« J’ai tourné le bouton »

Le gardien monténégrin n’a pas baissé le bras après des débuts délicats. Et derrière ses certitudes, il y a une histoire…

« Quand j’ai ouvert pour la première fois la porte de mon appartement liégeois, mon regard a tout de suite été attiré par une photo accrochée au mur : celle de Jova… « , raconte Srdjan Blazic, 28 ans, en souriant. Le célèbre numéro 23 lui souhaitait la bienvenue à sa façon.

Le mois de décembre a apporté le magnifique marché de Noël au c£ur de la Cité ardente. Le gardien monténégrin des Rouches vit près du palais des princes évêques et a visité quelques stands avec sa femme Ivana et leur fille, Helena.

 » Il fait très froid en Belgique « , dit-il.  » La différence est énorme par rapport à la Grèce, où je jouais la saison passée, et avec mon pays, le Monténégro. J’ai eu un ancien équipier au téléphone. Le thermomètre a récemment flirté avec les 20 degrés près d’Athènes. « 

A propos de mercure, il a piqué deux fois du nez pour le sympathique Blazic.  » Je sais et c’est la première fois de ma carrière que cela m’arrive. « , avoue-t-il.  » Et, que ce soit en Coupe de Belgique, contre l’Antwerp, ou en championnat au Club Bruges, j’étais surmotivé, trop désireux de me montrer et d’afficher mes qualités. Ce n’est pas évident à vivre mais j’ai assumé : le passé, c’est le passé. On ne le refait pas et j’ai tout de suite tourné le bouton. Je ne cherche pas d’excuses. C’est oublié. Je ne suis pas du genre à me laisser aller après un exploit ou une erreur. Je connais mes atouts et je réussirai au Standard. Je suis venu à Sclessin pour franchir des paliers. Une épreuve peut être salutaire. Moi, cela me motive encore plus. Je bosse et je ne pense plus à ces deux erreurs. Tout le monde m’a bien soutenu. Le coach, Dominique D’Onofrio, m’a exprimé sa confiance après ces moments difficiles : j’ai apprécié.  »

Blazic est revenu dans la parcours contre le Lierse en arrêtant un penalty :  » C’était chouette pour moi mais j’étais d’abord heureux pour la défense qui avait gardé le zéro.  » Ses équipiers étaient visiblement contents pour lui.  » Je me sens bien dans ce vestiaire. « , avance-t-il. Un an jour pour jour avant cet entretien, Sinan Bolat avait inscrit un but venu d’ailleurs contre AZ Alkmaar.

 » Tout le monde a vu cet exploit « , raconte Blazic.  » Magnifique et, en Grèce, j’avais entendu parler de Kristof Van Hout, le plus grand des footballeurs professionnels au monde. Nous nous respectons tous les trois et c’est un plaisir de bosser avec eux et l’entraîneur des gardiens de but, Hans Galjé. Nous sommes d’abord de bons collègues. Chacun détient forcément ses atouts et nourrit des ambitions. Sinan est explosif, possède une belle gamme de réflexes sur sa ligne, etc. Kristof est imposant dans les airs. Le trafic aérien est aussi une de mes spécialités. C’est au coach de faire ses choix et il en sera ainsi quand Sinan sera rétabli. Le meilleur joue, c’est aussi simple que cela. C’est le destin des gardiens. Je suis un pro et je n’ai qu’une chose à faire : tout donner. Le football d’ici est très différent de celui qui est pratiqué en Grèce. Cela réclame forcément un peu d’adaptation. Le tempo est bien plus élevé en Belgique où le jeu est très engagé avec beaucoup de phases arrêtées. En Grèce, il y a plus d’accalmies dans le jeu. Mais ma période d’adaptation est terminée et je suis persuadé que cette nouvelle équipe grandit. Je suis épaté par Axel Witsel, Steven Defour ou Mehdi Carcela.  »

Tremplin grec

Fils et neveu d’un gardien de but, Blazic a d’autres atouts que le football dans la vie. Il s’exprime bien en anglais, manie couramment le grec et a des notions de français.  » A l’école primaire, j’ai opté pour l’anglais mais nous étions obligés de choisir une troisième langue « , se souvient-il.  » J’avais le choix entre le russe, l’italien, l’espagnol et le français. J’ai donné ma préférence au français mais avec le temps, je dois rafraîchir ces notions. En tout cas, je comprends de mieux en mieux les conversations. « 

Blazic a deux frères, Drazan (25 ans) et Lazar, 18 ans. Drazan a été portier avant de donner la priorité à ses études. La maman de Srdjan est juriste, son père est le doyen d’une université à Podgorica, la capitale du Monténégro. Srdjan doit encore passer trois examens avant d’obtenir sa licence en droit :  » Je m’y attellerai dès que ma carrière sera terminée.  »

Après avoir joué au Monténégro (Kom Zlatnica Podgorica, Buducnost et Rudar Plevlja), Blazic accepte une offre de Grèce.  » C’était un rêve « , dit-il.  » J’avais eu le temps de grandir dans mon pays. Ce fut certainement le cas à Buducnost Podgorica, le plus grand club monténégrin qui joua aussi un rôle important en D1 du temps de la Yougoslavie. Des joueurs comme Dejan Savicevic ou Predrag Mijatovic, Branko Brnovic ou Dragoje Lekovic (entraîneur des gardiens en équipe nationale), entre autres, y ont célébré leurs débuts. Moi, je dois beaucoup à ce club où j’ai signé mon premier contrat professionnel à 17 ans. Mais c’est pourtant à Rudar (champion actuel) que je me suis fait un nom. En 2006-07, j’ai gagné la Coupe du Monténégro, terminé deuxième du championnat avant d’être élu meilleur joueur du Monténégro.  »

