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 » Je relativise facilement « 

En cette fin d’année, Hans Vanaken (26) revient sur douze mois particulièrement réussis. Il s’est marié, il a remporté un deuxième titre, est devenu Diable Rouge et a été élu Footballeur Pro de l’Année. Et bientôt, il va gagner le Soulier d’Or.

« Voilà ton introduction « , dit l’attaché de presse en montrant deux maillots dédicacés, au mur : un du Club, l’autre de l’équipe nationale.  » Le futur Soulier d’Or Hans Vanaken parle de sa saison à Bruges et de son incorporation chez les Diables.  »

L’élection n’aura lieu que dans plus d’un mois mais Bruges s’y prépare déjà. Nous revenons sur le sujet à la fin de l’interview. Vanaken hausse les épaules.  » Je ne serai sûr de l’avoir que quand je tiendrai le trophée.  »

Et s’il revient au  » petit de Genk « , pour reprendre l’expression de Ruud Vormer ?  » Le monde ne s’arrêtera pas de tourner.  »

Conserves-tu un peu d’énergie, au terme d’une année aussi intense ?

HANS VANAKEN : Je dois pouvoir tenir encore quelques matches.

Les joueurs sont nombreux à habiter Knokke. Se retrouvent-ils parfois au restaurant, le soir ?

VANAKEN : Par hasard, j’ai rencontré Jelle Vossen hier et nous sommes allés manger ensemble. Nos femmes sont amies, nous gardons parfois sa petite fille. C’est agréable d’avoir quelqu’un en dehors du terrain car nous sommes tous les deux très éloignés de notre famille, qui vit au Limbourg. Pour le moment, il est impossible de s’y rendre. Nous avons souvent des périodes de sept matches en trois semaines et, en plus, il y a l’équipe nationale. J’ai l’impression de n’avoir plus été chez moi depuis des mois. Non que ce soit très dur mais je suis constamment en route. Les matches, les séances, les déplacements… Mais d’un autre côté, c’est bon signe : ça veut dire que tout se déroule bien sur le plan sportif.

J’obtiens grosso modo les mêmes chiffres chaque saison : dix buts, dix assists.  » – Hans Vanaken

Ton épouse attend-elle un enfant ?

VANAKEN : Non. Nous venons de nous marier. Nous aviserons quand nous serons prêts à franchir une autre étape.

 » J’ai opté pour une progression logique  »

Ton père a récemment déclaré que ta progression était normale. Es-tu d’accord ?

VANAKEN : Oui. Je ne suis pas passé immédiatement de Lommel à un grand club. J’en ai eu l’occasion mais le saut aurait peut-être été trop considérable. J’ai opté pour une progression logique, échelon par échelon. J’ai été entouré de footballeurs de plus grand talent et j’ai relevé mon niveau à mon rythme.

Mon évolution à Bruges est logique aussi. Grâce à mon expérience, je trouve plus facilement des espaces. Avant, le marquage me frustrait alors que maintenant, je trouve des solutions pour y échapper. Je ne m’énerve plus, non plus.

On me parle encore souvent de mon premier match en D1, à Anderlecht. Personne ne me connaissait et j’avais donc bénéficié d’espaces. Mais à la longue, mes adversaires ont pris des mesures. On en est arrivé au marquage direct, déjà quand je jouais à Lokeren : j’ai été confronté à Timmy Simons.

Quelles sont tes solutions ?

VANAKEN : Continuer à courir, entre autres. Reculer ou aller en profondeur, entraîner mon homme pour créer des brèches au profit d’un équipier. Tout dépend aussi de l’adversaire. Certains sont plus nonchalants que d’autres. J’aime avoir le ballon dans les pieds mais il faut varier le jeu. J’anticipe beaucoup plus qu’avant.

Ton entraîneur était aussi un dix. Discutez-vous beaucoup de ce poste ?

VANAKEN : Oui. La composition de l’adversaire nous indique déjà comment il va jouer et nous discutons avant le match des solutions possibles.

 » J’ai été surpris d’être sur le banc à Charleroi  »

Peux-tu revenir sur ton année en or ?

VANAKEN : C’est une année fantastique. Elle a bien débuté, avec beaucoup de buts et d’assists puis le titre, la cerise sur le gâteau.

Mais le Club gagnait plus facilement en 2017 qu’en 2018. Vos adversaires ont-ils trouvé le code ?

