» Je suis fier et je le revendique « 

Le Sénégalais revient sur ses problèmes à Gand et son avenir dans le onze du Standard.

Mbaye Leye (27 ans), c’est déjà plus de trois années de bonne tchatche dans notre championnat. Un footballeur qui donne tout sur le terrain et un orateur entier à côté. Il y a eu sa révélation à Zulte Waregem, ensuite son passage mitigé à La Gantoise, et maintenant sa première expérience avec les Rouches, où il a signé le dernier jour du mercato d’été. Le gars de Dakar réussit joliment son pari belge.

Ton tout premier bilan à Sclessin ?

Mbaye Leye : Il est bon. Je me suis adapté sans problème et ça se passe bien sur le terrain. Je joue autant qu’espéré et je suis content de mes prestations.

Avant le match contre La Gantoise, tu as dit que le Standard était un plus grand club que Gand. Si on regarde les résultats de la saison dernière et même ceux de ce championnat, ce n’est pas frappant.

OK, Gand a terminé deuxième la saison passée, a gagné la Coupe et joue maintenant en Europe. Mais le statut est différent. Le Standard a un vrai palmarès et plus de qualités individuelles. Même si elles ne se reflètent pas trop bien depuis le début du championnat. Les premières semaines ont été chaotiques. Puis il y a eu ce dernier jour du mercato avec l’arrivée de trois attaquants : Mémé Tchité, Aloys Nong et moi. J’espère que nous continuerons à apporter une plus-value à l’équipe et que le Standard finira sur le podium.

Tu as été assez critique après la défaite à Genk, tu as dit que le Standard avait manqué de concentration et de coordination.

Prendre un but après 20 secondes, c’est une faute professionnelle. Nous donnons le coup d’envoi, nous perdons le ballon dans leur camp et il suffit que trois joueurs de Genk touchent le ballon pour que ce soit 1-0. C’est inadmissible. Je n’incrimine pas spécialement les défenseurs mais toute l’équipe. Nous avons mal abordé ce match alors que pour les duels du top, il faut être à 100 % dès la première seconde.

C’est le problème d’une équipe jeune ?

La jeunesse, la jeunesse… ça suffit ! Il ne faut pas que ce soit toujours l’excuse facile. Dominique D’Onofrio avait suffisamment expliqué les forces de Genk lors des théories d’avant-match, il avait dit que notre défense devait absolument reculer si personne ne faisait le pressing sur le porteur du ballon. Nous nous sommes laissé surprendre après moins de 20 secondes, et juste avant la mi-temps.

Sclessin = Vélodrome de Marseille

Axel Witsel dit que le Standard vise le doublé : il ne vise pas un peu trop haut ?

Tout dépendra surtout de nos résultats à l’extérieur. Je ne prévois pas de gros problèmes dans nos matches à domicile et c’est ailleurs qu’il faudra faire la différence en montrant que, là-bas aussi, nous sommes capables d’aller au charbon et d’avoir la bonne mentalité. Et il est de toute façon beaucoup trop tôt pour parler de titre ou de doublé. Dans l’ordre, il faut réaliser une série de victoires consécutives pour prouver qu’on peut viser haut, puis avoir un bon niveau au moment où tout se joue : au deuxième tour de la phase classique. Ce n’est pas le moment de déjà s’enflammer. Maintenant, c’est clair que nous sommes en avance sur certains pronostics : j’ai entendu en début de championnat que le Standard aurait beaucoup de mal à se qualifier pour les play-offs 1 et que nous allions nous faire secouer contre Anderlecht, par exemple.

Le Standard qui a été deux fois champion te faisait rêver ?

