La carrière de CIMAN

Pour la première fois de la saison peu à son affaire face ou Lierse, le défenseur central du Standard a pris du galon après sa présence à la Coupe du Monde.

Sa présence dans les 23 Diables à la Coupe du Monde lui a donné un autre statut, même s’il n’a pas joué une minute au Brésil. Désormais, il a atteint la plénitude de sa carrière et s’il est un des rares à encore évoluer en Belgique, il le doit avant tout à sa situation familiale, pas à son manque de talent qui fait aujourd’hui l’unanimité. Plus que jamais, Laurent Ciman, 29 ans, incarne un Standard quelque peu en perte d’identité, et constitue avec Jelle Van Damme, le dernier des Mohicans. Pas étonnant que les deux flanchent en même temps, dimanche face au Lierse.

 » C’est devenu un leader « , témoigne son ancien capitaine à Charleroi, Frank Defays.  » Il peut se permettre de tirer la sonnette d’alarme quand ça ne va pas. Dans le temps, il l’aurait peut-être fait mais avec beaucoup de maladresse. Quand le soir de la défaite à Mouscron (5-2), il prend la parole, c’est fait de manière judicieuse. Il a pris de l’ampleur dans ce rôle : il revient de la Coupe du Monde et sait aussi qu’on ne va pas le laisser partir après tous les départs enregistrés cet été. Il est donc légitime dans sa prise de parole. C’est une manière de dire à la direction qu’elle doit aussi respecter ceux qui restent en effectuant les transferts nécessaires.  »

Sport/Foot Magazine a reconstitué son parcours et recueilli les témoignages des personnes qui ont jalonné sa carrière.

Robert Ciman :  » Son caractère, il le tient de nos deux familles  »

Son parcours débute dans la région carolo. A Farciennes, puis à Couillet avant de rejoindre l’Olympic et le Sporting de Charleroi (2004-2008).  » Quand il était à l’Olympic, il ne voulait pas s’arrêter à la D3 « , explique son père, Robert Ciman.  » Il n’y avait que la D1 qui l’intéressait. Il voulait se battre pour y arriver. Mais le Belge a un côté humble. Alors, quand il a débuté avec le Sporting, on était déjà très fier de lui. Pour un Carolo, jouer au Sporting, c’est déjà une forme d’aboutissement. Le club constitue la vitrine de la région. On ne pensait pas qu’il irait plus loin même si, déjà à Couillet, il était suivi. On nous disait qu’il avait un peu plus de talent que les autres. S’il a fait cette carrière, c’est en grande partie grâce à sa mentalité. Son caractère, il le tient de son père et de sa mère, il n’y a pas de doute. On ne décroche pas facilement (Il rit).  »

Ce caractère mêle lucidité, jusqu’au-boutisme et ténacité.  » Il n’a jamais douté de lui mais n’a jamais voulu se brûler les ailes, non plus. S’il part dans un club, c’est qu’il se sent capable. Il me dit toujours qu’il n’ira pas chercher ce qu’il ne peut pas atteindre.  » La voix du père trahit un mélange de fierté et d’émotion quand il évoque son fils.  » Il a mieux réussi que son père « , lâche-t-il fièrement.  » Le seul regret que j’ai, c’est que mon père n’ait pas pu assister à ses premiers pas de footballeur professionnel.  »

A Charleroi, il est lancé par Jacky Mathijssen qui suit l’avis de Dante Brogno, l’homme qui l’a convaincu de quitter l’Olympic pour le Sporting. Frank Defays, aujourd’hui entraîneur à Virton,a vécu ses premiers pas de footballeur pro à ses côtés.  » Dès le départ, on a vu qu’il avait un gros potentiel. Il avait des capacités physiques impressionnantes et a tout de suite montré un certain aplomb lorsqu’il a été lancé. Mais il manquait de maturité dans son jeu. A ce niveau-là, il a complètement changé aujourd’hui. Lorsque je le vois au Standard, je le trouve vachement plus complet sur ce plan-là.

Sur le terrain, il dégage quelque chose, un mélange de sérénité et de leadership. Avant, il pouvait encore commettre un attentat. Désormais, il joue de manière plus réfléchie. Je me souviens encore d’un match contre le Lierse à ses débuts avec le Standard. Il était monté sur une phase arrêtée et était tombé près du kop liégeois qu’il avait harangué alors que la contre-attaque s’amorçait. Aujourd’hui, il ne le referait plus. Il est plus concentré sur le match et reprendrait de suite sa place en défense.  »

David Vandenbroeck :  » Son passage par Courtrai a servi de déclencheur  »

Après Charleroi, suivront l’échec brugeois (2008-2009) et un rebond salvateur à Courtrai (2009-2010). Cette année-là, sous la houlette de Georges Leekens, Courtrai atteint les PO1.  » Courtrai était composé d’une équipe de revanchards avec Christian Benteke, Davy De Beule, Glenn Verbauwhede, Sven Kums et lui « , explique David Vandenbroeck, défenseur inamovible du KVK cette saison-là et aujourd’hui à OHL.

 » L’ambiance du club correspondait bien à Ciman qui avait besoin d’une atmosphère familiale pour se remettre en selle. Son passage par Courtrai a servi de déclencheur à sa carrière. A partir de là, il n’a fait que s’améliorer saison après saison. Sa réussite à Courtrai, ponctuée par une sélection en équipe nationale en fin de campagne ne fut qu’un juste retour des choses par rapport à son échec brugeois. Aujourd’hui, si vous ouvrez le journal, il n’y a pas un jour où il n’est pas dedans !  »

Pour Vandenbroeck, le Ciman de Courtrai avec lequel il effectuait tous les jours la route est le même que celui du Standard.  » Il joue toujours dans le même registre : feu follet, bonne relance, physiquement très fort et tout cela en connaissant parfaitement ses limites. Il a juste ajouté plus de constance et d’expérience à son jeu.  »

A l’époque de sa première sélection sous Georges Leekens, certains avaient avancé une certaine forme de népotisme, l’ancien entraîneur de Courtrai ayant retenu Ciman et Benteke comme il l’avait fait plusieurs années plus tôt en reprenant Gordan Vidovic après son passage à Mouscron.  » Pour nous, il méritait amplement sa sélection. Et son profil correspondait parfaitement à l’esprit guerrier voulu par Leekens et perpétué par Marc Wilmots « , ajoute Vandenbroeck.

 » Pour moi, c’était tout à fait naturel de le reprendre « , explique Leekens.  » Quand il se sent bien dans un groupe, c’est quelqu’un d’adorable. C’est un vrai joueur collectif, qui ne revendique rien et ne t’apporte jamais aucun problème. Tu peux toujours compter sur lui : il sera toujours prêt !  »

Une fois dans le groupe belge, il ne l’a plus quitté. Au point d’être un des seuls joueurs du championnat belge au milieu de cette constellation de stars internationales.  » Par ses qualités et le don de soi, il a pris sa place dans le groupe. A cela s’ajoute sa polyvalence. Pour moi, il ne faisait pas tache du tout « , dit Vandenbroeck.

Frank Defays :  » Qui était meilleur que lui pour intégrer les 23 ?  »

 » Dites-moi qui était meilleur que lui, à sa place, pour intégrer les 23 ? « , ajoute Defays.  » Pour moi, la seule question n’était pas la présence ou non de Ciman mais bien de savoir qui d’Anthony Vanden Borre, Thomas Meunier ou Guillaume Gillet allait partir ! Ciman devait rentrer dans ces 23 à 100 %. Il a fait partie de l’aventure depuis le début et restait sur une grosse saison. De plus, il peut dépanner partout en restant performant.  »

Ce qui plaît d’ailleurs à Wilmots qui n’a cessé de louer sa mentalité et sa polyvalence. Longtemps, on s’est demandé pourquoi, en amical, le sélectionneur ne l’essayait pas plus souvent, la réponse est simple.  » Je n’ai pas besoin de faire des essais avec lui. Je sais à quoi m’en tenir et je sais qu’il répondra présent le jour où j’aurai besoin de lui « , affirme Wilmots.

Seul, finalement, son clan familial a tremblé jusqu’au bout.  » Je me doutais qu’il serait dans la liste des 30 « , dit son papa,  » mais j’ai été submergé par l’émotion lorsque j’ai vu qu’il faisait partie des 23. Ce n’est qu’une fois que nous avons reçu un coup de téléphone du Brésil qu’on a vraiment réalisé qu’il faisait partie du voyage.  »

Par contre, si la présence de Ciman dans le groupe ne fait plus de doute, on ne devrait pas le voir plus souvent dans le onze.  » Pas étonnant de ne pas l’avoir vu jouer une minute avec les Diables lors de la Coupe du Monde quand on voit les clubs dans lesquels évoluent ses concurrents, à savoir Vincent Kompany, Nicolas Lombaerts, Thomas Vermaelen et Jan Vertonghen, sans oublier Daniel Van Buyten qui a pris sa retraite depuis lors. « , lâche Defays.

Au Standard, Ciman est devenu un des meilleurs défenseurs du championnat belge. Et comme il fait partie depuis plusieurs années du noyau des Diables Rouges, composé quasiment exclusivement d’éléments évoluant à l’étranger, on peut se demander si son avenir se situe encore en Belgique ou s’il peut encore rêver d’un transfert à l’étranger. Et en a-t-il seulement envie, lui qui a privilégié sa vie de famille, sa fille nécessitant un suivi spécialisé ?  » Je sens qu’il a le niveau pour passer un palier supplémentaire à l’étranger « , explique son père,  » mais le plus important pour lui, c’est sa fille. Les clubs qui s’intéressent à son CV doivent inévitablement tenir compte de cette donnée.  »

Robert Ciman :  » Il se verrait bien revenir un jour à Charleroi  »

 » C’est clair que sa vie de famille est un élément primordial « , ajoute Defays.  » On ne peut pas rester insensible quand on voit le combat qu’il mène à côté et j’ai l’impression que cela l’a rendu mature plus vite. Je suis certain qu’il a déjà été courtisé par des clubs étrangers mais dans la balance, il a toujours mis sa famille. C’est pour cela que je ne crois pas qu’il se laissera tenter par une aventure exotique. Il a une réflexion qui va au-delà de l’aspect financier. A cela s’ajoute son âge (29 ans) qui est certainement un frein aux grands clubs qui recherchent des joueurs plus jeunes.  »

Très proche de Valenciennes il y a deux ans, destination qui lui aurait permis de garder son domicile dans la région carolo, il a finalement décidé de rester au Standard où le président Roland Duchâtelet en a fait un pilier dans la construction de son noyau, au même titre qu’un Van Damme.

Il n’a pas fermé la porte à un départ éventuel, comme il l’a laissé entendre lors de la Coupe du Monde. Mais il a finalement décidé de rester en Belgique. Y finira-t-il sa carrière ?  » Je ne sais pas « , dit son père,  » mais il se verrait bien revenir un jour à Charleroi.  »

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS: BELGAIMAGE

 » Si vous ouvrez le journal, il n’y a pas un jour où il n’est pas dedans !  » David Vandenbroeck, ex-coéquipier à Courtrai

 » Pour un Carolo, jouer au Sporting Charleroi, c’est déjà une forme d’aboutissement.  » Robert Ciman, son père

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