VANAKEN : Non car nous avons souvent ouvert la marque ou reçu suffisamment d’occasions. Nous avons concédé des buts dans le dernier quart d’heure. Lokeren subit le même phénomène. Est-ce lié au système ? Nous avons continué sur notre lancée cette saison et nous avons trouvé le chemin du but alors que tout le monde connaît notre style de jeu.

Nous avons été surpris une fois : à Charleroi, en pleine lutte pour le titre, tu as débuté sur le banc.

VANAKEN : Nous venions de perdre contre Anderlecht. Ça n’allait pas et l’entraîneur n’était sans doute pas satisfait de moi. Il espérait que je prenne l’équipe en mains. Je me suis senti très mal et j’ai été surpris d’être sur le banc à Charleroi.

Mais tu es entré au jeu en seconde période, alors que vous étiez menés, et tu as renversé le match.

VANAKEN : C’est vite dit. Je n’étais pas piqué au vif : j’ai joué comme je le fais toujours. Faire banquette une fois ne change rien. Je tente toujours de réussir mes actions et il est assez difficile de me piquer au vif. Je me livre à 100% mais je suis sans doute trop réaliste : tous les matches ne peuvent pas être formidables.

On peut te motiver : tu n’aimes pas nager mais quand tu as renouvelé ton abonnement pour poursuivre les cours, tu as réussi à faire une longueur.

VANAKEN : Je n’aime toujours pas nager, pas plus que courir, si ce n’est après le ballon. Mais pas dans les bois… J’aime bien le tennis et le padel. Je me vois bien y jouer plus tard.

Relativises-tu beaucoup ?

VANAKEN : Pas trop mais facilement. C’est un atout, d’un côté. Il ne sert à rien de râler pendant deux ou trois jours après un match : c’est trop tard. Mieux vaut se montrer au match suivant.

Pourtant, tu râles beaucoup sur le terrain. Dans ces cas-là, tu ne relativises pas.

VANAKEN : Ce ne sont que des instantanés. Il m’arrive de m’énerver mais beaucoup moins qu’avant. Mes prestations n’en pâtissent plus.

 » J’aime jouer avec nos ailiers gauches  »

Comment es-tu dans le vestiaire ?

VANAKEN : Ni calme ni très bruyant. Je ris beaucoup. J’appréhende la vie de manière positive. J’aime plaisanter. Je suis sociable et je trouve l’humour important.

Tu es également très fort quand tu joues avec un homme à gauche. Pourquoi ?

VANAKEN : Ils se ressemblent : Izquierdo, puis Anthony Limbombe, Danjuma, Dennis.. Ils sont tous rapides, explosifs, capables de réaliser une action. Ça fonctionne, en une-deux ou en m’écartant pour qu’ils puissent mener à bien leur action. Il s’agit de sentir le bon moment. C’est notre force : à gauche, nous arrivons souvent à monter, en combinant ou en étant rapides. Le côté droit sait alors qu’il doit se placer devant le but. Nos attaques sont différentes de ce côté : il faut courir davantage. Et alors, c’est à nous de nous présenter dans le rectangle.

Je n’aime pas courir. Sauf après un ballon.  » – Hans Vanaken

Tous ces extérieurs gauches ont rapporté beaucoup d’argent. Tu n’as pas demandé ton pourcentage ?

VANAKEN : Je n’y avais pas encore pensé ! La prochaine fois, peut-être. Mais Izquierdo et Anthony ont réussi par eux-mêmes, grâce à leur qualités. Bruges essaie de conserver le même type d’ailier. Ça nous évite de nous adapter.

 » Je suis très heureux à Bruges  »

Arnaut a joué au PSV, comme toi.

VANAKEN : Je l’ai appris en cours de saison. Je sais qu’il a été entraîné par Pepijn Lijnders au NEC, un coach que j’ai aussi eu dans les équipes d’âge du PSV, mais à part ça, je pense que tout a changé depuis.

As-tu conservé quelque chose de ces quatre ans aux Pays-Bas ?

VANAKEN : L’aspect technique. Tout faire avec le ballon. Ça m’a aidé à devenir le footballeur que je suis.

L’été passé, à en croire les rumeurs, tu allais partir : footballeur de l’année, champion… Quel défi avais-tu encore à Bruges ?

VANAKEN : Ce sont de belles récompenses, pour mes prestations et celles du Club. Mais si rien d’intéressant ne se présente, rien qui me plaise et me permette d’accomplir le pas que je souhaite, je préfère rester. C’est ce qui s’est passé cet été.

Ton manager dit que tu es très serein, que tu n’insistes jamais.

VANAKEN : Pourquoi le ferais-je ? Je n’en ai pas besoin. J’aurais pu clamer, après le gala du Footballeur Pro, que je voulais jouer à l’étranger. Mais alors, le Club aurait pensé que je ne me plaisais plus ici alors que j’y suis très heureux. Et si rien ne se présente… il ne faut pas entamer la préparation avec un mauvais sentiment.

Tu n’as pas besoin d’attendre que ça bouge. Tu peux forcer les choses, comme Leander Dendoncker.

VANAKEN : C’est probablement une question de caractère. Si Leander estimait avoir fait le tour du championnat de Belgique et avoir besoin d’autre chose, il fallait sans doute forcer les choses. Mais je n’en ai pas besoin. Je suis capable de le faire s’il le faut mais je ne suis pas du genre à le crier sur tous les toits. Ce n’est pas un manque d’ambition, je veux aller plus loin mais j’estime que c’est au club acquéreur de faire le premier pas. Il doit avoir confiance en moi et venir me chercher. Ce n’est pas à moi de chercher un employeur car ça veut dire que je ne bénéficie pas de sa pleine confiance. Maintenant, international, footballeur pro de l’année, ce sont des éléments qui jouent en ma faveur mais tant qu’on ne me dira pas :  » Hans, nous te voulons, tu es notre homme…  »

Hans Vanaken :
Hans Vanaken :  » Pourquoi ne me lierais-je pas à long terme à une équipe au sein de laquelle je suis heureux, je joue et je peux faire ce que j’aime ? « © belgaimage – christophe ketels

 » Le kick and rush, c’est pas pour moi  »

Tu n’as pas eu de contact avec Lucien Favre et Dortmund en été ?

VANAKEN : Non, avec personne. Si Evert Maeschalck cherchait, il trouverait, mais je ne veux pas que ça se passe comme ça.

Il t’a semblé plus logique de rempiler jusqu’en 2023.

VANAKEN : C’est une belle marque de reconnaissance du Club. Peut-être ne suis-je pas destiné à le quitter. Pourquoi ne me lierais-je pas à long terme à une équipe au sein de laquelle je suis heureux, je joue et je peux faire ce que j’aime ?

Es-tu curieux de connaître tes limites ?

VANAKEN : Oui. Curieux et ambitieux. Si quelque chose de bien se présente, j’oserai essayer, pour voir si je peux réussir là aussi.

Ce qui arrive à Leander ne t’effraie pas ?

VANAKEN : C’est pareil pour les footballeurs qui débarquent ici. Ils ont besoin de temps pour s’adapter. Ils vivent seuls. À Bruges, si j’ai envie de rentrer chez moi, j’y suis en une heure et demie, voire deux heures. C’est moins évident en Angleterre et l’aspect sportif peut en pâtir. J’en parle parfois avec Jelle. Il a connu les deux. Il s’est beaucoup plu à Middlesbrough et si le club n’avait pas loupé la montée, il y serait resté.

Mais à Burnley, il était malheureux. Il n’aimait pas y vivre et l’équipe pratiquait le kick and rush. Se battre contre des types de deux mètres n’est vraiment pas son truc. Si, en plus, la vie n’est pas agréable, c’est vite fini. Je n’aimerais pas non plus le kick and rush. On entend aussi des tas d’histoires. Jordy Clasie ne voulait vraiment plus entendre parler de Southampton. Ces témoignages m’incitent à y réfléchir à deux fois.

 » Je ne suis pas un aventurier  »

Es-tu un aventurier ?

VANAKEN : Non, pas vraiment et ma femme non plus. Ça peut paraître bête mais nous préférons retourner dans un restaurant qui nous plaît que d’essayer un autre.

 » La saison passée, il distribuait plutôt le jeu avec Vormer mais cette année, il accapare plus le ballon.  » C’est ce que dit ton frère Sam de ton automne. Tu es d’accord ?

VANAKEN : Les gens ont peut-être cette impression parce que Ruud est un peu moins en forme, que ses statistiques sont un peu moins bonnes et les miennes un rien meilleures mais nos intentions n’ont pas changé. Nous continuons sur la lancée de la saison dernière. J’ai toujours distribué le jeu plus que lui, je pense, le plus haut possible sur le terrain, afin d’être déterminant. J’obtiens grosso modo les mêmes chiffres chaque saison : dix buts, dix assists. Cet automne, le système et ma position sont plus variés, ne serait-ce que parce que les résultats ont été un peu moins bons. Nos adversaires s’adaptent à notre jeu. Clement, par exemple, aligne quatre médians au lieu de trois. Nous devons donc modifier notre football. Mais j’aime ces changements : sachant qu’ils vont s’adapter à nous, nous modifions notre stratégie pour les surprendre.

Avant, le marquage me frustrait alors que maintenant, je trouve des solutions pour y échapper.  » – Hans Vanaken

Est-ce aussi lié aux blessures et à la succession des matches ?

VANAKEN : Peut-être. Les blessures nous contraignent à opérer des changements mais nous essayons aussi d’être moins prévisibles. Mais je relativise ça. Nos adversaires savent qu’il peut se passer quelque chose à gauche, par exemple, mais ils ne nous empêchent pas toujours de réussir. Si l’exécution est bonne, changement ou pas, une action est difficile à arrêter.

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 » Les Diables m’ont adopté  »

Tu es international. Quel effet cela te fait-il ?

VANAKEN : J’ai été invité trois fois d’affilée et on ne me prendra pas ces convocations. Maintenant, il s’agit de rester en équipe nationale et de jouer plus de matches. De Bruyne va bientôt revenir, Dembélé aussi… Il est difficile de prétendre que j’ai déjà le statut de Diable Rouge.

Mais tout s’est bien déroulé ?

VANAKEN : Oui. La première fois, le sélectionneur a rassemblé les nouveaux pour un entretien. Castagne, Trossard, Verstraete et moi. Le système est différent alors il nous a expliqué les trajectoires de course, images à l’appui, et a exposé ses attentes.

À gauche, derrière l’avant-centre, tu es la doublure d’Eden Hazard.

VANAKEN : Je l’ai remplacé à deux reprises, en effet. Je pense que l’entraîneur me voit bien à ce poste. Je sais donc ce que j’ai à faire à l’entraînement. Si je suis nerveux ? Non. Je ressens une saine tension. Je me suis demandé si les autres me connaissaient. Apparemment oui. Ils se comportent normalement et m’ont adopté.

À son retour à Bruges après ses premières séances, Meunier a quand même dit que ça allait très vite.

VANAKEN : En effet, et je n’avais pourtant pas l’impression qu’ils y allaient à fond. Cette vitesse d’exécution me permet d’apprendre. En fait, on suit le mouvement et on joue automatiquement plus vite car on reçoit des ballons, qu’on soit marqué ou pas. On trouve aussi très facilement des solutions, à gauche et à droite. Ils m’entraînent dans le jeu.

Il y a une lacune dans ta carrière : tu comptes peu de sélections A, de même que tu as peu joué en équipes d’âge.

VANAKEN : J’étais à Lommel, dans l’ombre. C’est donc logique. Je ne considère pas que c’est une occasion ratée.

Tu es toujours en forme. As-tu un secret ?

VANAKEN : C’est dans le sang, je crois. Je n’ai pas encore loupé un seul entraînement ni un seul match cette année. La saison passée, je n’ai pas pu jouer à Saint-Trond car je souffrais du dos. Je le sens souvent après un match mais le lendemain, c’est fini. Pas cette fois-là. Cette année, j’en suis débarrassé mais je ne sais pas pourquoi.

Tu enrichis ta collection d’images ?

VANAKEN : Je demande toujours une copie du match et je la conserve. Pour le moment, je ne repasse pas souvent les images mais plus tard, je regarderai tout. Je pourrai dire à mon fils ou à ma fille, si ça l’intéresse : voilà ce que papa faisait avant !

As-tu des images de ton père ?

VANAKEN : Non, et c’est justement ce qui m’incite à les collectionner. J’ai vu peu d’actions de mon père. On me dit qu’il était un bon défenseur, qu’il avait un bon tir, qu’il bottait bien les coups francs et les penalties mais je n’ai jamais vu un match entier. Si quelqu’un possède des images de lui, ça m’intéresse.

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