© CHRISTOPHE KETELS - BELGAIMAGE

 » JE N’ÉTAIS PAS LE JOUEUR PRÉFÉRÉ DU PRÉSIDENT « 

Dans cette série consacrée aux capitaines de notre élite, pleins feux sur le Lokerenois Killian Overmeire (30), fort de treize années de présence ininterrompue en équipe A.

Il est le plus fidèle joueur de tout le championnat, à une exception près : Olivier Deschacht du RSC Anderlecht. Killian Overmeire fait partie du noyau A du Sporting Lokeren depuis 2003. A l’époque, ses coéquipiers s’appelaient Suad Katana, Patrice Zéré et Papy Kimoto, Paul Put était son entraîneur et Killian achevait ses humanités. Treize ans plus tard, il émarge toujours au noyau A et il porte avec fierté le brassard de capitaine depuis quelques années. Overmeire ne joue pas à Lokeren, il est Lokeren. Quand le club ne va pas bien, il encaisse perso lui aussi. On ne s’étonnera donc pas si, suite au médiocre début de saison sous les ordres de Georges Leekens, Overmeire ne trouve guère le sommeil.

As-tu déjà tapé du poing sur la table, dans le vestiaire ?

KILLIAN OVERMEIRE : Non ! Ce n’est pas mon genre. Il en faut beaucoup pour que je me fâche dans le vestiaire. Quand ça ne va pas bien, j’essaie surtout de motiver l’équipe, d’être un exemple à suivre pour les autres. Ceci dit, je ne fuis pas les conflits. L’année dernière, lors du match à domicile contre Courtrai, j’ai eu une violente discussion avec Mijat Maric. D’abord sur le terrain, puis dans le vestiaire. La virulence de mes propos a donné des ailes à l’équipe : nous avons finalement battu Courtrai. Un conflit peut contribuer à affûter un groupe. Mais je suis d’un naturel paisible. Un moins bon départ, ça peut arriver à tout le monde.

Quelle est ta principale tâche, en tant que capitaine ?

OVERMEIRE : Veiller à l’unité de l’équipe. Le groupe doit être soudé, même quand ça va un peu moins bien.

Comment t’y prends-tu à Lokeren ? Le groupe comporte quinze nationalités différentes. Islandais, Brésiliens, Croates, Camerounais etc… Jadis, au Club, Jan Ceulemans ne devait pas parler cinq langues.

OVERMEIRE : L’anglais est notre langue véhiculaire mais je parle également français et, après toutes ces années, je baragouine même quelques mots de serbo-croate. Je ne maîtrise pas le portugais, donc je communique difficilement avec les Brésiliens. Notre vestiaire est un carrefour de cultures. En vérité, plus rien ne m’étonne après toutes ces années. Quand quelqu’un étale subitement un tapis de prière dans le vestiaire et commence à prier, je le respecte et j’essaie de ne pas le déranger. Je tente de m’entendre avec tout un chacun, quelle que soit sa langue, sa religion ou sa nationalité. C’est un fameux défi mais je crois le relever plutôt bien.

 » À 17 ANS, JE M’INTÉRESSAIS À AUTRE CHOSE QU’AUX CARTES OU AUX POKÉMONS  »

Au Club Bruges, Timmy Simons peut compter sur quelques lieutenants. Claudemir gère les contacts avec les Sud-Américains, ce qui permet au capi de connaître leur vécu. As-tu également des bras droits ?

OVERMEIRE : Mijat Maric a beaucoup de contacts avec les joueurs des Balkans. Quand ils ont des questions, ils se tournent vers lui. Idem pour les Africains, qui s’adressent à Copa, notre gardien. Il est une sorte de figure paternelle pour eux. N’oubliez pas qu’il a déjà disputé quelques Coupes du Monde et qu’il a gagné la Coupe d’Afrique des Nations avec la Côte d’Ivoire. Ces deux hommes font partie du conseil des joueurs, avec Koen Persoons et moi-même. Nous négocions les primes pour l’Europa League ou la Coupe de Belgique. Grâce à Maric et à Copa, tous les groupes sont représentés.

Comment fais-tu pour unifier tous ces groupes linguistiques ? Tu organises des parties de cartes ?

OVERMEIRE : Avant, quand Frédéric Dupré jouait ici, nous faisions des parties de bonking mais maintenant plus.

C’est quoi, du poker ?

