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 » J’ai toujours l’objectif d’aller plus haut « 

Débarqué à Charleroi avec le statut de recrue-phare du nouveau projet zébré, Massimo Bruno a vécu des premiers mois contrastés dans le Pays Noir. À l’image d’un parcours plus cabossé que prévu.

Un coup d’oeil sur le CV de Massimo Bruno pousse forcément à l’étonnement. Le nouvel ailier fort des Carolos n’affiche que 25 ans au compteur, alors que ses premiers débordements dans le couloir droit anderlechtois semblent déjà bien installés dans les archives.

 » On ne peut pas dire que je suis vieux « , rigole le Zèbre, installé dans la salle de presse du Mambour entre deux entraînements hivernaux.  » Mais c’est clair qu’au début, je profitais du statut de jeune joueur, on était beaucoup plus tranquille avec moi, je pouvais me permettre plus d’erreurs. Maintenant plus, cette phase-là je l’ai dépassée. À 25 ans, on doit devenir plus mature.  »

Le quart de siècle, c’est déjà l’âge d’un premier coup d’oeil dans le rétroviseur.

Tes débuts chez les pros à Anderlecht, quand tu es lancé par John van den Brom, ça avait surpris tout le monde. Toi y compris ?

MASSIMO BRUNO : Ça a été super vite, c’était impossible de s’attendre à ça. À partir du moment où on sort de l’équipe réserve et qu’on va faire le stage des pros, avec un nouveau coach, on peut se dire que… (Il réfléchit) Je ne me suis même pas posé de questions, en fait. J’ai essayé de faire de mon mieux à chaque entraînement, à chaque match amical. Je pense que ça avait tapé dans l’oeil du coach. Et puis, évidemment, il y a ce match contre Limassol qui nous qualifie pour la Ligue des Champions. Il tente un coup de poker, c’était mon premier match.

À Charleroi, il reste un côté club familial.  » Massimo Bruno

Tu sauves un peu la peau du coach ce jour-là, non ?

BRUNO : Je ne crois pas que je le sauve. De l’extérieur, après ça, les gens ont dit que c’était un bon choix du coach, donc on peut le voir des deux côtés. Je sentais qu’il m’appréciait, et savoir qu’il était derrière moi, ça m’a donné une confiance naturelle. Je n’ai pas eu de stress quand il m’a lancé dans ce match. Après, on s’est pris dans les bras, il était content pour moi. Je crois aussi qu’il était très rassuré par le résultat (il rit). Peut-être que pour la suite, ça m’a aidé. Même quand je faisais de moins bons matches, il gardait cette confiance en moi, ça m’a permis de m’épanouir facilement pour ma première saison à Anderlecht.

 » À Anderlecht, au départ, je jouais dans un fauteuil  »

Tu avais un style de jeu qui plaisait à Anderlecht, ça t’a peut-être aidé à percer aussi.

BRUNO : On jouait en 4-3-3, avec deux ailiers purs. Je devais rester sur la ligne, on avait un milieu de terrain au-dessus de la moyenne qui faisait toujours la différence. Sur mon flanc, je recevais le ballon, je jouais des un-contre-un tout le temps. Ça ne passait pas toujours mais quand c’était le cas, ça finissait souvent par un assist ou une belle action. Je jouais un peu dans un fauteuil. Tout roulait, l’équipe tournait bien, on mettait des casquettes aux autres équipes… Je ne pouvais pas rêver mieux.

Tu te sens impressionné quand tu débarques dans un vestiaire avec des Mbokani, Jovanovic, Biglia… ?

BRUNO : Au début, c’est clair qu’on est impressionné. Mais à partir du moment où tu intègres vraiment le groupe pro, tu quittes le vestiaire de la réserve, tu es avec eux à tous les entraînements… Ça devient rapidement des amis de travail. Même si c’est clair que le respect reste là, à part Dennis Praet et moi il y avait peu de jeunes intégrés dans le groupe. Ce n’est pas comme aujourd’hui où ils ont énormément de jeunes.

L’année suivante, tu la finis de façon un peu bizarre. Parfois remplaçant, parfois deuxième attaquant.

BRUNO : C’est vrai que la saison était difficile, on était très loin avant les play-offs. Hasi a décidé de passer en 4-4-2, avec des ailiers plus travailleurs. Il m’avait d’ailleurs dit que Najar correspondait plus à ce profil. J’ai dû attendre un peu sur le banc, et comme on gagnait tous les matches, c’était difficile de changer l’équipe.

Et puis, il y a ce match à Bruges.

