A moins de deux mois du début de la Coupe du Monde, le Liégeois se livre sans retenue.
Hanovre se languit dans sa verdure printanière. La ville n’a pas de monuments à offrir mais elle est souvent citée parmi les villes allemandes les plus agréables à vivre. En ce jour de début avril, le soleil inonde généreusement le Machsee, lac artificiel situé au sud de la capitale de Basse-Saxe. C’est sur une terrasse au bord du lac que nous attend Sébastien Pocognoli, arrivé ici il y a un peu plus d’un an. » Le club est à l’image de sa ville : calme, stable et tranquille. Avec de bons supporters fort attachés au club. Mais si on compare au Standard, on peut dire que c’est plus bouillant à Liège. C’est une autre mentalité. »
Si le calme règne sur la ville, Hanovre 96 vit, lui, des heures tourmentées. La défaite dans le derby, face à Braunschweig, a plongé le club dans l’Abstiegkampf, la lutte pour le maintien, très serrée cette saison. La veille du match, les supporters des promus avaient déjà donné le ton en attachant un agneau mort à l’entrée d’Hanovre avec une pancarte indiquant : » Dimanche, on va vous balayer, bande d’ordures. »
Dans un contexte difficile, et contrairement aux idées véhiculées, Pocognoli a réussi son entrée en Bundesliga. En un an, il a disputé 30 rencontres. Rien que cette saison, il a été titularisé 18 fois en championnat. » Il a clairement le niveau du championnat allemand « , explique Dirk Tietenberg, journaliste à Neue Presse. » C’est un guerrier qui aime jouer de manière offensive. Le public apprécie beaucoup son tempérament. Cependant, il a connu quelques problèmes, notamment avec l’ancien entraîneur, Mirko Slomka, qui le bridait souvent en lui demandant de ne pas dépasser la ligne médiane. L’année passée, il avait été enlevé du jeu parce qu’il était trop offensif et Poco n’avait pas aimé.
Le nouvel entraîneur, Tayfun Korkut, apprécie ses qualités et le considère comme numéro un à son poste de back gauche, même s’il a mis en place son système avec un autre back gauche lors du stage en Turquie parce que Pocognoli était blessé et que de nouveau, depuis deux semaines, il doit faire appel à quelqu’un d’autre à cause de petits pépins physiques dont souffre Pocognoli. Mais quand il est à 100 %, il constitue le choix numéro un. Par contre, comme c’est un transfert de l’ancienne direction, le nouveau directeur technique, Dirk Dufner, a annoncé, en janvier, qu’il pouvait partir. » C’est d’autant plus remarquable dans ce contexte de s’accrocher et de faire partie du onze de base. »
En résumé, si Pocognoli fait l’unanimité auprès de supporters et journalistes, il n’a pas le soutien total de la direction. A quelques mois de la Coupe du Monde, Sport/Foot Magazine a donc décidé de dresser le bilan avec plus qu’un candidat sérieux à la Coupe du Monde.
» Tout ce qui m’arrive, je ne le dois qu’à moi-même »
Comment expliques-tu la saison délicate que vit Hanovre ?
Sébastien Pocognoli : Il y a eu pas mal de changements. Le club se situe en pleine transition et ce n’est actuellement pas facile. Hanovre n’a pas encore le niveau qui était le sien lorsque le Standard l’avait affronté en 2012 en Europa League. Chaque semaine, on souffre. Après un super bon début de championnat, on a connu un creux et on n’a jamais vraiment su se situer : une semaine, on joue l’Europa League ; la semaine suivante, on regarde ce qui se passe derrière. La défaite dans le derby le week-end passé nous plonge dans la lutte pour le maintien.
Es-tu satisfait de ton bilan personnel ?
Oui. J’ai trouvé facilement mes marques. J’ai pas mal joué en un an, je me suis développé, devant faire face à des situations parfois compliquées. J’ai progressé, notamment au niveau de la condition physique et de l’intensité. Quand tu perds autant, ce n’est jamais évident. Je crois qu’en un an, j’ai perdu plus souvent que gagné. Et donc, comme il n’y a pas un match où on n’est pas dominé, j’apprends beaucoup au niveau défensif.
Hanovre a changé d’entraîneur récemment, limogeant Mirko Slomka avec lequel ta relation n’était pas toujours simple…
Je ne dirais pas cela. C’est l’ancien directeur technique, Jörg Schmadtke, qui m’avait fait venir et je n’ai pas toujours compris pourquoi Slomka me mettait sur le banc après de très bons matches. Ça ne s’est passé que deux-trois fois mais ses explications ne tenaient pas la route. Il a fait beaucoup de bonnes choses à Hanovre mais je suis arrivé à un tournant du club. Cela faisait quatre ans qu’il entraînait les mêmes joueurs, et il devait composer avec un nouveau directeur technique. Moi, au milieu de tout cela, je devais un peu surnager. Tout ce qui m’arrive, je ne le dois qu’à moi-même, à mes prestations sur le terrain. C’est ce dont je suis le plus fier.
Son remplaçant, Tayfun Korkut, un jeune entraîneur de 39 ans qui en est à sa première expérience comme T1, te convient-il mieux ?
Il est très motivé ; il a une philosophie de jeu très claire, plus offensive, que j’aime beaucoup mais, pour le moment, on n’a pas les cartouches pour évoluer de la sorte. On a beaucoup de blessés, dont notre attaquant, Mame Biram Diouf. Les résultats ont assommé la confiance de certains. De plus, il est arrivé en plein milieu de saison ; certaines choses étaient déjà bien installées et ce n’est pas évident de tout changer. L’année prochaine, il va certainement tracer une ligne qui lui sera propre et repartir de zéro.
» Est-ce que Wolfsbourg est beaucoup plus sexy qu’Hanovre ? »
Quelle est l’ambition d’Hanovre ?
En début de saison, l’Europa League. Maintenant, on vise le maintien. Cette année, on parle beaucoup de la lutte pour le maintien parce que deux mastodontes, Stuttgart et Hambourg, y sont mêlés.
Tu as choisi Hanovre, moins sexy que Schalke ou Séville, deux clubs cités précédemment…
Que veut-on dire par sexy ? Moi, je savais que je n’allais pas passer du Standard à Dortmund ou Leverkusen. Je suis quand même quelqu’un de clairvoyant. On ne passe pas de la Jupiler League à un top club d’un grand championnat ! Pour moi, Hanovre, c’est parfait ! Je le répète : que veut-on dire par sexy ? Wolfsbourg qui a beaucoup de moyens financiers, est-ce vraiment beaucoup plus sexy ? Mainz qui joue les places européennes cette saison, est-ce plus sexy ? J’ai également l’impression que, dans l’esprit des gens, tous les clubs anglais sont plus sexys que les clubs allemands. Pour moi, Hanovre, c’est l’équivalent, par exemple, d’Aston Villa pourtant beaucoup plus suivi qu’Hanovre.
Avant de venir en Allemagne, étais-tu davantage attiré par le championnat anglais ?
C’est vrai que j’aime beaucoup le championnat anglais que je trouve magnifique. Mais la Premier League est plus attrayante que la Bundesliga en grande partie parce qu’il y a beaucoup de joueurs belges. Cependant, je n’ai pas découvert la Bundesliga en y arrivant. Pour moi, l’Angleterre et l’Allemagne constituaient les deux championnats auxquels je rêvais. En Bundesliga, il n’y a pas un match de moins de 30.000 à 40.000 supporters. A part le Bayern qui survole, toutes les autres équipes se tiennent. Chaque semaine, c’est la guerre. C’est très enrichissant. Ça part dans tous les sens. Du ping-pong à chaque match !
En plus, cela correspond à ton jeu…
Mon jeu est basé sur la passion et les duels. C’est fondamental pour moi. Il y a beaucoup de courses dans mon jeu et, ici, ils adorent ça. C’est vrai qu’à ce niveau-là, l’Allemagne, comme l’Angleterre d’ailleurs, me correspond bien. Mais, j’ai reçu un bon bagage de l’école hollandaise, qui me permettrait de m’en sortir si un jour je dois aller jouer en Espagne. Les combinaisons et passes, ça je l’ai appris à l’AZ avec Louis Van Gaal. Je pense que j’ai une palette de jeu et un bagage footballistique qui me permet de m’adapter à pas mal de jeux.
» J’ai franchi un cap en Bundesliga »
Qu’as-tu découvert en arrivant en Allemagne ?
Un championnat immense. Cela a même dépassé mes espérances. L’engouement, le professionnalisme, la qualité du football. Attention, quand je parle de professionnalisme, je ne compare pas avec le Standard qui n’a rien à envier aux clubs allemands à ce niveau-là. C’est l’ancien directeur sportif, Schmadtke qui m’a convaincu de venir à Hanovre : comme je revenais de blessure, je constituais une belle opportunité pour eux puisque mon prix avait baissé. Je savais qu’un départ en Allemagne pouvait s’avérer bénéfique dans l’optique de l’équipe nationale.
Est-ce que le fait que Wilmots aime ce championnat te facilite la tâche ?
C’est vrai qu’il connaît bien l’Allemagne mais si je ne preste pas correctement, cela ne l’intéresse pas.
Lui as-tu demandé son avis avant de signer ?
Un peu après mon transfert, oui. Il a confirmé que j’avais fait un bon choix.
Il y a un an, tu étais remplaçant de Jelle Van Damme au Standard. Un an plus tard, tu as pris le dessus sur lui en équipe nationale. Comment l’expliques-tu ?
Simplement parce que je preste en Allemagne. Dernièrement, j’ai affronté le Bayern, le Bayer Leverkusen ou Dortmund et j’ai fait de très bons matches. Je pense avoir passé un cap. Aujourd’hui, si on fait appel à moi en équipe nationale, je sais ce que c’est que de jouer face à des adversaires de haut niveau.
Comment vis-tu la concurrence avec Van Damme ?
Moi, je me suis toujours bien entendu avec lui. Sur le flanc gauche du Standard, je m’éclatais bien avec lui. Désormais, on est en concurrence et il faut que cela reste le plus sain possible et que chacun regarde de son côté. Et ne pas faire de déclarations. Ça, je n’aime pas. Il ne faut pas oublier ce qu’on a fait ensemble.
Tu fais référence au tweet d’Elke Clijsters, la femme de Jelle (NDLR : La femme de Van Damme avait tweeté : » Je m’y connais mieux que Wilmots en football. Vanden Borre et Pocognoli… Il pourrait aussi me sélectionner. Pocognoli n’a pas joué depuis cinq mois » (sic) ?
C’est une partie de Jelle Van Damme qui s’exprimait puisqu’il s’agit de sa femme. Ce qu’elle pense, il le pense aussi. Du moins, c’est comme cela que ça fonctionne dans un couple, non ? Cependant, ça ne me touche pas car cela n’a aucune légitimité puisque ces propos ne viennent pas d’un entraîneur, d’un joueur ou d’un scout de l’Union Belge qui a analysé mes 20 prestations de cette saison.
» Je ne veux pas polluer le groupe »
On rentre dans le money time. Imagines-tu ne pas faire partie de la liste des 23 pour le Brésil ?
J’imagine aller au Brésil. Ce serait un aboutissement. Mais il y a beaucoup de gens qui espèrent y être. Je ne me considère pas comme partant certain ou non-partant. Le coach fait ses choix et j’ai toujours été très neutre vis-à-vis de cela. J’ai reçu trois fois ma chance cette année et je crois avoir évolué à un bon niveau. Je pense avoir montré au coach que s’il y avait un problème à gauche, je suis là, on peut compter sur moi. Est-ce que c’est assez ? On verra.
Qu’est-ce qui pourrait faire pencher la balance en ta faveur ?
Je pense que le coach est satisfait de moi. Je suis au service du groupe, je pense au collectif. Je pourrais dire – Je veux jouer car je suis convaincu que je peux jouer mais je ne vais jamais le dire car je ne veux pas polluer le groupe. Si on a besoin de moi, c’est à ce moment-là que je vais répondre présent. Je l’ai fait aux Etats-Unis suite à la blessure de Thomas Vermaelen. Si je me loupe là-bas, ça devient difficile. Or, je passe ce test. Contre la France, je passe un autre test. Là, le sélectionneur se dit qu’il peut compter sur moi. S’il me fait jouer contre le Pays de Galles, ce n’est pas pour me faire plaisir, c’est parce que je le mérite !
Si tu n’y es pas ?
Je n’ai même pas envie d’en parler… (Il réfléchit puis reprend) Si je n’y vais pas, l’Euro 2016 constituera le nouvel objectif. Pas de problème, on recommence. J’ai toujours acquis les choses par le travail et l’honnêteté dans mon boulot.
Est-ce que tu crains la blessure de trop, comme celle de Christian Benteke ?
Cela ne vaut même pas la peine d’en parler… Je suis quelqu’un de positif. Parler du mal amène le malheur.
Quel est l’objectif pour cette Coupe du Monde ?
Il y a beaucoup d’attentes mais ce qui est réaliste, c’est de passer le premier tour. Après, cela devient une loterie. Tu joues l’Allemagne ou le Portugal ? Si tu passes l’Allemagne, ta Coupe du Monde est réussie. Et si tu perds en faisant un gros match, c’est positif également, non ? Parfois l’émotion dégagée sur le terrain importe plus que le résultat. Cependant, je ne pense pas à la Coupe du Monde sans imaginer la gagner. Tu ne participes pas à une compétition si tu n’as pas l’ambition de toucher au but.
Quelle est ta position dans le débat sur les joueurs qui ont peu joué et sur le manque de fraîcheur d’autres ?
Moi, je serai en forme ! Je ne serai pas cuit en juin. J’ai eu une petite blessure (donc, j’ai dû me reposer), j’ai eu deux semaines de vacances à Noël et je ne joue pas 100 % des matches.
As-tu été déçu qu’on n’ait pas pensé à toi lors de tes meilleurs saisons au Standard ?
Et à l’AZ Alkmaar aussi ! J’ai été champion là-bas au back gauche. J’ai disputé la Ligue des Champions avec les Néerlandais ! Et je n’ai jamais été sélectionné. Mais m’a-t-on entendu me plaindre à cette époque ? Non. Forcément, j’étais déçu car je pensais avoir le niveau. Qui sait ? Si on m’avait donné ma chance à cette époque, je serais peut-être plus haut qu’à Hanovre. Mais je suis récompensé maintenant et c’est ce qui compte le plus. Maintenant, j’y suis et j’ai envie d’y rester.
PAR STÉPHANE VANDE VELDE À HANOVRE
» Ce que Elke Van Damme pense, Jelle le pense aussi »
» J’ai été déçu qu’on n’ait jamais songé à moi chez les Diables durant mes années au Standard et à l’AZ. Mais je ne me suis jamais plaint pour autant. »
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici