» Je vis 24 heures sur 24 pour le football « 

Nul ne le connaissait en août, à son arrivée à Daknam. Mais Besart Abdurahimi est devenu entre-temps le buteur n°1 de Lokeren. Pourtant, le meilleur est encore à venir…

Besart Abdurahimi nous rencontre le lendemain de son excellent match en Europa League avec Lokeren.  » Je ne suis pas mécontent mais je peux faire beaucoup mieux encore.  »

Que voulez-vous dire ?

Besart Abdurahimi : Lokeren n’est pas un grand club mais il est en bonne voie de le devenir. Nous nous sommes qualifiés pour la Coupe d’Europe, nous y sommes bons, comme en championnat. Mais je peux faire mieux personnellement. J’ai 24 ans, ce qui n’est plus très jeune mais je peux encore progresser. J’ai inscrit trois buts mais j’aurais pu en marquer plus.

Vous n’avez inscrit que quatre buts en une saison à Hapoel Tel Aviv.

En Israël, il y avait… je ne dirais pas des problèmes mais… je ne jouais pas beaucoup, comme les autres étrangers, d’ailleurs. Certains ont même été renvoyés chez eux et suspendus le reste de la saison. C’était un peu bizarre, là.

Quel était le problème ?

Je ne sais pas. Je m’entraînais bien, je jouais bien mais on m’a écarté après un match dans les play-offs.

N’en avez-vous pas parlé au coach ?

Il nous mettait constamment la pression et j’ai eu le sentiment qu’il privilégiait les Israéliens.

 » Je ne voulais pas provoquer les fans adverses  »

Vous êtes musulman mais Hapoel Tel Aviv est un des clubs les plus tolérants d’Israël, non ?

Le noyau comportait quelques musulmans et quelques chrétiens. C’était peut-être un problème pour certaines personnes du club mais elles ne le montraient pas. C’est l’aspect sportif que je n’aimais pas.

Comment se sont passés vos matches contre le Beitar Jérusalem, dont le noyau dur scande  » Mohammed est mort  » ?

J’ai marqué à l’aller et je me suis agenouillé pour remercier mon dieu. Des journalistes m’ont demandé si je voulais provoquer les supporters adverses mais non, c’était juste ma façon de fêter mon but. Je comprends que les journaux aient beaucoup parlé de ça.

Avez-vous profité de la vie nocturne de Tel Aviv ?

J’ai apprécié la vie là-bas et le climat mais la vie nocturne ne me dit rien. Je vis depuis six ans avec mon amie, que je connais depuis l’école primaire. Chaque jour commence de la même façon : nous nous levons, sortons le chien et préparons le petit-déjeuner. Une vie très banale. Nous allons visiter des villes belges et prendre rendez-vous avec Aleksandar Trajkovski de Waregem et Ivan Santini de Courtrai mais j’ai peu de temps, compte tenu de l’Europa League. Mon amie suit des cours de sciences agricoles par correspondance mais moi, je vis 24 heures sur 24 pour le football. Je ne fume pas, je ne bois pas et je me repose après un match. Pas question de faire des bêtises.

 » Andreï Shevchenko était mon idole  »

De quoi avez-vous besoin pour vous sentir bien quelque part ?

J’essaie d’être moi-même. Lokeren m’a accepté, tout le monde est professionnel et je suis heureux ici. L’entourage est bien et c’est aussi pour ça que je me suis vite intégré mais peut-être mon expérience en Israël m’a-t-elle aidé.

En quel sens ?

Les difficultés rencontrées m’ont endurci. Le pire est de sentir que le staff n’est pas correct. Je peux accepter qu’un autre soit meilleur mais pas qu’on m’écarte quand je mérite de jouer. J’ai réussi à positiver et à m’entraîner encore plus pour être prêt pour mon prochain club. Au terme de ma location de huit mois, je suis retourné au NK Zagreb en attendant un autre départ mais sans jouer. Malgré tout, même si je manquais de rythme, j’étais prêt à mon arrivée à Lokeren.

Lokeren dit que vous pouvez jouer à quatre postes. Lequel préférez-vous ?

Je n’en sais rien. Je peux jouer à gauche, à droite, en pointe et un cran derrière. Je donne toujours le meilleur de moi-même. En jeunes, je jouais surtout en attaque mais à partir des U16, on m’a souvent posté sur le flanc.

Vous êtes né à Zagreb en 1990, l’année durant laquelle le match Dinamo Zagreb-Etoile Rouge Belgrade a dégénéré. Zvonimir Boban a frappé un policier et son geste est devenu le symbole de la résistance à la domination serbe. Connaissez-vous les histoires politico-footballistiques de votre pays ?

Non, j’étais trop petit. Pour moi, Boban est avant tout le joueur de l’AC Milan, le club que je supportais, même si mon idole, c’était Andreï Shevchenko.

Quels sont vos souvenirs de la guerre ?

Ce fut une période difficile pour tout le monde. Mon meilleur ami à l’école était un Serbe, vous savez. La personnalité de quelqu’un compte plus que ses origines. C’est en tout cas ce que ma famille m’a appris et c’est ainsi que je vis ma foi.

 » J’ai joué aux côtés de Rakitic et Perisic  »

Etes-vous pratiquant ?

Oui mais un footballeur pro ne peut pas suivre tout à la lettre. Je ne peux pas jeûner jusqu’au coucher du soleil si je m’entraîne deux fois par jour. Sur les 31 jours du ramadan, j’en fais cinq ou six.

Le football est-il inscrit dans vos gènes ?

Non, même si toute la famille aime le sport. D’ailleurs, le restaurant de mes grands-parents, où travaillent mes parents et mon frère cadet, s’appelle Sport. A six ans, j’ai demandé à jouer au foot. Six ans plus tard, le Lokomotiv Zagreb me repérait. Je suis ensuite passé au NK Zagreb et j’ai été international des U16 au U21, avec Lovren, Rakitic, Badelj, Perisic, Vida…

Pourquoi seulement jusqu’en U21 ?

J’étais considéré comme un talent et j’ai jugé préférable de quitter le NK quand il a été rétrogradé mais le président a demandé beaucoup trop d’argent : 2 à 2,5 millions. J’ai été loué à Hapoel la saison passée parce que le marché des transferts était plus long là-bas et cette saison, le président a dû me céder à Lokeren pour 200.000 euros. Il a donc perdu beaucoup d’argent en refusant de me laisser partir plus tôt.

Pourquoi avez-vous opté pour la Macédoine, perdant ainsi toute chance de jouer pour la Croatie ?

Parce qu’elle m’a sélectionné cette année. J’ai perdu trois ans et je devais saisir ma chance de jouer dans une équipe nationale. La Croatie est forte, beaucoup d’internationaux se produisent pour de grands clubs européens. Si j’ai choisi la Macédoine, ce n’est toutefois pas parce que je doutais de moi mais parce que je ne voulais plus attendre. Je suis satisfait de mon choix. La Macédoine est moins forte que la Croatie et il nous faudra un an ou deux pour former une bonne équipe avec tous les jeunes joueurs mais qui sait, nous pourrons peut-être nous qualifier pour l’EURO français via les barrages. Je ne regarde pas en arrière. Après avoir passé plusieurs années à piétiner, il est temps que j’aille de l’avant et que je reprenne ma progression.

PAR CHRISTIAN VANDENABEELE – PHOTO: KOEN BAUTERS

 » Les problèmes que j’ai vécus en Israël m’ont endurci.  »

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