Jouer un bon tour

L’attaquant brésilien aurait pu se retrouver au Standard ou à Bruges, mais il est toujours au Mambourg. Avec une idée derrière la tête.

François Sterchele l’année dernière, Izzet Akgül et Cyril Théréau cette année… Charleroi a pris l’habitude de perdre ses meilleurs buteurs. Le Brésilien Orlando, lui, est resté. Peut-être, justement, parce qu’il n’a pas marqué suffisamment la saison dernière : 5 buts en 32 matches de D1 et un seul assist. Mais les choses pourraient bien changer puisque Philippe Vande Walle a décidé de jouer avec deux attaquants et de le replacer en pointe. Et le gentil Orlando, chez qui le public a appris à découvrir d’autres qualités, s’est promis que cette saison devait être la sienne.

Comment s’est déroulée la préparation ? Beaucoup de choses ont-elles changé par rapport à Jacky Mathijssen ?

Orlando : Des choses ont changé, c’est sûr. Notamment au niveau du système de jeu. Mais ce n’est pas tellement en cours de préparation que cela se remarque. L’avant saison doit avant tout servir à affûter la condition physique et, à ce point de vue, le travail fut le même qu’au cours des deux années précédentes. La différence, pour moi, c’est que j’y suis désormais habitué. Nous avons vraiment beaucoup travaillé en stage parce que le groupe avait envie de démontrer que la cinquième place de l’an dernier n’était pas due au hasard. Nous avons même cru en la qualification pour la Coupe UEFA jusqu’à la toute dernière seconde. Et nous sommes rentrés de vacances avec la conviction qu’il y avait moyen de faire aussi bien.

Vous parlez de faire aussi bien mais le président, lui, veut être champion.

Rien n’est évidemment impossible mais il sera difficile de détrôner Anderlecht, je pense. Je ne veux empêcher personne d’avoir de l’ambition mais c’est sur le terrain que cela va se jouer. Moi, à partir de la quatrième place, je considérerai déjà que nous avons accompli notre mission.

Mais vous avez raté votre départ avec ce nul contre Roulers à domicile !

C’est mon troisième début de saison ici et je n’ai pas encore remporté le match inaugural. Pourtant, quand nous avons ouvert le score après 20 secondes contre Roulers, je me suis dit que c’était bien parti. Mais en deuxième mi-temps, il y a eu un peu de déconcentration, un relâchement au niveau du marquage.

Un manque de maturité ?

Non. L’équipe est à peu près la même que la saison dernière et elle était justement réputée pour sa rigueur. Il faut simplement le temps que le moteur se mette à tourner régulièrement. Nous avons mis les choses au point dès lundi et nous nous sommes dit que cela ne pouvait plus arriver. J’ai confiance car, l’an dernier aussi, à un certain moment, il a fallu se regarder dans le blanc des yeux et se dire des vérités pour que certaines choses changent.

Les matches amicaux avaient pourtant été assez encourageants.

Oui. L’équipe est pratiquement identique et cela s’est directement ressenti, malgré le changement de système de jeu. Nous nous trouvions beaucoup plus facilement. Nous n’avons d’ailleurs été battus que deux fois.

Il y eut aussi ce match terrible à Bucarest. Comment avez-vous vécu ces incidents ?

A vrai dire, comme j’étais à l’autre bout du terrain, je n’ai pas très bien compris ce qu’il s’est passé. Quand je me suis retourné, j’ai aperçu des dizaines de gars qui pénétraient sur le terrain. Après, sur la vidéo, j’ai vu que l’un d’entre eux avait tenté de frapper Bertrand Laquait. Nous nous sommes réfugiés près du banc de touche et je peux vous dire que j’avais peur. Pour peu, je me serais cru au Brésil.

 » On est plus détendu qu’avec Mathijssen  »

Vande Walle communique-t-il différemment de Mathijssen ?

On travaille de façon plus détendue que la saison dernière parce que l’entraîneur lui-même a toujours le sourire aux lèvres, toujours un mot pour rigoler. C’est lui qui vient vers nous, il prend sans cesse de nos nouvelles, afin de bien sentir le groupe et d’adapter son programme s’il le faut. Ses adjoints sont exactement comme lui. Avec Mathijssen, il y avait bien sûr moyen de parler aussi mais il attendait plutôt que nous fassions le premier pas. Et il ne déviait pas de son programme.

Le fait qu’il ait signé quatre victoires en quatre matches en fin de saison dernière était important ?

Oui. Cela lui a donné de la confiance et du crédit aux yeux des observateurs.

Le système, vous l’avez dit, est différent puisque Charleroi évolue désormais avec deux attaquants au lieu d’un seul. Et c’est vous qui en êtes le bénéficiaire puisque vous êtes retourné devant.

Même s’il est vrai que peu d’équipes se sentent à l’aise contre des formations alignant des ailiers, je préfère de loin ce système-ci. Les attaquants sont moins isolés, ils dépendent moins des centres. Et puis, je dois tout de même courir moins que la saison dernière.

Après plusieurs essais, vous avez entamé la compétition aux côtés de Fabrice Jovial. C’est le partenaire qui vous convient le mieux ?

Je ne peux pas dire cela. Je crois que je parviens à m’entendre avec chacun des attaquants. La seule chose que je demande, c’est que le boulot soit bien réparti. Fabrice prend le côté droit, je prends le gauche. Mais nous devons parvenir à switcher davantage pour gêner les défenseurs. En principe, il n’y a pas un joueur qui dévie au profit de l’autre mais comme Fabrice est plus petit, il peut arriver qu’il me demande d’aller au duel à sa place s’il a des problèmes avec un défenseur. Dans ce cas, c’est lui qui part en profondeur.

De tous les attaquants, en tout cas, vous semblez être le seul qui soit sûr de sa place.

C’est peut-être exagéré de dire cela mais c’est vrai que l’entraîneur m’a fait confiance dès le départ et j’en avais bien besoin. Maintenant, je veux lui renvoyer l’ascenseur.

Maintenant que vous rejouez devant, vous n’aurez plus d’excuse si vous ne marquez pas.

Je sais que je n’ai pas livré une très bonne saison. Je me suis promis que cela n’arriverait plus et je suis revenu plus fort que jamais. Personne ne peut me reprocher de ne pas avoir mouillé mon maillot mais un attaquant doit marquer des buts, on ne peut pas y couper. J’en ai parlé avec ma femme, qui m’aide toujours beaucoup. Je suis un solitaire, renfermé, peu expansif. Elle, elle communique. Nous parlons souvent de notre avenir et nous avons déterminé ensemble un objectif : cette saison doit être la mienne, je dois entrer chaque semaine sur le terrain comme un lion. C’est comme à l’école : quand on a de moins bons points, il faut travailler davantage pour regagner du terrain.

Qu’est-ce qui n’a pas marché la saison dernière ?

Je pense que le premier facteur qui a joué un rôle, c’est ma blessure. J’ai raté quatre matches aux environs du mois d’octobre. Ce n’est pas beaucoup mais cela a suffi à me déstabiliser complètement après un bon départ. Quand je suis revenu, j’avais perdu confiance, j’avais peur de la rechute, de ne plus être le même. Mathijssen l’avait compris, il essayait de me sortir cela de la tête mais il n’y avait pas moyen, je m’enfonçais chaque semaine un peu plus. C’est la grande leçon de la saison dernière : un joueur blessé doit revenir plus fort. Moi, j’étais moins fort.

Pourtant, Mathijssen vous a toujours maintenu et le public ne lui en a pas trop voulu.

Il me faisait confiance parce qu’il voyait que je donnais le meilleur de moi-même, que je travaillais pour les autres. Personne ne peut dire le contraire. Dans le public, j’entendais bien des murmures quand je ratais une passe mais, dans l’ensemble, les gens sont restés derrière moi, c’est vrai. Au Brésil, on aurait déjà brûlé ma voiture ou cassé mon contrat.

Vous jouiez aussi très loin du but adverse car Charleroi défendait beaucoup.

C’est vrai : à la place à laquelle j’évoluais, on ne me demandait pas avant tout de marquer. Comme je vous l’ai dit, chaque match sans but me faisait douter un peu plus. ça me trottait dans la tête. J’y pensais dès que je montais sur le terrain. D’autant que je m’étais juré de marquer 15 buts. Finalement, c’était une mauvaise chose. Cette saison aussi, j’ai un objectif chiffré mais je le garde pour moi.

Et vous trembliez à chaque fois qu’Akgül entrait à votre place et marquait ?

Non, j’étais content pour lui. Et je ne crois pas non plus qu’il était frustré parce que, la semaine suivante, je reprenais ma place. Dans le système qui était le nôtre, à gauche, on avait plus besoin de gens capables de déborder et de défendre que d’un buteur pur. Et comme ce groupe était très uni, Izzet n’a jamais fait de problèmes à ce sujet.

Peut-on être libéré par la mort de son père ?

Curieusement, c’est après le décès de votre papa, alors qu’on craignait que cela vous mine définitivement, que vous avez retrouvé le chemin du but…

Papa est décédé à sept matches de la fin. Il souffrait du c£ur mais n’en avait parlé à personne parce qu’il ne voulait pas qu’on l’envoie à l’hôpital. Lorsqu’il a eu une crise, on l’a emmené aux urgences où il est décédé quelques heures plus tard. Quand je suis rentré du Brésil, il restait cinq matches et je me suis dit que je devais les jouer pour lui, qui m’avait toujours soutenu. A chaque fois que je rentrais, il me disait de ne pas lâcher mes objectifs. J’ai inscrit deux buts dans les deux derniers matches : ce sont eux qui m’ont réveillé. Je veux continuer sur cette lancée.

Vous ne voulez pas dire combien de buts vous comptez inscrire mais l’équipe, elle, combien doit-elle en marquer ?

Avec deux attaquants et des médians qui marquent facilement, je pense que nous devons arriver à un score de 50, 60 buts.

Est-ce que l’un des objectifs de Charleroi ne doit pas, aussi, être de renouer avec un football plus chatoyant ?

Nous jouons en fonction des qualités du groupe. Bien sûr, nous avons aussi l’ambition de montrer de belles choses. C’est vrai que nous ne sommes pas le Brésil mais nous avons une qualité que personne ne peut nous enlever : nous sommes des gens sérieux et appliqués. C’est ce qui fait notre force.

Un éventuel départ de Fabien Camus vous poserait-il des problèmes ?

Sans aucun doute ! Personne n’est irremplaçable mais on parle ici d’un joueur de grand talent et qui connaît déjà très bien le style de jeu de l’équipe. Il faudrait certainement plusieurs semaines pour trouver une autre solution, interne ou externe.

On a l’impression que, petit à petit, Majid Oulmers retrouve son niveau d’avant sa blessure.

Tout à fait. Je pense que c’était déjà le cas au deuxième tour du dernier championnat. Majid et moi avons eu une petite discussion l’an dernier au cours du match à Roulers mais nous nous sommes expliqués et il sait tout le bien que je pense de lui.

Il y a également le retour de Bertrand Laquait. Il vous a manqué l’an dernier ?

Bertrand est un gardien de haut niveau qui peut jouer dans n’importe quel grand club. Sa seule présence dans les buts rassure tout le monde.

Le club a conservé ses meilleurs joueurs, ramené Laquait et le président affiche des objectifs très élevés : tout cela ne contribue-t-il pas à faire monter la pression sur le groupe ?

Ecoutez : cela fait plus de deux ans que je suis à Charleroi et je n’ai jamais ressenti la moindre pression. Les joueurs travaillent dur et à partir de là, on ne peut rien leur reprocher.

Vous entamez votre troisième saison dans le même club. C’est beaucoup pour un attaquant étranger. François Sterchele est déjà passé par le Germinal Beerschot et est maintenant à Bruges.

Je suis content pour lui. Il le mérite. Et je me rappelle lui avoir donné beaucoup d’assists lorsqu’il était à Charleroi…

Vous auriez aussi pu lui en donner cette saison à Bruges. Pourquoi n’y êtes vous pas allé ?

Lorsque j’étais en vacances au Brésil, Mogi Bayat m’a appelé pour me dire que Bruges s’intéressait à moi. J’ai écourté mon séjour d’une semaine pour discuter mais il s’est alors avéré que c’est Mathijssen qui me voulait. La direction brugeoise, elle, était beaucoup moins chaude, malgré le forcing de mon ancien entraîneur. Et dire que je n’ai jamais visité cette ville ! Il paraît que c’est très beau. Mais bientôt, j’aurai mon permis de conduire et je pourrai aller la voir.

Et l’hiver dernier, vous aviez failli accompagner Dante au Standard, non ?

Là aussi, c’est Mogi qui m’avait parlé de l’intérêt du club de Sclessin. Moi, je n’ai jamais eu le moindre contact avec ces gens. Dante a bien fait de partir, même si cela n’a pas plu aux supporters de Charleroi. Son objectif en arrivant ici était de jouer un jour dans un plus grand club et il dispute à présent la Coupe d’Europe.

Vous n’avez pas autant d’ambition ?

Si, bien entendu. Je vous l’ai dit : c’est pour l’année prochaine. Je ne suis pas du tout déçu de devoir rester une saison de plus au Sporting. J’ai d’ailleurs encore un contrat d’une saison après celle-ci. Si je commence à me tracasser parce que j’ai loupé un transfert à Bruges ou ailleurs, il est évident que je vais encore manquer ma saison. Or, c’est tout le contraire que je souhaite. Si j’arrive à mes fins, tout le monde y gagnera : moi, mais Charleroi aussi.

par patrice sintzen – photos: reporters/ hamers

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