OVERMEIRE : Non, c’est un jeu un peu plus risqué. Avant, nous jouions pour des petites sommes mais cela suscitait quand même des discussions. Il ne faut pas gâcher l’ambiance.

Pour préserver la paix, vous partez donc à la chasse aux Pokémons.

OVERMEIRE : Dans le groupe, certains collectionnent des Pokémons. C’est leur affaire. Un repas ou un verre peuvent contribuer à souder le groupe. C’est convivial, on fait connaissance, ça fait du bien. Je me souviens d’un stage hivernal en Espagne, à Marbella, durant la deuxième saison de Peter Maes. Le premier tour n’avait pas été super. L’ambiance n’était pas mauvaise mais nous ne parvenions pas à lier notre jeu, pour diverses raisons. Maes m’a appelé et m’a demandé ce qui n’allait pas dans le groupe. Puis il a ajouté :  » On va aller manger un bout tous ensemble, boire une bière et écouter ce que chacun a à dire.  » Cette nuit-là, personne ne s’est couché avant deux heures du matin mais le groupe avait resserré les liens. Nous avons d’ailleurs gagné la Coupe, cette saison-là. A mes yeux, une activité de groupe est bien plus positive qu’une partie de cartes ou la quête de Pokémons. Le fait que certains s’y adonnent ne pose toutefois pas problème. Reste qu’à 17 ans, quand j’ai intégré le noyau A, je m’intéressais quand même à d’autres choses. Mais bon, c’était il y a treize ans. Une éternité en football.

 » JE SUIS LE SEUL JOUEUR À AVOIR BRANDI LES DEUX COUPES DE BELGIQUE DU CLUB  »

Mesures-tu à quel point c’est unique ?

OVERMEIRE : J’y songe parfois. Surtout aux succès obtenus. J’ai la chair de poule en repensant à ma première victoire en Coupe. Lokeren a eu beaucoup de capitaines, qui étaient certainement de meilleurs footballeurs que moi. Je pense à Runar Kristinsson. Moi, je suis un gars d’Assenede, qui s’est affilié en équipes d’âge à Lokeren, qui y joue toujours et je suis le seul à avoir brandi les deux trophées du club. Deux fois la Coupe de Belgique. C’est un beau palmarès pour un joueur de club banal. J’en suis très fier, sans exagérer. A seize ans, je jouais en Espoirs. Il y avait là du beau monde, surtout des joueurs du noyau A qui travaillaient leur rythme après une blessure. Je suis entré au jeu, en réserve, pour la première fois lors d’un déplacement au Standard. Ce jour-là, Hein Vanhaezebrouck suppléait Rudy Cossey au poste d’entraîneur. J’ai remplacé un blessé et j’ai bien joué. En été, la direction m’a téléphoné pour me dire que je pouvais désormais m’entraîner avec l’équipe première. Paul Put était alors coach. Il a vécu sous pression dès le début de la saison. Malgré tout, il m’a fait confiance pour les besoins du déplacement au Cercle Bruges. Un match au cours duquel Harold Meyssen m’a complètement neutralisé. Au repos, Put m’a retiré. J’en aurais pleuré de déception. Après, j’ai été en proie à de graves blessures, qui m’ont empêché d’éclore. Certains émergent immédiatement. Ils signent un grand match et ils sont lancés. Pas moi. J’ai piétiné.

Au point que la direction a hésité à te conserver. Tu as obtenu un contrat de justesse.

OVERMEIRE : En effet. Je n’étais pas le joueur préféré du président. J’en ai bavé mais j’ai continué à travailler. Je ne jouais pas mais j’allais quatre fois par semaine au fitness. Ce labeur a porté ses fruits.

On t’a confié le brassard il y a six ans. Était-ce la récompense suprême ?