Oui, et déjà rien que l’ambiance dans ce stade me faisait rêver. Dès mon premier match ici avec Zulte Waregem, j’ai eu envie d’être transféré un jour au Standard. Je compare Sclessin au Vélodrome de Marseille. Ce qui me faisait aussi rêver, c’étaient ces joueurs de très grande qualité comme Milan Jovanovic et Dieumerci Mbokani devant. Axel Witsel et Steven Defour faisaient un boulot incroyable dans l’entrejeu. Et il y avait cette fameuse défense : Marcos, Oguchi Onyewu, Mohamed Sarr, Dante Bonfim : costaud ! Mais il y a aussi beaucoup d’atouts dans le noyau actuel. Mémé Tchité n’a pas grand-chose à envier aux attaquants de l’époque.

Le jour où tu négocies ici, tu sais que Tchité va aussi signer ?

Non. Je savais seulement que le Standard venait d’attirer Aloys Nong. Et dans mon esprit comme dans celui de tout le monde, le club cherchait deux nouveaux attaquants, pas trois. Le transfert de Tchité, je l’ai appris quand j’étais en voiture, sur la route pour rentrer à Gand.

Tu as pensé à ce moment-là que la concurrence allait être encore plus forte que prévue pour les places devant ?

Bien sûr. Je suis venu au Standard pour jouer comme attaquant mais je sais aussi que ma polyvalence est un atout que d’autres n’ont pas. Je peux jouer à gauche, à droite, en pointe ou comme attaquant en retrait.

Tu as quand même été déçu ?

Non. J’étais tellement euphorique d’avoir enfin quitté Gand que je n’ai pas pensé à la place à laquelle j’allais probablement jouer.

 » Je pouvais gagner plus au Beerschot « 

C’est le sportif ou le financier qui a été déterminant dans ton choix ?

Je ne peux pas ignorer l’aspect financier car, c’est connu, les footballeurs africains ont toujours beaucoup de bouches à nourrir… Mais mon choix était d’abord sportif. Si j’avais pensé à l’argent en priorité, j’aurais signé au Germinal Beerschot, qui était prêt à casser sa tirelire pour me transférer.

Au Germinal, on est d’ailleurs très fâché sur toi. Tu leur avais donné ton accord, non ?

Jamais de la vie. Je leur avais bien dit que leur club n’était pas mon premier choix, que j’étais en discussion avec le Standard et que je les recontacterais éventuellement si ça ne s’arrangeait pas ici.

Tu as aussi discuté en Allemagne.

Oui, c’était bien parti pour que j’aille à Fribourg. J’étais une priorité pour eux, l’entraîneur me voulait vraiment, il m’aurait fait jouer comme pur attaquant, et entre la Bundesliga et la Jupiler League… Mais Gand a fait monter mon prix parce que c’était un club allemand.

On sent que tu tenais à tout prix à quitter La Gantoise. Pourquoi ?

Oui, il fallait que je parte, j’avais besoin d’autre chose. J’ai joué à Kiev en préliminaires de la Ligue des Champions, j’ai aussi disputé la Supercoupe contre Anderlecht, puis on m’a écarté pour le premier match du championnat, contre Westerlo. A ce moment-là, ma décision était prise. On m’avait fait assez d’affronts. Alors que j’avais été un des joueurs les plus utilisés la saison dernière, j’ai dû m’entraîner avec la Réserve, et le soir où Gand jouait le retour contre Kiev, j’affrontais une équipe de Provinciale. J’ai discuté avec la direction et on m’a dit qu’on ne comptait plus sur moi. J’ai eu le feu vert pour m’en aller. Ils ont changé d’avis un peu plus tard, ils m’ont dit que j’entrais à nouveau dans leurs plans, que j’étais un joueur important. Mais moi, j’avais décidé que je partais. On va peut-être dire que j’ai trop de fierté. Tant pis : oui, je suis fier et je le revendique.

On t’a reproché d’avoir trop parlé aux journalistes après le match à Kiev ? D’avoir dit qu’il était inadmissible d’être parti là-bas avec un seul jeu de maillots et sans avoir testé le ballon de ce match ?

Tout le monde sait qui a lâché le morceau alors que personne ne s’attendait à ce qu’il y ait des fuites. La vérité, c’est que nous n’avons pas pu nous changer à la mi-temps parce qu’il n’y avait pas d’équipements de réserve, alors que nous étions trempés. Mais pour moi, ce n’était pas un problème, je n’ai pas été habitué à utiliser deux maillots par match. L’histoire du ballon non testé, c’est vrai aussi. Je comprends que cet article ait choqué la direction parce que c’était quand même un match de Ligue des Champions !

C’est Francky Dury ou Michel Louwagie qui a décidé de t’envoyer en Réserve ?

J’espère que c’est Dury. C’est lui, l’entraîneur. C’est lui qui est censé faire la sélection.

On dit que l’influence de Louwagie est plus grande sur Dury que sur Preud’homme dans le passé.

Ce n’est pas ma préoccupation principale. Tout ce que je sais, c’est qu’un club fait une erreur quand il met en équipe Réserve un joueur qu’il cherche à vendre. C’est dans la vitrine qu’il faut le placer, pas dans l’ombre. Moi, on a décidé de me donner une punition.

Tu n’as pas retrouvé à Gand le Dury de Zulte Waregem ?

Non. Pourtant, je l’ai recommandé à Gand. Après le départ de Preud’homme, le président m’a appelé pour avoir mon avis sur Dury. J’ai répondu que c’était un très bon entraîneur, costaud tactiquement. Maintenant, pour réussir à La Gantoise, ce serait bien qu’il redevienne aussi autonome qu’à Zulte. C’est sans doute ça, la clé de sa réussite : il doit prendre lui-même toutes les décisions qu’on attend d’un entraîneur.

 » Jouer à gauche, c’est la seule porte d’entrée pour moi « 

Dury dit que tu aimes être important parce que tu as une forte personnalité. Il affirme aussi que tu as besoin de beaucoup d’attention dans les moments où ça va moins bien et que tu as peut-être du mal à gérer la concurrence et les consignes tactiques dans un club du top.

Il ne parlait pas comme ça de moi quand nous étions ensemble à Zulte Waregem. Et de la concurrence, j’en ai eu à Gand avec Preud’homme. Je ne réclamais pas trop d’attention et je jouais beaucoup… Dury gère son groupe comme il veut, je n’ai aucun problème avec lui. (Il soupire). Et de toute façon, je m’en fous de tout ce qu’il peut raconter sur moi. Quand j’avais quitté Zulte, il avait même lâché que je ne pensais qu’à l’argent et que mon agent prenait toutes les décisions à ma place. J’avais simplement répondu que le temps de l’esclavage était fini et que je savais réfléchir seul, même en étant noir.

Alors, tu t’en fous quand il raconte que tu n’es pas un attaquant pur-sang…

C’est quoi, un attaquant pur-sang ? Un Shlomi Arbeitman, que Gand vient d’acheter pour un million d’euros et qu’on laisse sur le banc ? J’espère pour eux qu’il va vite planter des buts et rentabiliser son transfert.

Tu n’as pas mal au c£ur quand tu vois Gand en Coupe d’Europe ?

Honnêtement ? C’est… C’est… En fait… Je suis tellement énervé et dégoûté que ça ne me fait ni chaud, ni froid. Autant je rêvais d’être dans les poules de l’Europa League – parce que je savais que ce serait vraiment très compliqué d’aller en Ligue des Champions -, notamment pour compléter ma collection de maillots… autant je suis maintenant indifférent quand je vois l’équipe. Je n’ai même pas vibré quand La Gantoise a éliminé Feyenoord parce que, dans ma tête, j’étais déjà parti.

A Gand, tu te plaignais de devoir jouer sur un flanc. Au Standard, tu as exactement le même rôle et il y a peu de chances que ça change !

