» JE PEUX ENCORE JOUER POUR UN GRAND CLUB, MÊME POUR ANDERLECHT « 

On découvre parfois des noms surprenants dans les divisions inférieures. Comme Mémé Tchité (32 ans), qui gagne sa vie en D3, au WS Bruxelles.

Avec vingt minutes de retard, Mémé Tchité arrive et ferme la porte de sa Citroën C2 grise. Le moteur chauffe encore, après ce trajet dans les rues de la capitale. Tchité n’a pas l’intention d’investir dans une nouvelle voiture.  » Je n’ai pas besoin de bolide pour être heureux. A Santander, on me prenait de haut parce que je ne roulais pas en Ferrari, en Lamborghini ou en Range Rover comme mes coéquipiers mais en simple Citroën C4. Mon auto a fait la une des journaux. Rien à foutre. J’ai d’autres priorités dans la vie. Après tout, une voiture n’est qu’une machine, non ?  »

Il le dit avec un large sourire. L’homme a retrouvé le plaisir de jouer au White Star. Les deux saisons précédentes ont été bien différentes. A la demande de Mircea Rednic, il a disputé la deuxième partie de la saison 2014-2015 à Petrolul Ploiesti, en Roumanie.  » Rednic a démissionné quelques minutes après mon arrivée. Je ne peux pas lui donner tort. Le président était au fond du trou, les supporters boycottaient les matches à domicile et il y avait régulièrement des problèmes de paiement. Ceux qui ont été confrontés au football roumain peuvent en supporter beaucoup. Mais après trois mois, je suis parti. Le club me devait encore de l’argent.  »

Tchité est retourné en Espagne, où il possède une maison, avec des illusions en moins. En attendant un nouveau club, il a entretenu sa condition dans son ancien club, le Racing Santander.  » Le club a été rétrogradé en division trois à cause de problèmes financiers mais je connais son entraîneur, Pedro Munitis, un ancien coéquipier, et je me suis dit : pourquoi pas ? C’était mieux que de tourner en rond à la maison. Ce qui est bizarre, c’est que Santander me devait encore de l’argent et que j’avais déposé plainte. Suite à l’intervention du tribunal, la direction avait promis de me verser la moitié des arriérés de salaire mais elle n’a pas cessé de tergiverser. Pourquoi ai-je quand même frappé à sa porte ? Quand on est dans la mouise, il faut mettre sa fierté de côté. J’espère revoir mon argent un jour. Je ne vais pas citer de chiffres mais Petrolul Ploiesti et Santander me doivent un paquet d’argent.  »

 » O’LOUGHLIN ÉTAIT FAUX  »

En novembre 2015, Tchité est transféré à Saint-Trond mais à l’issue de la trêve hivernale, il est jugé superflu. Il qualifie cet épisode d’étrange.  » Quelques jours avant le début de la préparation, le manager Philippe Bormans m’a téléphoné pour me demander si je voulais donner un coup de main au club-satellite d’Ujpest, en Hongrie. J’ai réfléchi quelques secondes mais je n’avais aucune envie d’aller m’enterrer à Budapest pour une bouchée de pain et j’ai donc gentiment refusé. Bormans a été très clair :  » Si tu n’y vas pas, tu ne joues plus.  » De fait, j’ai fort peu joué ensuite, alors que l’équipe avait justement besoin d’un killer pour éviter la relégation. Je n’ai jamais eu de contact direct avec Roland Duchâtelet mais il ne faut pas avoir fait d’études pour savoir qui était derrière la manoeuvre… Je vais vous surprendre : j’ai beaucoup de respect pour Duchâtelet. Mais après tout ce qui s’est passé, je ne sais pas si c’est réciproque.  »

L’entraîneur-adjoint Benny McCarthy a pris le parti de Tchité.  » Il est allé trouver la direction : – Il faut cesser ces imbécillités, laissez Tchité jouer. Il était si dégoûté par ce qu’il avait vécu à Saint-Trond qu’il est parti en fin de saison.  »

Tchité n’a pas grande estime pour Chris O’Loughlin.  » Il était faux. Une marionnette de la direction. Dans un entretien confidentiel, il m’a avoué qu’il n’avait pas grand-chose à dire sur l’aspect sportif. Vous imaginez ça ? Un entraîneur qui ne peut pas choisir qui il va aligner ? Je n’ai pas travaillé avec Yannick Ferrera à Saint-Trond mais il ne s’est sans doute pas laissé faire. Il y a des entraîneurs dotés de personnalité, comme Ferrera et Michel Preud’homme et il y a des béni-oui-oui.  »

 » J’AI REVU MES EXIGENCES À LA BAISSE  »

Ceux qui voudraient voir Tchité à l’oeuvre au stade Edmond Machtens après la trêve hivernale doivent se hâter. L’ancien attaquant du Standard, du Club Bruges et d’Anderlecht rêve de rejouer en D1.  » Retomber en D3 était une manière de ne pas disparaître complètement mais vous comprendrez que je nourris plus d’ambitions que de rester au White Star. Si une opportunité se présente en janvier, il est logique que je la saisisse. Je possède toujours le niveau requis pour évoluer encore au moins cinq ans dans un club de l’élite. Oui, même à Anderlecht. Un attaquant qui n’y marque pas de buts doit se poser des questions. Et ceux qui pensent que j’ai perdu de ma vitesse n’ont qu’à venir à un match du White Star. Cette saison, je n’ai encore été battu dans aucun sprint, même pas par des gars de 18 ans.  »

Tchité tombe des nues quand nous le qualifions de vedette sur le retour.  » Vous trouvez vraiment que mon âge joue contre moi ? A 40 ans, Timmy Simons joue quasiment tous les matches. Je sais que Philippe Clement a souffert pendant ses trois dernières saisons mais il a quand même joué jusqu’à 37 ans. Il y a beaucoup d’exemples à l’étranger : Ryan Giggs, Francesco Totti, Antonio Di Natale… L’Italie apprécie les trentenaires et leur expérience alors que la Belgique les envoie en retraite au même âge. C’est typiquement belge !  »

Malgré un CV bien rempli et une excellente santé, les demandes n’affluent pas. Tchité en devine la raison.  » Je connais beaucoup de footballeurs qui sont trop courts pour la division un mais qui ont obtenu un contrat parce qu’ils étaient amis avec les bonnes personnes. Le copinage… Il y a des années, quand je suis arrivé en Europe, nous étions jugés sur nos qualités footballistiques et notre constitution. Depuis, le football est devenu un commerce.  »

Problème supplémentaire : Tchité a la réputation d’être un joueur cher. En juillet, le Cercle Bruges a dû renoncer à ses services, faute de pouvoir lui offrir un bon contrat.  » Je comprends que mes anciennes fiches de salaire ont de quoi faire reculer les dirigeants mais j’ai revu mes exigences à la baisse. Je n’ai presque pas joué pendant deux ans et je ne peux pas attendre des clubs qu’ils me paient le même salaire que pendant ma meilleure période.  »

PAR ALAIN ELIASY – PHOTO BELGAIMAGE

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