« Je ne suis pas usé »

Après cinq ans au Club Bruges et cinq au PSV, le milieu (33 ans) effectue ce week-end ses débuts en Bundesliga. Une superbe carrière qui connaît un rebondissement inattendu. Interview.

« J’ai roulé 650 kilomètres pour rencontrer un Belge à l’Hilton de Nuremberg, en Bavière.  » Le Belge en question, c’est Timmy Simons et c’est son père qui parle. Sa femme et lui reviennent de quelques jours passés le long du Tour de France. Ils ont suivi les étapes du Tourmalet et se sont retrouvés à côté de la famille de Jurgen Van den Broeck. Le monde est petit… Papa Simons est en short, même si le temps n’y est pas vraiment propice. La Bavière est certes au sud de l’Allemagne mais des nuages cachent le soleil et le temps est frais : 20 degrés tout juste.

Nuremberg, l’ancienne équipe de Jan Polak et de Jan Koller, la formation dont Jef Vliers (ex-joueur du Standard dans les années 60) a jadis été l’entraîneur… 51 jours, n’est pas sous les feux de la rampe comme le Bayern. Nous sommes dans la partie paisible de la Bavière. Adidas et Puma sont issus de la région. Nuremberg est aussi la ville du jouet, auquel est consacré un musée. C’est aussi la ville qui a servi de théâtre aux procès contre les nazis après la deuxième guerre mondiale. Simons a déjà foulé la place d’où Adolf Hitler haranguait ses troupes. Le centre, où nous achevons la journée, est très beau, vert, avec un lac presque au centre et des aménagements destinés à écarter le trafic du centre. Tout est calme car les vacances scolaires en Bavière n’ont pas encore commencé au moment de notre visite : elles sont décalées pour correspondre à la période des foins et des récoltes.

Le Hilton, qui héberge toujours la famille Simons, est un des poumons du club. Les chambres donnent sur les terrains d’entraînement et les vestiaires se situent dans la cave. Les joueurs qui n’ont pas de logement vivent ici. Les bureaux et le fan shop sont également dans l’enceinte de l’hôtel et un peu plus loin se trouve l’EasyCredit Stadion. La charmante attachée de presse nous explique qu’on va aménager de nouveaux bureaux et vestiaires. Les travaux débutent le 1er septembre et dureront treize mois. C’est une primeur, ils sont financés par les supporters, qui ont prêté l’argent au club, moyennant un faible intérêt. Ils ont réunis six millions.

Comment votre transfert s’est-il déroulé ?

Timmy Simons : Très vite. Dix jours après notre premier contact, tout était en ordre. Nuremberg a téléphoné à Guy Bonny, mon manager. Il a tout fait dans les règles, il a téléphoné aux deux clubs et vu ce qui était possible. Nuremberg cherchait un joueur chevronné, qui était prêt à relever le défi pendant deux ans en Bundesliga avec un jeune groupe, qu’il faudrait diriger.

Beaucoup de pistes conduisent Nuremberg aux Pays-Bas. Galásek (ex-Ajax) a été ici, Gerald Sibon (ex-PSV)…

Le club a de bons souvenirs de joueurs de 32 ou 33 ans qui peuvent encore apporter un plus. La Bundesliga est un des meilleurs championnats européens et j’ai obtenu un contrat de deux ans alors qu’à Eindhoven, je n’avais plus qu’une saison. Je pensais achever mon contrat puis me reconvertir mais vous voyez comment tout peut aller vite en football.

Vous venez de faire construire à Mol, votre femme travaillait, vos enfants de quatre et six enfants sont presque obligés d’aller à l’école. Ce n’est pas si évident ?

De ce point de vue, la décision a été difficile. Il fallait partir en toute hâte, avant de réfléchir à la façon de s’organiser : les enfants, l’école, les maisons.

Vont-ils aller à l’école en allemand ?

Oui. Nous avons envisagé de les inscrire dans une école internationale mais là, ils doivent apprendre deux langues en peu de temps : l’anglais et l’allemand. L’anglais à l’école et l’allemand s’ils ont des amis en-dehors. Ce n’est pas possible et nous avons préféré une école allemande.

Un vieil homme ?

Avez-vous discuté de l’Allemagne avec d’autres footballeurs ?

Oui. Orlando Engelaar y a joué et l’entraîneur, Fred Rutten, y a travaillé. Il a jugé que ce serait un enrichissement et que je devais saisir cette opportunité. Chaque semaine, on y va à fond. Ici, il n’y a pas de petites équipes, il faut se livrer à 100 % à chaque match, sous peine de se retrouver les mains vides.

Que saviez-vous de Nuremberg ?

J’ai effectué des recherches. Je savais qu’Angelos Charisteas y était. Marek Míntal, Raphael Schäfer sont aussi des joueurs connus. Beaucoup de joueurs sont partis et pas mal de nouveaux doivent se trouver.

Votre équipe va-t-elle encore lutter contre la relégation ?

C’est possible mais notre objectif est de faire mieux que la saison passée, au terme de laquelle Nuremberg a dû disputer des barrages pour se maintenir – contre Augsbourg, une autre formation bavaroise. Nous devons être réalistes tout en ayant l’ambition d’être neuvièmes ou dixièmes. Il y a de nombreux jeunes talentueux dans le groupe. Certains clubs s’intéressent à eux. J’espère simplement qu’ils resteront encore au moins un an.

Que pensez-vous de la Bundesliga ?

C’est un championnat très relevé. Beaucoup de ténors viennent ou reviennent. Hambourg et le Bayern ont été brillants en coupes d’Europe, le vécu est intense, dans de grands stades d’au moins 40 à 45.000 places, voire 70 à 80.000, des arènes qui sont combles à chaque match.

Etes-vous physiquement au top ?

Oui, je ne suis pas encore usé.

Un journal local a placé dans votre bouche la phrase suivante :  » Je ne suis pas un vieil homme . »

Je ne me sens pas vieux ! Je ne peux pas être plus affûté que je ne le suis.

Vous voilà loin, en Bavière. N’aimez-vous pas la Ruhr ?

Que signifie loin ? En six heures de route, je suis chez moi. Je ne cherche pas un club en fonction de la distance et en plus, c’est le club qui m’a approché. Surprenant ? Quand on a la chance de pouvoir jouer deux ans en Bundesliga à mon âge, oui, on est un peu surpris, c’est vrai.

N’a-t-il jamais été question d’un retour en Belgique ?

J’ai lu toutes sortes d’histoires : Westerlo, Saint-Trond, le Lierse, le Club mais je n’ai rien eu de concret. Personne n’a téléphoné à Bonny ou alors, juste pour lui demander quels étaient mes projets mais sans rien de concret.

Nouveau van Bommel ?

Qu’attend-on du numéro six, ici ?

Le contrôle. Je dois être le lien entre défense et attaque, diriger les autres. Je suis un médian, comme au PSV et au Club. Tant que je suis capable de courir et d’arpenter le terrain, je préfère évoluer dans l’entrejeu.

Auriez-vous obtenu le même transfert depuis la Belgique ou le football néerlandais est-il plus vendeur ?

J’ai eu une opportunité quand je jouais à Bruges, il y a sept ou huit ans, pour l’Angleterre ou l’Allemagne. Cela n’a rien à voir avec le PSV.

Le fait que van Bommel est un patron au Bayern n’a-t-il pas incité les dirigeants à chercher un joueur au profil similaire aux Pays-Bas ?

Non. Pas plus que je n’étais hors du coup, comme vous l’avez suggéré. J’ai beaucoup joué la saison passée : 15 matches sur 17 au premier tour puis un peu moins. Jouer tous les matches puis ne plus en disputer que 25 sur 34 constitue évidemment une différence. Mais je n’ai pas passé une année sur le banc. Je peux toujours me mesurer aux autres. Sinon, j’en aurais tiré mes conclusions. Les tests ont démontré que je ne devais pas me tracasser.

La comparaison avec van Bommel pèse-t-elle ?

Quelle comparaison ?

Je l’aie lue dans des journaux allemands. Je peux imaginer qu’en Bavière, le Bayern est la norme, comme van Bommel donc à votre position. A leurs yeux, vous êtes issu du football néerlandais.

Quand j’ai quitté le Club pour le PSV, j’étais le nouveau Vogel ou le nouveau van Bommel. En fait, je suis Simons, j’ai un autre style de jeu. Mark est un rien plus défensif qu’au PSV. Il contrôle davantage le jeu et joue plus au service de l’équipe, ce qui lui est profitable. Il a disputé un bon Mondial. Il est dur, à la limite. C’est ça, l’élite : on fait tout pour obtenir un résultat.

Allez-vous procéder ainsi ici ?

Nous verrons. Tout est permis, dans les limites fixées par l’arbitre.

Une Tag Heuer comme cadeau du PSV

Surtout au sein d’une équipe qui va être dominée. Cela ne requiert pas une grande adaptation, après dix ans au Club et au PSV ?

Si, mais j’ai déjà été placé dans cette situation, à Lommel, mais aussi avec le Club et le PSV dans des joutes européennes, ou avec l’équipe nationale. J’ai déjà dû me battre et pas seulement m’appuyer sur mes acquis. En perte de balle, il faut tout donner sous peine d’être dépassé.

Vous avez effectué vos adieux au PSV contre Ipswich. Ont-ils été chargés d’émotion ?

C’était très bien. Le club et les supporters m’ont montré qu’ils appréciaient ce que j’avais fait. J’ai l’intention de rester impliqué au PSV et d’y retourner dans une autre fonction dans deux ans, comme entraîneur, membre du staff technique, du scouting, de l’école des jeunes…

Avez-vous renoncé à votre rêve d’ouvrir une taverne en Espagne ?

Je dis depuis longtemps que ce sera difficile, déjà à cause des enfants ! Mais c’était une belle façon de prendre congé, provisoirement. Le PSV m’a offert un cadeau, comme à tout joueur qui part. Une montre. Une belle. Une Tag Heuer.

A quoi pourriez-vous dépenser votre argent ?

En vin. Il est dans la cave. Je me constituais une cave à la maison mais le projet est mis de côté, provisoirement. Nous conservons la maison, pour l’intersaison et quand nous revenons en Belgique. J’avais commencé à jouer au golf, c’est aussi entre parenthèses. J’ai passé peu de temps chez moi ces dernières années alors je consacre mes loisirs à ma famille.

par peter t’kint – photos: reporters/ gouverneur

« Van Bommel est dur, à la limite. C’est ça, l’élite : on fait tout pour obtenir un résultat. »

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