OVERMEIRE : Oui, même si elle n’a pas été précédée d’une discussion officielle. Je l’ai enfilé après une saison catastrophique. 2009-2010 a été la pire année que j’ai vécue ici. Rien n’allait et nous avons évité la relégation de justesse. Emilio Ferrera était le troisième entraîneur de la saison et Olivier Doll était capitaine mais il a mis un terme à sa carrière. C’est ainsi que j’ai reçu le brassard, à quelques matches de la fin de la saison. Ferrera m’a juste dit :  » Bon, voilà, tu es capitaine.  » C’était étrange. Nous avons disputé les PO2 avec une équipe qui ne tenait pas la route. La mentalité était épouvantable. Peter Maes est arrivé juste après. En début de saison, il m’a dit :  » Beaucoup de choses vont changer à Lokeren.  » Je n’y croyais pas trop car beaucoup de gens m’avaient déjà tenu des propos similaires mais il a eu raison. Avec Willy Reynders, il a établi un plan dont il ne s’est pas départi pendant des années. Maes était dur, il ne reculait pas devant les conflits. Je suis resté capitaine mais au premier match de championnat, à Malines, il m’a placé sur le banc. La préparation, très poussée, m’avait épuisé, j’avais les jambes lourdes et je ne savais pas trop ce qui m’arrivait. La semaine suivante, j’ai été titularisé, j’ai enfilé le brassard et je n’ai plus quitté l’équipe.

 » CHEZ LES SCOUTS, ÊTRE CHEF NE M’INTÉRESSAIT PAS  »

Tu n’avais que 24 ans dans un vestiaire qui comportait des joueurs chevronnés comme Ivan Leko, Benji De Ceulaer et Barry Boubacar Copa. Etais-tu vraiment le leader du vestiaire ?

OVERMEIRE : J’étais capitaine mais pas le leader hiérarchique qui ne tolérait personne à sa hauteur. Des garçons comme Leko, Copa et De Ceulaer étaient évidemment importants. Koen Persoons était également nouveau à Lokeren. Ce petit cercle a pris le groupe en mains avec moi, ce qui m’a beaucoup aidé.

Maes a donc fait un bon choix en te conservant au rang de capitaine ?

OVERMEIRE : Sans doute, oui.

As-tu toujours été un leader ? En classe, par exemple ?

OVERMEIRE : Non. J’ai fréquenté les scouts mais être un chef ne m’intéressait pas. Je n’étais pas non plus délégué de classe. Capitaine en équipes d’âge ? Non plus. Je ne suis pas de ceux qui attirent l’attention dès qu’ils entrent dans une pièce. Je suis d’un naturel sociable et j’essaie de bien m’entendre avec tous les membres du groupe.

Donc, ce brassard était un peu bizarre, au début ?

OVERMEIRE : Oui. Après le départ d’Olivier Doll, mon prédécesseur, j’ai souvent discuté avec son père au foyer des joueurs. Ces conversations m’ont aidé, indirectement. Parfois, nous parlions du langage corporel. Avant, quand je ratais une passe, je baissais la tête. Ce n’était plus possible. Un capitaine qui baisse la tête tire toute l’équipe vers le bas. Donc, après avoir donné une mauvaise passe, j’ai appris à me corriger moi-même sur le terrain, sachant que tous les regards étaient tournés vers moi. Tête haute, Killian !

Tu as manifestement grandi dans ton rôle de capitaine. Est-ce une question d’expérience ?

OVERMEIRE : Oui. J’ai appris à assumer mes responsabilités et à les estimer à leur juste valeur. Maintenant, je me sens bien dans ce rôle. Je connais très bien la maison et quand le noyau a un problème, je suis le lien logique entre lui et la direction ou l’entraîneur. Je sais comment résoudre les problèmes. Ça va plus loin que la simple négociation des primes. Il y a un certain temps, le groupe a demandé des nouvelles douches. J’en ai discuté avec la direction. Ce n’est pas simple : je sais ce qui est possible et je connais les limites budgétaires de Lokeren. Donc, il m’arrive de défendre un compromis dans le vestiaire, en sachant que certains seront déçus et pensent pouvoir obtenir mieux. Jusqu’il y a peu, nous pouvions heureusement compter sur Denis Odoi. Il était notre délégué syndical. Je pense que Willy Reynders est content qu’il ait signé pour Fulham. (Rires) Il faisait aussi partie du conseil des joueurs et il discutait sans cesse. Vraiment sans arrêter. Sur tout.

PAR MATTHIAS DECLERCQ – PHOTOS CHRISTOPHE KETELS – BELGAIMAGE

 » Certains émergent immédiatement. Ils signent un grand match et sont lancés. Moi, j’ai piétiné.  » – KILLIAN OVERMEIRE

 » Avant, quand je ratais une passe, je courbais l’échine. Comme capitaine, j’ai dû apprendre à garder la tête haute en toutes circonstances.  » – KILLIAN OVERMEIRE

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire