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 » JE NE VOULAIS PAS ÊTRE ESTAMPILLÉ DUCHÂTELET « 

Revenu de l’enfer après deux années tumultueuses et une relégation avec Charlton, Igor Vetokele revit depuis son passage à Zulte Waregem. À 24 ans, l’ancien international Espoir a visiblement décidé de se poser. Loin, très loin de l’agitation londonienne.

Le thermomètre affiche 32 degrés au moment de retrouver Igor Vetokele sur la toute nouvelle terrasse qui surplombe les huit terrains du complexe d’entraînement de Zulte Waregem. C’est là, en plein coeur des heures chaudes d’un mercredi étonnamment caniculaire, que le joueur du Essevee nous a fixé rendez-vous.

Après un exode de 4 ans, au Danemark d’abord, puis en Angleterre, le joueur formé à l’école ostendaise avant d’exploser au Cercle Bruges (2011-2012) avait visiblement envie de faire le point. Ariel Jacobs, Copenhague et le désordre permanent à Charlton, c’est terminé.

Dorénavant, ce tout récent père de famille aspire à un nouveau départ et rêve de redonner un second souffle à sa carrière. Pour oublier l’Angleterre et se projeter vers un avenir meilleur.

Johan Walem a un jour dit de toi que tu avais pris une ampleur différente à l’étranger. Tu as l’impression de revenir en Belgique avec un tout autre statut qu’à ton départ du Cercle en 2012, après la saison qui t’avait révélé au grand public ?

IGOR VETOKELE : Quand je suis parti du Cercle, j’avais 19 ans et je n’avais joué qu’une saison professionnelle. Forcément, j’ai beaucoup appris au Danemark et en Angleterre. De facto, je reviens en Belgique avec un autre statut et d’autres ambitions. Forcément, on attend plus de moi qu’à mes débuts aussi, je m’en rends bien compte. Mais je ne ressens pas, pour autant, plus de pression que lorsque j’ai dû faire mes preuves au Cercle. Car, à l’époque, j’étais dans l’obligation de me montrer également.

Je n’avais pas vraiment le droit à l’erreur et, pour un jeune dans un groupe professionnel et expérimenté, ce n’est pas toujours facile à assumer. D’autant plus que je suis directement rentré dans l’équipe et que l’attaquant titulaire que j’étais ne voulait décevoir personne. Heureusement pour moi, cela s’est bien passé et aujourd’hui, je bénéficie d’un peu plus de crédit qu’auparavant. C’est plutôt agréable comme sensation.

Indépendamment de l’aspect purement psychologique, cela change quoi, concrètement, dans ta manière d’évoluer sur le terrain, de ne plus être le petit jeune qui débarque ?

VETOKELE : Je sais maintenant que je ne dois pas chercher à provoquer tout le temps une action décisive, que c’est parfois bon de rester tranquille, de temporiser. Ça, je ne le faisais pas avant. Il y a d’ailleurs très peu de joueurs qui, dès leur arrivée dans le monde pro, sont capables d’avoir cette maturité dans le jeu. En tant qu’homme aussi, j’ai grandi. Je suis marié et j’ai un enfant de six mois. Cela responsabilise automatiquement.

DES DIABLOTINS AUX PALANCAS NEGRAS

Tu es arrivé en Belgique très jeune, en provenance de l’Angola. Chez nous, tu as évolué dans les différentes classes d’âge, des U17 aux Espoirs. Mais tu défends depuis mai 2014 les couleurs des Palancas Negras, l’équipe nationale angolaise. Un choix cornélien ?

VETOKELE : J’ai été invité à Luanda dans le cadre d’un match amical contre l’Iran et je dois avouer que l’ambiance et l’équipe m’avaient beaucoup plu. Je ne vais pas dire que je n’aurais jamais eu ma place en équipe nationale belge, mais c’est sûr qu’avec la génération actuelle des Diables rouges, ça risquait quand même d’être compliqué… Et puis, j’ai encore beaucoup de famille en Angola, à commencer par mon père. Je ne partais pas dans l’inconnu.

Cela doit te faire un bien fou de jouer la tête, avec Zulte Waregem, après la saison cauchemardesque que tu as connue avec Charlton l’an dernier ?

VETOKELE : Cela me fait du bien, surtout, d’être dans un club équilibré ! À Charlton, j’ai connu cinq entraîneurs en deux saisons, il n’y avait pas de stabilité. J’avais toujours l’impression que le club avançait sans trop savoir où il allait réellement. Ici, il y a une vraie vision, une belle structure, c’est tout l’inverse, et c’est donc évidemment plus facile pour travailler.

Comment expliques-tu qu’un club comme Charlton, avec des moyens et des ambitions, en soit encore à ce stade d’amateurisme ?

VETOKELE : Après avoir été repris par Roland Duchâtelet, Charlton était clairement dans une période de transition. Le problème, c’est que le club n’a jamais trouvé le bon fil conducteur. Personnellement, je n’ai pas toujours bien capté les visions des différents entraîneurs.

Pourquoi avoir débarqué à Zulte Waregem alors que ces dernières années ton nom avait plus souvent été associé au Standard ?

VETOKELE : Le problème avec le Standard, c’est que la concordance des temps n’a jamais été bonne. Quand eux étaient intéressés, je ne l’étais pas et inversement. Cet été, j’ai eu des pistes avec Lokeren et Zulte Waregem, mais pas avec le Standard. C’est mon avocat qui est aussi mon agent (Stijn Francis, NDLR) qui m’a mis en contact avec le marché belge. Après, j’ai très vite été conquis par le message de Francky Dury. Il m’a expliqué sa vision sur le foot et j’ai bien aimé. C’est un entraîneur qui parle beaucoup, qui est très proche de ses joueurs et qui sait guider les jeunes.

FACE AU REAL EN LIGUE DES CHAMPIONS

Tu as commencé la saison comme titulaire, mais avec la présence de joueurs comme Naessens, Kaya, Coopman et Oulare, la concurrence s’annonce rude. D’autant que tu ne sembles pas pleinement épanoui sur ton flanc gauche après avoir effectué une majeure partie de la préparation sur le côté droit ?

VETOKELE : Il va falloir se battre pour sa place, mais c’est comme ça que ça fonctionne dans le foot et c’est ce qui me permettra d’encore franchir un palier. Je pense sincèrement que si on veut aller au bout de nos objectifs et accéder aux PO1, voire plus, on aura besoin de tout le monde. Dès lors, je suis content de voir que le noyau compte plusieurs options à chaque place.

Si on doit parler de mon cas personnel, je répondrai que je suis heureux de jouer, mais que j’ai toujours été habitué à évoluer comme attaquant de pointe. Je n’ai pas encore d’automatismes ou de points de repère sur les côtés, mais j’espère que ça va venir. D’ailleurs, je sens que ça va déjà de mieux en mieux, même s’il faut courir un peu plus quand on arpente l’aile pendant 90 minutes (rires).

Francky Dury déclarait récemment que ce groupe était moins talentueux que celui de 2012-2013 avec Thorgan Hazard et le regretté Junior Malanda. Pour lui, il manque encore d’un vrai leader technique au-dessus de la moyenne pour faire la différence et jouer le titre jusqu’au bout. Qu’en penses-tu ?

VETOKELE : Je ne peux pas comparer parce que je n’étais pas en Belgique cette année-là. J’avais, certes, suivi de loin la belle saison du club, mais je ne connaissais pas l’équipe en détail. Après, peut-être qu’il a raison et qu’il nous manque encore un joueur créatif dans le milieu, mais ça c’est au coach de le savoir. Mais notre avantage, c’est que contrairement à nos concurrents, nous ne jouerons pas de Coupe d’Europe…

En parlant de Coupe d’Europe, tu sais ce que tu faisais le 10 décembre 2013 ?

VETOKELE : C’est le match contre le Real Madrid en Ligue des Champions avec Copenhague ! On va dire que c’est le sommet de ma carrière à l’heure actuelle. Une expérience de fou, un truc inexplicable. Par contre, et contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est pas le genre de match qui me stresse particulièrement, parce que je considère toujours le foot comme un passe-temps, même s’il est devenu mon métier depuis plusieurs années. Ça reste un souvenir magnifique, j’avais d’ailleurs échangé mon maillot avec Modric à la mi-temps, mais je l’ai entre-temps donné à mon ami Paul-José Mpoku qui est un grand fan du Real Madrid.

ALIGNÉ DANS L’OPTIQUE D’UN TRANSFERT

Si tu as pu te frotter au gratin mondial, c’est grâce à ton départ pour Copenhague après une seule petite saison disputée avec le Cercle de Bob Peeters en 2011-2012. Un choix de carrière plutôt surprenant de prime abord ?

VETOKELE : Avec tout le respect que j’ai pour le Cercle, c’était une équipe qui jouait pour le maintien. Copenhague, en revanche, allait me permettre de viser des trophées et de jouer l’Europe. Et puis, tout n’a pas toujours été très clair avec le Cercle, qui m’avait d’abord promis une prolongation de contrat en mars 2012 avant de laisser traîner mon dossier pendant plusieurs mois. Vu que je n’avais pas encore eu de propositions concrètes de la part des Vert et Noir, j’ai encore un peu moins hésité au moment de donner mon accord à Copenhague.

La présence d’Ariel Jacobs, qui venait de débarquer là-bas, a-t-elle influencé ton choix ?

VETOKELE : Honnêtement, on ne s’est jamais parlé avant que je paraphe mon contrat. Reste que cela s’est très bien passé avec lui, par la suite, même si notre relation n’a jamais dépassé le strict cadre sportif. Avec Peeters, j’étais plus proche. J’ai simplement eu la malchance, au Danemark, de me blesser au moment où le team s’est mis à bien tourner. Vu que nous avons terminé champions, le coach n’avait pas de raison de changer et j’ai fait office de joker jusqu’au bout.

Ta deuxième saison à Copenhague, sans Ariel Jabobs, limogé le 21 août 2013, a été nettement meilleure. En 29 matchs de championnat, tu as inscrit 13 buts, ton meilleur ratio à ce jour ?

VETOKELE : C’était une saison pleine de paradoxes. J’ai fini meilleur buteur du club, mais je n’ai pas beaucoup joué en Ligue des Champions, le coach privilégiant un dispositif à un seul attaquant. Et puis, en janvier, le même homme, Stale Solbakken vient me voir et me dit texto :  » Igor, je vais être honnête avec toi, tu n’es pas le style d’attaquant que je veux dans mon équipe. Je vais te faire jouer parce que tu es en forme et j’espère que tu vas marquer beaucoup de buts parce que je veux te vendre à un bon prix cet été « . C’est le genre de discours qui surprend, mais je n’avais le choix. Il a eu le mérite d’être honnête avec moi, c’est déjà ça. Du coup, quand Charlton s’est présenté à moi et sachant que Bob Peeters était en place là-bas, je n’ai pas hésité.

La réputation sulfureuse de Roland Duchâtelet, qui était arrivé six mois plus tôt à la tête du club, ne t’a jamais effrayé ?

VETOKELE : Oui et non. Peur certainement pas, mais je ne voulais surtout pas être considéré comme un joueur du réseau Duchâtelet et être transféré d’un club à l’autre. Et ça, je l’ai dit tout de suite à mon arrivée en affirmant que j’avais des ambitions et que je venais pour jouer à Charlton et pas ailleurs. Cela ne m’a pas empêché d’être étiqueté  » Duchâtelet « , mais on ne peut rien faire contre ce que pensent les gens.

LE CHAOS DEVANT À CHARLTON

Bob Peeters ne s’est pas éternisé chez les banlieusards londoniens. Par la suite, tu as aussi connu Guy Luzon, Karel Fraye et, enfin, José Riga. Des entraîneurs venus à chaque fois de Belgique, comment le groupe vivait cela ?

VETOKELE : Si Bob Peeters a été viré, c’est sans doute parce que nous avions trop bien commencé la saison, en ne concédant aucune défaite lors des 11 premiers matchs. Du coup, le club s’est mis en tête de revoir ses objectifs à la hausse alors que le noyau était trop étroit pour viser le top 6.A un moment donné, on était cuit et Bob a été limogé. Le problème, avec son successeur, Guy Luzon, c’est que la sauce n’a pas pris avec certains joueurs. D’autant qu’il y avait beaucoup d’anciens du Standard qui étaient là. Défensivement, tout le monde savait ce qu’il devait faire, mais offensivement, c’était le chaos.

Tout le monde sait que l’ambiance est délétère à Charlton depuis l’arrivée de Duchâtelet. Comment cela se passait avec vos propres supporters ?

VETOKELE : Dans le groupe, l’ambiance était bonne, même si les résultats n’étaient pas au rendez-vous. Les protestations des supporters n’ont d’ailleurs jamais directement visé le groupe, mais bien les staffs successifs ou la direction. Il n’empêche qu’après deux saisons à Charlton, je profite pleinement de l’énergie positive qui circule dans un club comme Zulte Waregem.

PAR MARTIN GRIMBERGHS – PHOTOS BELGAIMAGE – DAVID STOCKMAN

 » A Charlton, j’ai connu 5 entraîneurs en 2 saisons.  » – IGOR VETOKELE

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