BRUNO : Il me fait rentrer, je provoque l’auto-but de Meunier, et Mitrovic prend la rouge. Donc, le match suivant, je me retrouve à jouer devant avec Cyriac. Je mets un doublé contre Genk, un but contre Zulte Waregem, et on va chercher le titre. C’est vrai que si on fait le bilan de cette saison, j’ai passé plus de temps sur le banc. Pourtant, je trouve que j’ai fait de meilleurs matches. Tous les cadres étaient un peu partis, donc j’ai essayé de prendre plus de responsabilités, plus seulement de faire mon dribble sur le côté puis de mettre un centre. J’ai fait quelques gros matches. En début de saison, j’ai porté le Taureau d’or, d’ailleurs. C’était un départ de rêve, j’avais essayé de franchir une étape, et puis j’ai eu de moins bons passages. J’étais encore un jeune joueur.

 » Aller au Red Bull, je ne l’ai pas regretté une seule seconde  »

Un jeune qui prend très vite ses responsabilités, c’est très  » Anderlecht  » ça, non ? Peur de rien, un peu grande gueule…

BRUNO : Je ne pense pas que les jeunes d’Anderlecht sont dikkenek, mais ils ont cette culture de la gagne. Quand tu te retrouves en équipe réserve, tu gagnes quasiment tous tes matches. Donc, on arrive en équipe première avec l’habitude de gagner. En première, Anderlecht gagnait souvent aussi à ce moment-là. Après, quand tu as des passages à vide, là, tu réalises. Il y a cette pression des supporters par exemple, qui venaient parfois à l’entraînement ouvert pour nous mettre un coup de pression.

Tu as dû expliquer à beaucoup de gens pourquoi tu choisissais d’aller à Salzbourg, alors que tu avais une super cote à l’époque ?

BRUNO : Vu de l’extérieur, c’est clair que ceux qui ne connaissaient pas le projet Red Bull ont pu trouver ça bizarre. Cette décision, je l’ai prise avec trois ou quatre réunions. Ils m’ont montré sur écran géant leur philosophie de jeu, leur façon de s’entraîner… Que ce soit Salzbourg ou Leipzig, j’ai été visiter les installations, et c’est là que je me suis rendu compte de l’ampleur du projet. C’est clair que quand Mogi m’appelle et me dit qu’il a Leipzig pour moi, tu n’es pas emballé directement quoi. Ce n’est pas un nom qui te fait dire : Oh, chouette !

Mais en y partant, j’ai réalisé. Je prenais un petit risque parce que c’était le début, Leipzig n’était pas encore ce qu’il est maintenant. Par contre Salzbourg, je les avais vus en Europa League l’année précédente, notamment contre le Standard, et ils étaient très forts. Il y avait Mané, Kampl, Soriano… Ces mecs étaient au-dessus du lot. Le choix, je ne l’ai pas regretté une seule seconde.

Même quand tu te retrouves à jouer le championnat d’Autriche ?

BRUNO : C’est un peu similaire au championnat belge, sauf qu’il y a seulement dix équipes. C’est clair que jouer quatre fois contre la même équipe, c’est un peu l’inconvénient…

 » Avec Weiler, défensivement, Anderlecht était costaud  »

Là-bas, tu découvres un style de jeu un peu révolutionnaire, avec un pressing de dingue.

BRUNO : Ils ont commencé à développer cette philosophie de jeu, et ça marchait. Ils ont débuté avec Salzbourg, peut-être un peu plus facilement parce que les erreurs se voyaient moins. Par contre en Europa League, on se faisait parfois avoir. Je me souviens d’un seizième contre Villarreal où on débute super bien le match mais il suffisait d’une erreur et avec les qualités des adversaires, ça finissait par un face-à-face avec notre gardien. C’était un football assez spécial mais quand tu le maîtrises bien et que les onze joueurs sont concernés, tu récupères des ballons super haut, ça repart super vite, et c’est super attractif.

Du coup, en revenant à Anderlecht, c’est la première fois que tu apprends à passer du temps dans ta moitié de terrain

BRUNO : Quand on est champion avec Weiler, on était fort critiqué parce que notre jeu n’était pas le plus beau, mais défensivement on était très costaud. On reculait parfois un peu plus, mais lui s’en foutait, il disait que seul le résultat comptait. Et comme on a été champion et qu’on a atteint les quarts de finale de l’Europa League, on peut dire qu’il avait raison.

Weiler, ça restera un coach à part dans l’histoire d’Anderlecht ?

BRUNO : Ce n’était pas le style de la maison, c’est sûr. On a toujours dit qu’à Anderlecht, il fallait du beau football, des joueurs spectaculaires… Mais par rapport à ce qu’il a vu dans le noyau, il a fait ses choix et quand on a vu les résultats, personne ne pouvait rien lui dire.

On arrive à prendre du plaisir en jouant comme ça ?

BRUNO : On peut prendre du plaisir en défendant plus. Si tout le bloc est concerné, qu’on ne concède pas trop d’occasions, qu’on récupère des ballons et qu’on arrive à se projeter, ça peut être bien aussi.

Tu te sens très fort, mais d’une autre manière.

BRUNO : C’est exactement ça.

 » Charleroi, c’est un choix pour me relancer  »

Qu’est-ce qui t’amène à opter pour Charleroi, l’été dernier ?

BRUNO : C’est un choix que j’ai fait pour me relancer, parce qu’avec Vanhaezebrouck j’ai beaucoup moins joué. Au bout d’un moment, il faut enchaîner les matches. Déjà pour te sentir à nouveau comme un joueur de foot, parce que s’entraîner sans jouer, ça devient difficile dans la tête.

Reprendre le rythme après une saison quasiment sans jouer, ça a été difficile ?

BRUNO : C’est bizarre, en fait. Ça peut revenir vite. Quand je suis arrivé, mes trois ou quatre premiers matches, j’ai eu beaucoup d’occasions pour marquer des buts et finalement, je reste à zéro but. Là, ça casse un peu la dynamique. Avec la réussite, si je marque après trois minutes contre Mouscron, ça m’aide à me remettre dans le rythme. Dans ma tête, je m’étais dit que je devais venir ici pour être décisif.

Tu débarques dans un vestiaire plutôt facile à vivre. Peut-être trop ? Les gars qui quittent Charleroi pour franchir un palier, ils ont toujours l’air de galérer pour s’adapter ailleurs…

BRUNO : C’est vrai ça, j’en ai déjà entendu quelques exemples d’ailleurs, mais je ne citerai pas de noms (il rit). Quand on sort de ce vestiaire, c’est compliqué de se remettre dans une structure… (il réfléchit) trop organisée, je dirais. Ici, évidemment il y a une organisation, ce n’est pas la cour de récré, on ne fait pas n’importe quoi. Mais il y a ce lâcher-prise des joueurs et en fin de compte, on s’amuse. Dans le vestiaire déjà, tous les gars sont d’une gentillesse incroyable, mettent de la bonne humeur. Ça m’a plus frappé que dans mes clubs précédents. Il reste un côté club familial.

 » Il faut parfois reculer un peu pour mieux remonter  »

Tu as l’air de t’être adapté assez facilement au jeu de Mazzù, alors que certains nouveaux mettent parfois du temps à assimiler les consignes.

BRUNO : J’ai toujours été un gars qui faisait attention aux consignes du coach. D’autres joueurs sont un peu plus fougueux. Parfois, je fais un truc moins naturel, que je n’aime pas, mais si le coach le veut… Je dois peut-être essayer de trouver le juste milieu parfois, garder cette fougue que j’avais tout en respectant les consignes. C’est vrai qu’ici, c’est un gros boulot défensif, avec un jeu plus axé sur la réaction et les reconversions verticales. C’est différent de mes habitudes, quand j’attendais le ballon sur le flanc pour faire mon action, mais tous les joueurs peuvent s’adapter à n’importe quel système.

Retrouver Massimo Bruno à Charleroi, à 25 ans, c’est quand même le signe que tout ne s’est pas passé comme prévu, non ?

BRUNO : Chaque saison de football amène plein de nouveautés. On peut monter très vite, et redescendre tout aussi vite. Par rapport à ce que j’ai fait ces dernières années, il fallait à un moment reculer un peu pour essayer de remonter, j’en suis conscient. Quand on commence une carrière, on espère tous monter sans arrêt, aller dans les plus grands clubs mais quand ça ne se passe pas comme prévu, il faut relativiser. En commençant par se dire que je reste malgré tout dans un très bon club de D1, que je dois essayer de m’y épanouir pour tenter de remonter. Un joueur ne peut pas se dire qu’il est content d’être où il est et qu’il va y rester. Il reste toujours l’objectif d’aller plus haut, et ça passe peut-être par la case Charleroi.

Massimo Bruno :
Massimo Bruno :  » Même quand je faisais de moins bons matches, Van den Brom gardait confiance en moi. Ça m’a permis, au début, de m’épanouir facilement à Anderlecht. « © belgaimage

Hein et la pubalgie

En début de saison, quand il a connu son premier creux après un départ canon sous les couleurs zébrées, les rumeurs d’une pubalgie récalcitrante ont commencé à filtrer autour de Massimo Bruno. L’ailier a effectivement souffert de ce mal craint par les footballeurs lors de son dernier épisode mauve.

 » Comme c’était pendant l’ère Vanhaezebrouck, on va dire que je n’ai pas dû trop forcer pour jouer (rires). Quand je sentais que j’avais une petite gêne, vu que je savais que je ne jouerais pas le week-end, je ne prenais pas de risque.  »

Après quelques semaines de reprise au Mambour, la douleur a fait son retour :  » Elle est un peu réapparue en début de saison. C’est pour ça que j’ai arrêté directement. Je ne voulais pas prendre de risque. D’une part, parce que c’est une douleur assez gênante, et d’autre part parce que je n’avais pas envie de mettre ma saison en péril. « 

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