La situation est différente. Gand m’avait clairement acheté pour jouer comme attaquant, mais j’ai rapidement dépanné une fois sur le flanc droit, ça s’est bien passé et j’y suis resté. Quand je suis arrivé au Standard, Siramana Dembélé était persuadé que j’étais un vrai joueur de flanc car c’est toujours dans ce rôle-là qu’il m’avait vu quand il était venu me scouter à La Gantoise. Mais ma réputation en a souffert. J’ai souvent lu ou entendu que Leye ne marquait plus comme à Zulte Waregem. C’était normal car je n’avais plus du tout le même rôle. C’est vrai que je joue aussi sur le flanc avec le Standard mais le système est beaucoup plus intéressant. Et accepter de jouer à gauche, c’était de toute façon la seule porte d’entrée pour moi, la seule manière d’arriver dans l’équipe vu que le noyau compte plusieurs attaquants qui sont vraiment faits pour jouer devant : Nong, Tchité, Pieroni, Gohi Bi Cyriac.

Pourquoi dis-tu que le système du Standard est plus intéressant ?

Parce qu’on me demande de faire un gros travail de coulissement vers l’axe dès que nous construisons une action par le flanc droit. Le coach me dit de me déporter immédiatement vers Steven Defour et de combiner un travail défensif et offensif. Cela me permet de me retrouver régulièrement devant le but : beaucoup plus souvent qu’avec Gand, où j’ai terminé certains matches comme back droit.

Pourquoi le Standard penche à droite

Tu n’as peut-être pas autant de qualités offensives que les autres attaquants du Standard ?

Cyriac et Tchité ont peut-être plus d’explosivité sur les premiers mètres. Mais d’un point de vue physique ou technique, je n’ai aucun souci par rapport à eux. Preud’homme m’a dit plus d’une fois que mon volume physique me permettait de répéter les courses sans m’essouffler.

Le jeu du Standard penche un peu à droite…

Exactement. Et c’est normal car Mehdi Carcela a beaucoup d’affinités avec Witsel. Ils jouent ensemble depuis longtemps, ils se connaissent parfaitement. Et Carcela est arrivé à un niveau exceptionnel. Mais il faut essayer d’équilibrer tout ça, de rendre le flanc gauche aussi entreprenant et dominant que le côté droit. C’est mon travail et celui de Sébastien Pocognoli. Nous devons être capables de déclencher et même de finir des actions.

Marc Degryse nous a dit qu’il fallait obliger Cyriac à décrocher pour que le Standard retourne vers le style de jeu qui lui a permis d’être deux fois champion.

Son analyse est excellente. Cyriac doit jouer plus souvent le rôle d’un relayeur, ne pas aller systématiquement en profondeur. Il sera plus efficace s’il joue plus ou moins sur la même ligne que Carcela et moi. En décrochant vers l’entrejeu, il attirera le médian défensif adverse et Tchité aura plus d’espaces. Ou alors, on laissera Cyriac libre et il pourra faire tourner, provoquer des actions.

Où en es-tu avec l’équipe du Sénégal ?

Je n’ai plus été appelé depuis mon départ de Zulte, cela fera bientôt deux ans. J’étais bien parti, pourtant. J’ai joué cinq matches et ça s’était bien passé, j’avais montré de bonnes choses. Je fais toujours partie d’une sélection élargie d’une quarantaine de joueurs mais ça s’arrête là pour le moment. Jouer dans le championnat de Belgique n’aide pas, évidemment. Quand je vois que même Cheikhou Kouyaté n’est pas appelé quand il casse la baraque avec Anderlecht ! S’il fait les mêmes matches avec un club français ou d’un autre pays d’Europe, il est convoqué immédiatement.

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS: REPORTERS/GOUVERNEUR

 » Voir Gand en Coupe d’Europe ? Je suis tellement énervé et dégoûté que ça ne me fait ni chaud, ni froid. « 

 » Je ne peux pas ignorer l’aspect financier car, c’est connu, les footballeurs africains ont toujours beaucoup de bouches à nourrir… « 

 » La jeunesse, la jeunesse… ça suffit ! Il ne faut pas que ce soit toujours l’excuse facile. « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire