrain n°1 avec des vestiaires et enfin, extension de la buvette et fabrication de nouveaux vestiaires en plus de deux terrains synthétiques.

Mais si Meux a profité de ses installations pour gravir les échelons, sa réussite s’explique aussi grâce au président historique du club, Richard Parmentier, qui avait ses entrées un peu partout.  » À l’armée, il a été chef du bataillon sportif « , précise Guy. Il a donc rencontré de nombreuses personnalités sportives, dont des Anderlechtois, vu qu’il était basé à Tervuren. Il s’entendait d’ailleurs fort bien avec Constant Vanden Stock.  »

Ce bon réseau, le président actuel Fernand Delchambre le possède aussi, même s’il se base sur son flair pour repérer les jeunes joueurs de clubs nationaux qui sont jugés trop courts là-bas. Mais comment oublier de citer la fantastique politique des jeunes du RFC pour expliquer le succès du club ? Cela fait en effet 20 ans que les Meutis ont misé sur leurs jeunes pouces pour avancer, au point d’en avoir 300 pour le moment.

 » C’est notre objectif n°1 « , certifie Marco Casto.  » Cette année, on a encore fait monter trois jeunes dans le noyau de l’équipe A. Et tant pis si on doit vivre des situations plus compliquées vu notre manque d’expérience, c’est justement ça qui forgera celle de mes joueurs.  »

L’ÉPOPÉE AMÉRICAINE

À force d’évoluer pour finir par se stabiliser au niveau national, le RFC Meux s’est spécialisé dans de nombreux postes, tels que la fiscalité et la trésorerie.  » On est devenu trop grand pour être une bande de potes qui se réunit le mercredi en disant  » Bon, qu’est-ce qu’on fait samedi ?  » Il y a tous les jours quelqu’un au club « , illustre Thierry.

Et les Meutis doivent se débrouiller seuls car, bien qu’il n’y ait aucune animosité avec la commune, La Bruyère est plus une cité-dortoir que sportive, les subsides ne pleuvent donc pas sur le stade de la rue Janquart. Avec quinze années sur les vingt dernières passées en Promotion, Meux vient probablement de vivre sa période la plus faste, même si le club possède d’autres belles histoires qui circulent encore souvent dans la buvette.

Les stages de jeunes au Portugal et en Roumanie en font partie, tout comme… une tournée aux Etats-Unis ! En 1976, le secrétaire de l’époque a en effet trouvé une annonce dans La Vie Sportive pour participer à la Wisconsin Cup. Il a donc envoyé une lettre en anglais à l’organisateur qui a finalement privilégié le club namurois au détriment d’Ostende, Audenarde ou encore Mons  » parce qu’il n’a rien compris à leur lettre, rédigée en français ou en flamand « , rigole l’ancien secrétaire dans le livre « Une épopée en Vert et Blanc » qui retrace l’histoire du club de 1946 à 1996.

Sur place, une délégation de 31 personnes profitera des vingt jours de tournée pour jouer, visiter ou, comme l’indique le bouquin à propos d’un joueur blessé au premier match,  » faire de nombreuses conquêtes.  »

PAR ÉMILIEN HOFMAN – PHOTO KOEN BAUTERS

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire