Genk, la rupture avec Anderlecht, le refus du Standard, ses touches avec l’Angleterre, l’accident de sa copine : l’ex-capitaine de Gand revient pour la première fois sur son été brûlant.

Le mercato belgo-belge a longtemps rimé avec Pelé Mboyo : de l’annonce de son transfert imminent à Anderlecht à l’arrêt des négociations, des tweets du fils du président de West Ham aux quatre millions (et des grosses poussières) dépensés par la direction limbourgeoise jusqu’au terrible accident de voiture dont a été victime sa copine avant le match Gand-Malines. Le temps aujourd’hui de rouvrir certains dossiers difficiles.

Quel est aujourd’hui l’état de santé de ta copine ?

Pelé Mboyo : Après être restée un mois à l’hôpital des suites de nombreuses fractures, elle est aujourd’hui dans un centre de revalidation à Bruxelles. Ça va beaucoup mieux et elle n’aura aucune séquelle dans le futur alors que ce fut un accident assez grave. Réaliser un transfert dans des conditions pareilles n’a pas été évident psychologiquement.

La journée du 4 août fut particulièrement intense en émotions…

Elle avait très bien commencé puisque j’avais marqué, face à Malines, le but inaugural de Gand dans son nouveau stade après avoir marqué le dernier dans celui du Jules Otten. A la fin du match, j’ai répondu aux questions des journalistes télé et puis je suis parti saluer une dernière fois les supporters. Ce n’est qu’au moment où je suis entré dans le vestiaire qu’Hervé Kagé m’a annoncé la nouvelle de l’accident. Je me suis lavé en deux secondes et puis j’ai filé à l’hôpital.

Et le 6 août, deux jours après, tu signais à Genk…

Je suis quelqu’un qui a vécu pas mal de choses dans sa vie, j’ai appris à relever la tête rapidement après un coup dur. Comme on dit : ce qui ne te tue pas te rend plus fort. Mais je dois avouer que cet épisode a été difficile à gérer, d’autant que je découvrais un nouvel environnement en arrivant à Genk. Je veux d’ailleurs remercier le club pour m’avoir aidé dans les semaines qui ont suivi l’accident. Il est sur le point d’organiser, par exemple, le transfert de ma copine dans un hôpital à Genk. J’ai pu m’apercevoir que c’était un grand club tant au niveau sportif qu’extra-sportif.

En quoi est-ce un grand club ?

Dans sa façon de négocier. Ses dirigeants ont réalisé ce qu’Anderlecht n’a pas su faire. Avec le club bruxellois, les discussions ont traîné, alors qu’avec Genk tout fut réglé en deux jours, le club n’a pas hésité à mettre beaucoup de moyens.

 » Le refus d’Anderlecht ? Ce n’était vraiment pas une catastrophe  »

Avais-tu le sentiment que le club bruxellois ne te voulait pas à tout prix ?

A certaines conditions… Pour Mitrovic, les dirigeants anderlechtois n’ont pas hésité à dépenser beaucoup d’argent. L’échec de ce transfert n’était vraiment pas une catastrophe. Le seul club où j’irais à n’importe quelle condition, c’est le PSG. C’est le club que je supporte depuis tout petit, c’est le club de mes rêves.

Tu n’as pas de filiation avec Anderlecht en tant que jeune Bruxellois ?

J’ai beau avoir grandi à Bruxelles, avoir joué chez les jeunes d’Anderlecht, je suis, aujourd’hui, joueur pro, je me vois mal être supporter d’un club belge alors que je suis employé par un autre. Si je ne jouais pas au foot, peut-être que je supporterais Anderlecht mais ce n’est pas la cas… Mais je ne crache pas dans la soupe. Comme je l’ai toujours dit, Anderlecht aurait été un super club pour moi, c’est un club que je respecte. J’ai refusé beaucoup d’offres car dans mon esprit, j’allais signer à Anderlecht d’autant que les discussions avec Van Holsbeeck étaient très positives.

Quelles offres as-tu refusées ?

Parmi les équipes où l’intérêt était véritablement concret, il y avait Hull, Reading, Nuremberg, Al-Shabab et le Standard.

Le Standard ?

Le Standard a proposé quatre millions en juin. Mais ce transfert, je ne le sentais pas. Je me suis aussi rendu à Hull pour voir ce qu’on me proposait, j’ai discuté avec le coach, Steve Bruce. Mais le club arrivait en Premier League, allait sûrement lutter pour le maintien. J’ai aussi discuté avec les dirigeants de Reading qui me proposaient un pont d’or, dix fois plus qu’à Anderlecht ou Genk. Mais bon, c’était la D2 anglaise. Avec Nuremberg, on n’a pas su se mettre d’accord tandis que Al-Shabab arrivait bien trop tôt dans ma carrière. J’ai écouté toutes ces propositions mais j’avais la tête à Anderlecht qui m’offrait la possibilité de jouer la Ligue des Champions. Et puis être belge et titulaire à Anderlecht te donne de grandes chances de faire partie de la sélection belge. Et mon but cette année est de faire partie de ceux qui iront au Brésil.

Pourquoi ça a coincé au final ?

J’avais un accord verbal avec Andelecht deux semaines avant que tout capote. J’étais d’accord avec les chiffres que l’on me proposait mais les dirigeants des deux clubs n’ont jamais su accorder leurs violons.

Et au final Gand te cède pour un montant quasi similaire à ce qu’Anderlecht proposait…

Sauf qu’Anderlecht voulait payer en plusieurs parties alors que Genk a mis davantage de cash. Ce qui arrangeait Gand qui avait besoin de liquidités.

On avait le sentiment que John van den Brom n’était pas totalement désireux de te transférer…

C’était surtout un jeu pour faire diminuer le prix, notamment en faisant passer des messages via la presse. Ce serait ridicule de dire : -Je veux Pelé à tout prix. En interne, on m’a toujours dit que j’étais le choix numéro un des Mauves. Sauf que Genk n’a pas hésité à mettre les moyens. Et aujourd’hui je suis très heureux d’être à Genk. Je regrette seulement que mon transfert a traîné en longueur et que j’ai raté une partie de la préparation avec Gand, notamment le match amical face à Stuttgart pour fêter le nouveau stade. Le lendemain, je me suis directement replongé dans mon métier. J’étais toujours le capitaine de Gand, je devais montrer l’exemple et je me suis directement reconcentré sur les affaires gantoises.

 » J’ai été surpris par Genk  »

Tu as l’impression d’être costaud mentalement ?

Tout ce qui m’arrive, après ce que j’ai connu plus jeune, c’est du bonus. Je suis quelqu’un qui relativise énormément. Je sais d’où je viens, j’ai une belle vie, je gagne bien ma vie, de quoi pourrais-je me plaindre ? Et puis je ne peux pas contrôler tous les paramètres dans le foot, la seule chose que je peux faire c’est marquer des buts. Et si je fais bien mon boulot, les choses se débloquent toutes seules. Aujourd’hui, je suis très heureux d’être à Genk. Je dois avouer que je suis très surpris de ce club. Il est peut-être plus  » discret médiatiquement  » qu’Anderlecht ou le Standard mais quand on voit ce que club réalise depuis 15 ans d’un point de vue sportif et titres, c’est le deuxième club du pays. Et quand on regarde les joueurs qui sont passés par ici comme Christian (Benteke) ou Kevin (De Bruyne), c’est le signe d’un club de qualité et qui vend très bien ses joueurs.

Tu t’es renseigné auprès d’autres joueurs avant de signer ?

J’ai appelé Anthony (Vanden Borre). Il m’a dit que du bien de ce club, tout comme David Hubert ou Bernd Thijs. J’ai écouté les différents avis et puis j’ai vu de mes propres yeux. Les terrains d’entraînement sont des billards, les installations sont superbes, comme l’encadrement – je n’ai jamais vu par exemple un tel staff médical en Belgique -, le public est nombreux et derrière son équipe, tout est réuni pour faire de grandes choses en championnat et en Coupe d’Europe.

Tu avais pris tes renseignements auprès d’Anthony Vanden Borre concernant Mario Been ?

Oui et Mario Been m’a aussi parlé d’Anthony (il rit). Le coach est très proche de ses joueurs et il dit les choses en face, ce que j’aime par-dessus tout. Dès le premier entretien, je l’ai ressenti.

Le lendemain de ta présentation à Genk, on a pu lire des déclarations où tu disais  » Genk, c’est mieux qu’Anderlecht « . Tu confirmes ?

Non, je n’ai pas dit ça. Mais par contre, je le dis et le redis : exception faite du palmarès, Genk n’a rien à envier à Anderlecht. Et même si je respecte l’histoire du club bruxellois, je ne vis pas dans le passé. C’est le présent qui m’intéresse et à l’heure actuelle, Genk est au sommet en Belgique, tout comme Anderlecht.

Penses-tu avoir signé dans un club plus humain ?

Quand j’ai signé au club, le président était présent, comme d’autres personnes importantes du club. Ils m’ont montré leur envie, leur détermination. J’ai vraiment senti que le club croyait en moi. C’est pour ça que les discussions n’ont duré que deux jours.

Tu n’as pas signé à Genk par crainte de te retrouver les mains vides ?

Certainement pas. Si j’ai signé à Genk, c’est parce que j’évolue dans un meilleur club, que je joue l’Europe et que je gagne mieux ma vie. J’avais besoin d’un nouveau challenge, de jauger mes capacités à un niveau supérieur. Mais je ne vais certainement pas cracher dans la soupe, d’autant que Gand était prêt à faire un gros effort financier pour me garder. Je n’avais pas l’obligation de partir. Le président m’appréciait beaucoup, j’étais capitaine, et les dirigeants étaient prêts à revaloriser mon contrat alors qu’il avait déjà été augmenté en janvier. Je n’ai donc pas signé à Genk par dépit. Si je n’avais pas senti ce club, comme je n’avais pas senti le Standard, qui est pourtant un grand club, je ne serais pas à Genk. Je fonctionne beaucoup aux sentiments. Je dois reconnaître que quand on m’a annoncé que Genk était intéressé, j’avais des doutes…

 » On m’a appelé tous les jours pour me proposer un club  »

Tu te doutais que des clubs anglais, comme ce fut le cas avec West Ham, allaient hésiter à t’engager à cause de ton passé ?

Pour moi, la vie est simple. Je crois au destin. On fera les comptes en fin de carrière, ça ne sert à rien d’être pressé. J’ai joué à Charleroi où on ne croyait pas spécialement en moi, puis j’ai été à Courtrai, à Gand, maintenant à Genk. Et dans trois ans, on ne sait pas où je serai. L’histoire avec West Ham ne m’a pas déstabilisé une seconde. Pendant le mercato, on m’a appelé tous les jours pour me proposer un club. Certains joueurs pètent les plombs dans pareille situation. Moi, j’en rigolais d’autant plus qu’on m’appelait de partout : Espagne, Angleterre, France, etc. Je suis quelqu’un qui est réaliste, parfois trop, j’attends que ce soit véritablement concret pour me sentir impliqué. J’ai discuté avec le chef scout de Fulham, par exemple, sans que ça n’aille plus loin…

Les complications dues à ton transfert, ajoutées à l’accident de ta copine ont dû peser sur ton moral.

Je suis pas un super-guerrier (sic), donc ça m’a évidemment perturbé. C’est quand j’ai senti que je commençais à foutre en l’air ma préparation que je suis mis rappelé que j’étais un joueur de Gand et que je devais honorer le club. J’aime trop le foot pour me mettre à calculer.

Quel est ton avis sur la qualité de l’équipe de Genk ?

Ça fait des années que j’estime que c’est l’un des clubs qui jouent le meilleur football avec un 4-4-2 immuable. C’est un club stable qui transfère intelligemment de bons joueurs issus du championnat belge comme Tshimanga, De Ceulaer, Gorius. Le club arrive même à conserver ses éléments-clés comme Jelle Vossen. Désolé pour les supporters de Gand mais Genk est un très grand pas en avant, dans tous les domaines, hormis peut-être au niveau du stade.

Quelle est l’ambition du club ?

Lutter pour le titre, il ne faut pas se voiler la face.

Tu es satisfait de tes débuts ?

J’aurais pu réaliser un début rêvé en marquant sur ma première touche de balle face au Standard. Mais j’estime ne pas être encore à 100 % psychologiquement. Je ne suis pas satisfait de mon apport jusqu’à présent, je sais que je peux apporter bien plus. J’ai vécu une période difficile qui devrait être bientôt derrière moi. Je suis quelqu’un qui fait attention à ses plages de repos, qui a besoin de récupérer et qui dort beaucoup. Malheureusement, ce n’était pas possible ces derniers temps.

Tu étais un leader dans le vestiaire de Gand. As-tu l’ambition de le devenir à Genk ?

Devenir le leader d’un groupe, ce n’est pas quelque chose qu’on impose, on le devient avec le temps. Les choses se font naturellement et il faut d’abord se faire accepter dans le vestiaire et sur le terrain.

Que connais-tu du peuple limbourgeois ?

On m’avait prévenu qu’il était chaleureux et je l’ai rapidement ressenti. J’ai l’impression que les gens sont prêts à tout pour un joueur de Genk. Il y a une vraie communion entre le club et ses supporters. Ça me motive de jouer pour des gens comme ça.

Tu disais plus tôt dans l’interview que tu étais conscient d’avoir une belle vie. Les footballeurs oublient-ils souvent qu’ils sont des privilégiés ?

Oui, évidemment. Dans ma jeunesse, je jouais toute la journée au parc gratuitement (sic), ma mère me tirait les oreilles parce que je  » brisais  » mes chaussures. Aujourd’hui, je vis ma passion. J’ai un salaire qui tombe tous les mois, je peux aider ma famille, ce qui est à mes yeux très important. Je sais qu’il existe des gens qui gagnent dix fois moins que moi. Les joueurs de foot ont toujours tendance à regarder plus haut mais il faut aussi regarder en bas. Il y a des joueurs de D3 qui rêveraient de jouer en D1 belge, même dans un club du bas de tableau, alors que certains rêvent directement de Manchester. Calme-toi un peu ! Il faut savoir se satisfaire de ce qu’on a, tout en ayant l’ambition d’aller plus loin. Mais l’être humain est un éternel insatisfait. Pour ma part, si on m’avait dit il y a deux ans que je serais le transfert le plus cher entre deux clubs belges, je ne l’aurais jamais cru. J’ai été viré d’Anderlecht chez les jeunes et quelques années plus tard, ce même club était prêt à mettre beaucoup d’argent pour moi. Voilà pourquoi je ne suis pas pressé. On fera les comptes à la fin

PAR THOMAS BRICMONT – PHOTOS: IMAGEGLOBE/ KETELS

 » J’ai refusé beaucoup d’offres car dans mon esprit, j’allais signer à Anderlecht.  »

 » Genk a réalisé ce qu’Anderlecht n’a pas su faire.  »

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