Blazic passe alors des tests à l’AEK Athènes. Ce club lui offre un contrat mais a déjà cinq joueurs extra communautaires dans son effectif. Le jeune gardien opte finalement pour un petit club : Levadiakos.  » Pour moi, c’était un tremplin « , analyse-t-il.  » Livadia est une petite ville tranquille située à un peu plus de 100 km d’Athènes. L’ambiance y est bien moins chaude qu’à l’AEK, au Panathinaikos, à l’Olympiacos ou, surtout, au PAOK. J’adore ces atmosphères de feu que je retrouve à Sclessin. J’ai été retenu deux fois pour un match de gala très important en Grèce. Avant Pâques, une sélection des meilleurs étrangers de Grèce se mesure au 11 idéal des Grecs de Grèce. Les heureux élus sont désignés via internet par les amateurs de football. La recette de cette fête du football est versée au profit de l’enfance malheureuse. J’ai joué avec Djibril Cissé, Blanco et toutes les stars de la D1 grecque. Pour moi, c’était un grand honneur et une récompense d’être finalement désigné meilleur gardien de but étranger de Grèce.  »

Pourtant, le temps vira à l’orage la saison passée.  » En fin 2008-09, j’ai été contacté par le Wisla Cracovie « , confesse Blazic.  » Pour moi, c’était une opportunité de première importance. Je pouvais avancer dans ma carrière. Il me restait un an de contrat et mon président ne voulait pas me lâcher. Mon club exigea un million d’euros et l’affaire tomba à l’eau. J’étais déçu. Et, comme prévu, Levadiakos m’a proposé de prolonger mon contrat. Je n’étais pas sur la même longueur d’onde et j’ai sans cesse repoussé le moment des négociations. Les pressions étaient pourtant très fortes, ce que je comprenais mal. En novembre, le président trancha : – Tu ne signes pas. Dans ce cas-là, tu ne joues plus et tu n’entraînes plus. Il commettait une erreur. C’était embêtant pour moi mais c’est le club qui paya la note en basculant en D2.  »

La saison passée, l’agence anglaise qui gère la carrière de Blazic a été contactée par le Standard, Novosibirsk, Hanovre, Francfort et les plus assidus, Panionios. Blazic s’entretient alors avec Bosko Balaban (ex-Club Bruges, joueur de Panionios) qui lui vante les points forts du Standard. En janvier, Blazic effectue un séjour éclair au Sart-Tilman, découvre l’Académie Robert Louis-Dreyfus et signe un contrat (deux saisons + une autre en option).

 » Dès le départ, malgré l’insistance de Panionios, qui me fixa même un ultimatum, j’ai deviné que le Standard était le club idéal pour moi « , souligne-t-il.  » C’était le choix du coeur et il est probable que les campagnes européennes du Standard ont renforcé ce sentiment. Enfin, il y a les installations. Quand on voit cela, on n’hésite pas trop. J’ignorais alors qu’un grand arrière monténégrin avait joué au Standard : Ljubomir Radanovic que je vois de temps en temps.  »

Miracle monténégrin

A Sclessin, Blazic s’est symboliquement rapproché d’une des trois idoles de sa jeunesse.  » J’ai toujours été un grand admirateur de Michel Preud’homme « , affirme Blazic.  » J’adorais son style, son élégance, sa hargne, son charisme. Et j’admirais deux autres portiers : Peter Schmeichel et, surtout, Gianni Buffon.  » Blazic vit une autre grande aventure. Le Monténégro, petit pays de 800.000 habitants, trône en tête du Groupe F pour l’Euro 2012. Sur la route de la Pologne et de l’Ukraine, cette minuscule nation compte déjà 10 points, 3 succès et un nul pour 4 matches. Mieux, cette équipe nationale coachée par Zlatko Kranjcar, a marqué trois buts et n’en a encaissé aucun. Blazic doit implorer le Père Noël pour que cela continue. Et les adversaires ne sont pas des manchots : Bulgarie, Suisse et… Angleterre.

 » Nous avons vécu des moments fabuleux en Angleterre « , affirme-t-il.  » J’étais sur le banc à Wembley. Je n’aurais jamais imaginé que nous puissions vivre cela. Et le Monténégro n’a pas été ridicule dans le saint des saints. Wembley a chanté, c’était magnifique et prenant, mais Wembley a eu peur du Monténégro, peur pour ses vedettes : Steven Gerrard, Peter Crouch, Wayne Rooney, etc. De notre côté, il y avait Mladen Bozovic (Videoton), Simon Vukcevic (Sporting Portugal), Mirko Vucinic (Roma) etc. Même si on voit à peine notre pays touristique sur les cartes de géographie, nous existons. Le Monténégro n’a pas bétonné à Wembley et à la 88e minute, un ballon a percuté la transversale anglaise avant de rebondir devant la ligne. Dix centimètres plus bas et c’était 0-1 au lieu du 0-0 final.  »

 » Même si je n’ai pas joué, j’étais fier de mon équipe et de mon pays. Si on bat la Bulgarie chez nous, lors du lors du prochain match, on aura presque le billet de la qualification en poche. Bozovic est le titulaire indiscutable pour le moment. J’espère le devenir lors de l’Euro 2012. Pour cela, il faut que je joue au Standard. Je compte deux sélections en équipe nationale, contre l’Azerbaïdjan et la Russie. Mon heure viendra. Le football a réveillé tout notre pays. Les autorités ont déjà promis de moderniser les stades. « 

PAR PIERRE BILIC -PHOTOS: REPORTERS

 » Wembley a eu peur du Monténégro « 

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