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« je ne suis pas Un dikkenek « 

Assis sur le podium du meilleur espoir lors du dernier Soulier d’Or, cet hyperactif sur comme en dehors des terrains est la révélation bruxelloise de l’année. Rencontre avec un vrai représentant de l’ADN anderlechtois.

Au cours d’une année 2018 à oublier au plus vite du côté de Saint-Guidon, Alexis Saelmackers est l’une des rares satisfactions. Pendant près d’une heure, le jeune Bruxellois de 19 ans revient, avec un discours déjà affirmé, sur une trajectoire qui a totalement basculé en quelques mois.  » Il est fou dans sa tête « , nous dit l’un de ses proches.  » Mais c’est un vrai bon gars. « .

Ton parcours renseigne que tu as passé ta scolarité au Lycée Français de Uccle. Comment t’es-tu retrouvé dans cet enseignement privé plutôt réputé ?

Alexis Saelemaekers : Car mes parents travaillent dans cette école, mon père y est informaticien et ma mère comptable. C’était donc plus facile question trajets car je m’entraînais à la Sint-Niklaasinstituut d’Anderlecht où les Purple Talents étaient regroupés. C’est vrai que le niveau de scolarité y est assez élevé. Mes parents me poussaient dans cette voie, ils voulaient absolument que j’obtienne un diplôme dans cette école. Il était important que je suive une scolarité normale et ils n’avaient pas tellement envie que je sois tout le temps fourré avec mes coéquipiers du Sporting. Et je dois dire que ce n’était pas plus mal d’avoir d’autres sujets de conversation avec des jeunes qui ne connaissaient pas le monde du foot.

En une heure, Emilio Ferrera était capable de me faire progresser davantage qu’un autre coach en deux mois.  » – Alexis Saelemaekers

Tu avais le sentiment d’être un privilégié ?

Saelemaekers : C’est une école privée, on a donc un peu l’impression d’être privilégié même si, au final, on n’a rien de différent d’autres élèves d’écoles  » normales « . J’ai noué des liens avec certains élèves dont l’un est le fils d’un prince et l’autre un fils d’ambassadeur. Le père de mon meilleur pote, par exemple, est l’un des patrons du département flamand de BNP Paribas. Je n’ai pas été élevé dans un tel cadre de vie, mais c’est assez intéressant d’être passé par là.

 » Mon père n’était pas très foot  »

Tu arrivais à combiner foot et scolarité ?

Saelemaekers : Je pense pouvoir dire que j’avais pas mal de facilités à l’école. Je ne devais pas réviser longtemps pour réussir. Mais au fur et à mesure que je suis monté dans les équipes d’âges, c’est devenu de plus en plus difficile pour moi de combiner les deux, vu que le niveau s’accentuait à l’école comme au foot. Au bout du compte, j’ai quand même réussi à décrocher mon bac scientifique. Même si ça a été un peu difficile sur la fin.

Au club, on te prenait pour un petit bourgeois ?

Saelemaekers : C’est vrai qu’on me charriait souvent au club avec ça. On me disait que je ne traînais qu’avec des Jean-François (il rit).

Tu es arrivé dans le foot assez tard, ce qui est aujourd’hui assez rare.

Saelemaekers : Mon père n’était pas très foot, il ne comprenait pas comment on pouvait prendre du plaisir à courir après un ballon. Il a fini par accepter que je m’inscrive dans un club à la condition que j’y apprenne le flamand et je me suis retrouvé à Beersel où… il n’y avait que des francophones. J’avais 11 ans, c’est relativement tard mais c’est aussi une force. Je pense que pour ceux qui sont dans le monde du foot depuis l’âge de 6-7 ans, le foot peut devenir une corvée. Alors que moi, j’avais cette faim quand je suis arrivé à Anderlecht.

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 » L’arrivée d’Emilio a été bénéfique pour moi  »

Comment expliques-tu que tu t’es retrouvé en un temps assez court de la cave – sur le banc chez les jeunes – au grenier -en intégrant l’équipe première – ?

Saelemaekers : Je ne sais pas vraiment l’expliquer. Mais sans vouloir relancer la polémique, je crois que l’arrivée d’Emilio Ferrera a été bénéfique pour moi. Je jouais assez peu en U21 jusqu’à son arrivée. On me reprochait d’être un peu trop  » jouette « , trop enfantin dans mon jeu, et c’était tout à fait vrai. On cherchait aussi encore ma meilleure position même si j’avais déjà évolué à l’arrière droit. Quand Emilio Ferrera a repris les U21, il en a fait ma vraie place, et je n’en ai plus bougé. Ça m’a aidé à me développer et à atteindre assez rapidement l’équipe première.

Le nouveau coach ne nous parle plus de l’adversaire, on va jouer notre propre jeu.  » – Alexis Saelemaekers

Emilio Ferrera ne faisait pourtant pas l’unanimité à Neerpede. Que t’a-t-il appris ?

Saelemaekers : Je crois qu’il me fallait une sorte de coach qui me donne confiance sans pour autant être derrière moi sans arrêt. Quelqu’un qui croit en moi mais qui me rentre dedans quand ça va moins bien et qui me sort de ma zone de confiance. Et c’est ce que Ferrera a très bien fait. D’un point de vue tactique aussi, c’était du haut niveau. Ses entraînements sont assez incroyables.

En une heure, il était capable de me faire progresser davantage qu’un autre coach en deux mois. C’est vraiment quelqu’un qui connaît son métier jusqu’au bout des ongles même si c’est vrai qu’on lui reproche souvent son contact humain avec les joueurs, c’est pas vraiment son point fort. Mais je crois qu’en équipe de jeunes, il faut ce genre de coach.

 » Mes réactions épidermiques, c’est un problème  »

Surtout qu’en équipe de jeunes, on avait tendance à dire que vous aviez souvent un peu trop facile.

Saelemaekers : Je crois que la cause de pas mal d’échecs chez les jeunes, à Anderlecht, c’est qu’ils sont souvent mis trop vite en avant. Je pense qu’il y a certaines étapes à franchir avant d’être mis dans la lumière et le coach Ferrera nous a sortis de cette zone de confort dans laquelle on se trouvait. Avec lui, tout le monde est reparti de zéro, et a dû démontrer qu’il avait sa place sur le terrain de même que le potentiel pour arriver en équipe première.

Je crois que c’est grâce à lui que des joueurs comme Sambi, Amuzu, et moi-même sommes arrivés en équipe première. Au début, c’était assez compliqué car les tactiques mises en place, on ne les avait jamais vues. Mais après deux mois, on était au point et notre niveau en championnat était assez incroyable.

On dit de toi que tu peux t’enflammer très vite, on te décrit même comme dikkenek. Tu comprends ces critiques ?

Saelemaekers : Beaucoup de monde parle de mes réactions épidermiques sur le terrain, c’est un problème que j’ai depuis tout petit. Mon père n’arrête pas de m’engueuler par rapport à ça. C’est quelque chose que je n’arrive pas à sortir de mon jeu. Quand je suis dans mon match, je suis complètement dedans. Et je peux péter un plomb quand ça va moins bien. Mais la plupart de mes réactions, c’est par rapport à moi-même, c’est que je ne suis pas content de mon niveau.

 » Je vis chaque match à 100%  »

On t’a notamment vu répondre assez sèchement à Adrien Trebel ?

Saelemaekers : Oui mais c’est parce qu’Adri, il aime bien me crier dessus, me taper sur les doigts. Parfois, il en abuse, et un jour je lui ai dit qu’il devait arrêter car je sortais de mon match, je régressais. On en a parlé dans le vestiaire, il l’a compris, même s’il était un peu énervé. Je ne suis pas un dikkenek, je suis quelqu’un qui vit le match à 100%. Mais j’essaie de travailler tout ça en dehors du foot.

Comment t’y prends-tu ?

Saelemaekers : Je suis entouré de plusieurs personnes qui travaillent avec moi d’un point de vue mental et émotionnel. J’ai besoin aussi de gérer mon image, je n’ai pas non plus envie qu’on me colle une étiquette que je juge fausse. J’essaie de changer la vision que les gens peuvent avoir de moi et d’en faire une force.

Tu as le sentiment d’avoir l’ADN anderlechtois en toi ?

Saelemaekers : Oui. L’ADN du club, ce sont des joueurs qui sont bons techniquement et qui peuvent jouer en une touche-deux touches. Ça, c’est vraiment mon style de jeu. Et je sens que les supporters m’aiment bien pour ça. Et puis, je suis Bruxellois, ce qui est aussi une force, je suis un enfant de la maison.

 » Vanhaezebrouck était le coach rêvé pour moi à mes débuts  »

Sur la fin de l’année, il est quand même arrivé que tu te fasses un peu siffler.

Saelemaekers : Oui, mais c’est normal. L’équipe ne tournait pas et moi je suis encore très jeune, j’ai besoin parfois de me reposer sur des leaders.

Et il n’y en avait quasi pas.

Saelemaekers : Oui et on était vraiment à notre plus mauvais niveau.

On avait même parfois le sentiment que le jeu reposait sur l’épaule des plus jeunes, ce qui est plutôt anormal.

Saelemaekers : On est tombé dans une spirale négative avec toute l’équipe, et on s’est fait logiquement siffler par les supporters.

En U21, tu étais coaché par quelqu’un de réputé très tactique en la personne d’Emilio Ferrera. Chez les pros, tu es tombé sur un entraîneur dont le système de jeu est quasi robotique, avec Hein Vanhaezebrouck. Ça n’était pas usant sur la fin ?

Saelemaekers : Non. Avoir un coach qui lance des jeunes, qui n’a pas peur, on ne peut pas rêver mieux. Je crois que Vanhaezebrouck était le coach rêvé pour moi, à mes débuts.

 » On a manqué de cadres  »

Mais pourquoi ça ne fonctionnait plus ?

Saelemaekers : C’est difficile à expliquer. Quand une spirale négative s’installe, ça devient très compliqué d’en sortir. Au final, chaque joueur finit par douter de lui-même. Le coach tient des discours qui sont bons mais le message ne passe plus. Moi, il m’a souvent pris à part pour m’expliquer certaines choses.

D’un point de vue humain, c’est l’un des coaches qui m’a le plus aidé dans ma carrière. Et il l’a fait avec de nombreux jeunes. Mais au bout d’un moment, il avait ses idées, il n’en changeait pas, ce qui a fait naître une incompréhension entre les joueurs et le coach.

Il manquait aussi des cadres dans l’équipe, des joueurs capables d’être décisifs quand ça va moins bien.

Saelemaekers : Quand je regardais Anderlecht jouer vers 13-14 ans, je voyais des gars comme Matias Suarez, Silvio Proto, Lucas Biglia, des joueurs qui imposaient le respect par leur attitude, leurs performances. Je pense qu’aujourd’hui, il n’y en a pas assez, surtout que Kums ou Trebel ont souvent été blessés.

On ne pouvait pas non plus se reposer sur quelqu’un comme Deschacht, qui était au club depuis plus dix ans et qui aurait pu nous diriger. Si je regarde l’Ajax, ils ont beaucoup de jeunes joueurs et ça marche très bien. Je crois qu’on doit arriver à trouver le bon équilibre.

 » J’observe souvent Thomas Meunier  »

Tu as explosé comme wing back dans un système à trois défenseurs. Mais tu sembles avoir plus de difficultés en tant que véritable arrière latéral dans une défense à quatre.

Saelemaekers : Je n’ai jamais vraiment connu la place de latéral car en U21, mon positionnement était très haut. La première fois que j’ai joué au back, c’était à Beveren, et je ne m’en suis pas trop mal tiré. Le fait qu’on m’installe définitivement comme back, c’est pas une mauvaise chose, ça va me permettre de progresser à cette place.

Ton modèle, à cette position, c’est Thomas Meunier ?

Saelemaekers : Oui, bien sûr. Je l’observe souvent. Il faut que j’arrive comme lui à bien doser mes actions offensives et penser défensivement.

Qu’est-ce que le nouveau coach vous a apporté ?

Saelemaekers : Il nous a directement remis en confiance. Sans nous parler de style de jeu mais bien de résultats. Désormais, c’est fini de jouer en fonction de l’adversaire, ce qui créait des mésententes entre les joueurs, car l’un pensait qu’il fallait jouer en pivot, l’autre par des ballons au-dessus de la défense. Désormais le coach ne nous parle plus de l’adversaire, on va jouer notre propre jeu. Avoir un nouveau coach, c’est repartir de zéro, ce qui remotive les joueurs qui se sentaient écartés, et ça booste tout le monde.

Alexis Saelemaekers:
Alexis Saelemaekers:  » Suarez, Proto, Biglia, imposaient le respect par leur attitude, leurs performances. Je pense qu’aujourd’hui, il n’y en a pas assez. « © belgaimage – christophe ketels

 » Au niveau de l’image, on doit se rattraper  »

Toi qui as connu ce club depuis tes 12 ans, un club habitué aux trophées, aux premières places, tu as le sentiment que ce club ressemble encore à l’Anderlecht que tu as toujours connu ?

Saelemaekers : C’est sûr qu’au niveau de l’image, on doit se rattraper. Je pense que la mauvaise passe est derrière nous et que des clubs comme Genk vont connaître à leur tour un fléchissement, à une période de la saison où tout se joue en Belgique. Il ne faut pas nous mettre de côté définitivement.

Ton premier but en pro, c’est pour quand ?

Saelemaekers : Je n’ai jamais été quelqu’un qui marque beaucoup de buts, je suis pas un finisseur, je suis davantage un donneur d’assists. Mais en tout cas, j’espère que quand ça viendra, ce sera dans ce stade. Ce serait magnifique.

Il paraît que tu es un habitué des Jeux d’Hiver ?

Saelemaekers : Quand j’ai du temps libre, il m’arrive souvent d’aller courir au bois de la Cambre pour décompresser avec Jean-François Lanvin ( ex-responsable de la cellule sociale d’Anderlecht, ndlr), une personne qui m’aide beaucoup d’un point de vue mental. Et donc je passe souvent devant les Jeux d’Hiver ( célèbre boîte de nuit bruxelloise, ndlr). Cela me permet de décompresser. Mais ce n’est donc pas pour les mêmes raisons que vous pensez…

S’il m’arrive de péter un plomb, c’est parce que je ne suis pas content de mon niveau.  » – Alexis Saelemaekers

 » Je suis devenu croyant grâce à Sambi « 

Sambi Lokonga et toi semblez inséparables. À quand remonte cette connexion ?

ALEXIS SAELEMAEKERS: Dès que je suis arrivé au club, je me suis directement bien entendu avec lui. En fait, il est tout le contraire de moi. Moi, je suis un hyperactif, qui veut toujours bouger, alors que lui est très calme, posé, réfléchi. On se complète super bien. On a tissé des liens très forts, nos familles se connaissent, je le considère un peu comme mon frère.

Chez les jeunes, vous avez tous les deux connu une période difficile plus ou moins au même moment. Ça vous a rapprochés ?

SAELEMAEKERS: Il faut savoir que Sambi est très porté religion alors que je viens d’une famille plutôt athée. Dans les moments difficiles, il m’a montré en quoi la religion l’aidait à surmonter des moments plus compliqués et j’ai adhéré de mon côté. Et j’ai compris que ces périodes difficiles allaient nous servir dans la suite de notre carrière afin d’exploser un jour. On s’est toujours dit qu’un jour, on arriverait ensemble en équipe première.

Tu es croyant aujourd’hui ?

SAELEMAEKERS: Oui. J’essaie d’aller de plus en plus à l’église, je prie régulièrement, j’essaie un peu de suivre ce qu’il m’a appris. On dit souvent qu’il n’y pas de mauvais croyant mais j’ai un peu plus de retard que Sambi, qui baigne dans la religion depuis son plus jeune âge. J’essaie de m’informer un maximum, de lire la bible. C’est important de pouvoir me reposer là-dessus.

Quel a été le déclic chez toi ?

Saelemaekers : En U17, quand je me retrouvais régulièrement sur le banc, et que je rentrais pour 15-20 minutes, on se retrouvait en tournoi, dans nos chambres, et c’est là que j’ai adhéré aux messages du christianisme. Je crois que c’est aujourd’hui une part de ma réussite, ça m’a permis de continuer à croire en moi.

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