» JE SUIS TOUJOURS ÉMU D’ENTENDRE LE STADE CHANTER ‘PAYS DE CHARLEROI’ « 

Paul Magnette et le Sporting : deux ambassadeurs de rêve pour la ville de Charleroi. © BELGAIMAGE

Il est le bourgmestre d’une ville dont le club semble lancé vers une ascension sans fin. Et pourtant, la rumeur raconte qu’il n’aime pas le football. PaulMagnette répond avec ses anecdotes de la T4, d’écharpes noir et blanc et de  » filles maquillées en zèbres.  »

L’imposante porte du bureau principal de l’Hôtel de Ville de Charleroi s’ouvre sur un Paul Magnette souriant et décontracté. Devant lui, posé sur la longue table en verre où il propose de s’installer, le bourgmestre pose un dossier, barré de la mention  » Interview Sport/Foot Magazine.  » Une pratique plutôt rare pour l’homme fort du PS, capable de s’exprimer sans filet sur le CETA ou l’histoire de la gauche au-delà des frontières belges.

De là à tirer des conclusions hâtives, il n’y a qu’un pas, que certains ont franchi en nous disant :  » Tu vas interviewer Paul Magnette ? Mais il n’aime pas le football !  » Confronté à la remarque, le bourgmestre de Charleroi retient difficilement un éclat de rire :  » Je n’ai rien contre le football, mais je ne suis pas un connaisseur, je l’avoue très humblement.  »

Quel est votre lien avec le football ?

PAUL MAGNETTE : J’ai joué au football, comme tous les gamins. J’ai commencé à jouer en préminimes au FC Marcinelle. Ça remonte, c’était à la fin des années septante. À l’heure actuelle… (il réfléchit) Disons qu’en politique, il y a des séances du gouvernement, des négociations budgétaires qui durent pendant trois jours et où, au milieu de la nuit, tout à coup, deux ou trois personnes se passionnent pour du foot, que ce soit pour le Real Madrid ou le FC Liège… Voilà, ça ce n’est pas mon cas. Mais ce n’est pas pour autant que je n’aime pas le foot. J’aime bien l’ambiance du foot. Pour moi, c’est plus un événement social qu’un événement sportif.

Comment décririez-vous cet événement social au sein de la Ville de Charleroi ?

MAGNETTE : Ici, l’ambiance est très chaleureuse. Pour moi, ça a toujours été une très grande chance d’avoir un stade en ville. En plus, j’ai habité à cent mètres du stade, et j’observais déjà tout un rituel. Et même maintenant, alors que je vis à trois kilomètres du centre-ville, je sais qu’il y a match quand je vois des gens descendre à pied avec leur écharpe noir et blanc. C’est même beau à voir, le remplissage et le vidage du stade avec ces gens qui arrivent d’un peu partout, s’arrêtent dans les quelques bistrots de supporters pour se retrouver avant d’arriver au stade. Puis tout le monde qui entre, la clameur, tout ce même monde qui ressort… Le stade vit vraiment avec la ville, il n’est pas dans un non-lieu où tout se passe dans le stade, sans rien avant ou après la rencontre.

C’est l’un des stades dans lesquels on n’est pas obligé de se rendre en voiture.

MAGNETTE : Beaucoup de gens y vont à pied. Parce que c’est aussi un club très carolo, il faut le reconnaître. Même s’il commence à y avoir des supporters qui viennent de plus loin, même des Anversois grâce aux connexions de Mehdi Bayat qui ramène des gens d’un peu partout. Parce qu’il affirme son ambition, et il a raison : c’est le club du Pays de Charleroi, mais ça peut finalement devenir celui de tout l’ouest de la Wallonie, comme le Standard est celui de l’est.

 » LE SPORTING A TOUJOURS VÉCU AVEC LA VILLE  »

Ces dernières années, vous sentez une sympathie un peu nouvelle à l’égard du club ?

MAGNETTE : Une sympathie qui est revenue.

Un peu comme pour la Ville, finalement…

MAGNETTE : Exactement, parce que le club a toujours un peu vécu avec la Ville. Quand j’étais gamin, c’était quand même déjà un club très populaire. Tout le monde connaissait quelqu’un qui jouait ou qui avait joué au Sporting. L’enracinement avec la Ville est très, très fort. Il y a eu des hauts et des bas.

Vous avez rapidement voulu relancer la collaboration entre le club et la Ville, après des années difficiles ?

MAGNETTE : Quand je suis devenu bourgmestre, on a tout de suite provoqué une réunion avec les représentants du club. C’était l’occasion, car comme Mehdi et Fabian venaient de reprendre le club, il y avait une nouvelle équipe au Sporting et une nouvelle équipe à la Ville. C’était une opportunité de mettre un peu tout à plat après être passé par un moment où, pour ne pas en dire trop, il y avait une proximité excessive entre les autorités communales et le club. Puis, on a un peu tordu le bâton dans l’autre sens, avec une échevine des Sports qui n’aimait pas le sport. Je me souviens, quand je lui ai dit qu’elle serait échevine des Sports, elle m’avait dit qu’elle n’irait jamais au stade. Et finalement, elle y est allée quand même, mais elle est rentrée dans une relation très conflictuelle avec les dirigeants de l’époque. On est alors passé d’un sport  » paillettes  » et d’élite à un sport pour tous, de manière un peu trop radicale, oubliant les grands clubs. On a tenté de retrouver un équilibre, en rendant au Sporting sa place centrale dans la politique sportive carolo. On a travaillé sur une politique sportive plus large, et il y a finalement eu une vraie réimplication du club dans sa ville – via l’école de jeunes, notamment -, au même moment où la Ville a rendu au club les moyens normaux de fonctionner.

On a l’impression qu’aujourd’hui, on ne peut pas parler du Sporting sans parler de Mehdi Bayat. C’est un personnage qui rend aussi service à Charleroi au sens large, en dehors de l’enceinte du stade ?

MAGNETTE : Bien sûr, c’est un élément d’image, au-delà même du monde du football. Sans citer son nom, un grand patron d’un très grand média m’a dit :  » Je me suis retrouvé par hasard dans un mariage à l’étranger et Mehdi Bayat était là, et il disait à tout le monde à quel point Charleroi est une ville formidable.  » Au-delà même de la politique sportive, il est un vrai défenseur de la Ville. Il y a eu un char du Sporting à la City Parade, avec des joueurs du Sporting et des jeunes filles d’ailleurs presque toutes nues, mais maquillées en zébrures. Ce qui fait que beaucoup de gens avaient des traces de zébrures sur eux (il rit). Maintenant, à chaque fois qu’il y a un événement carolo, il y a une présence du club. C’est une façon de dire que le club et la Ville évoluent dans une nouvelle symbiose, où les rôles sont parfaitement définis sans interférence réciproque. Le logo de la Ville est aussi utilisé sur le maillot, ce qui est quand même rare ! Les sièges en noir et blanc, c’est aussi une de nos demandes, puisque ce sont les couleurs qu’on utilise partout pour faire la promotion de Charleroi.

 » À CHARLEROI, ON VOUVOIE SEULEMENT QUAND ON EST FÂCHÉ  »

La Ville de Charleroi a besoin d’un Sporting qui donne le sourire à ses habitants ?

MAGNETTE : Il est incontestable que les sports en général, et le football en particulier, ont un effet très important sur le moral collectif. À la pire époque de l’oncle Bayat, la relation entre le club et ses supporters historiques était horrible. Le lundi, les supporters allaient travailler en étant dépités, ce qui crée à la longue une rupture entre la Ville et son club. Et à l’inverse, quand le succès reprend, ça recrée une histoire d’amour forte. Moi, je suis toujours ému d’entendre chanter  » Pays de Charleroi  » dans le stade. C’est quand même l’endroit où l’expression patriotique carolo se marque avec la plus grande force.

L’identité carolo, vous la retrouvez dans cette équipe ?

MAGNETTE : Je retrouve d’abord cette chaleur, cette proximité. On n’aime pas vouvoyer ici, on vouvoie seulement quand on est fâché à Charleroi. Il y a aussi cette humilité, ce côté très combatif et solidaire, mais aussi ce Charleroi qui n’est jamais là où on l’attend. Comme un zèbre, finalement. C’est pour ça que l’animal est bien choisi. Et je pense que c’est ce qui peut faire le charme d’un club comme celui-là, et qui fait qu’il peut séduire au-delà des murs de sa ville. Les dirigeants travaillent d’ailleurs pour amener des gens d’un peu partout. Contre Genk, par exemple, il y avait Patrick Janssens, que je connais d’une autre vie comme ancien bourgmestre d’Anvers, et on sent une sympathie pour ce club. Ce qui fait que des gens qui, a priori, n’étaient pas de Charleroi et sont venus une fois ou deux, sont devenus des réguliers.

Vous-même, quand vous allez au stade, dans quelle tribune êtes-vous ?

MAGNETTE : Avant, j’allais en T4 mais maintenant, quand j’y vais, je fais permanence sociale parce qu’on vient m’interpeller pour ceci ou cela, et je ne sais plus regarder le match. Donc je vais en T1, où c’est plus calme. Et quand on vient en famille, on va en T3.

En T4, on peut regarder le match sans chanter ?

MAGNETTE : (Il rit) Le plus beau moment, c’est toujours quand ils disent :  » La T1 avec nous « , et ça donne un côté union sacrée entre le milieu populaire du supporter pur et dur, et le public déjà plus cossu de la T1. Et en même temps, il y a une communion très forte. Parce que je suis allé quelques fois au Standard, et c’est très frappant de voir cette logique de loges où tout un public est dans des petites salles fermées, les unes à côté des autres, et ça communique assez peu. Au Sporting, il y a déjà cette grande salle où toutes les tables parlent les unes avec les autres. Même au niveau des  » VIP « . Ce qui reste d’ailleurs un concept un peu extraterrestre à Charleroi, parce que ça ne colle pas vraiment avec l’esprit carolo. Et puis, tout le monde descend dans le stade, et ça donne un mélange des publics qui est très fort. On vient au Sporting pour le football, et pas pour faire des affaires.

PAR GUILLAUME GAUTIER – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Charleroi n’est jamais là où on l’attend. Comme un zèbre, finalement. C’est pour ça que son emblème est bien choisi.  » – PAUL MAGNETTE

 » Chaque fois qu’il y a un événement carolo, il y a une présence du club. Comme lors de la City Parade.  » – PAUL MAGNETTE

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