» J’ai montré qui j’étais « 

Rencontre avec l’une des belles découvertes de la saison. Il y est question de Zulte Waregem, Chelsea, Dury, d’avenir mais aussi et surtout du  » frérot « .

« Être dans l’ombre « , Thorgan Hazard sait parfaitement de quoi il en retourne. Frère d’une des grandes attractions de la Premier League dont le transfert chez le champion d’Europe en titre, l’été dernier, a tenu en haleine le monde du ballon rond, Thorgan s’est, lui, frayé un chemin bien plus discret quelques semaines plus tard. Arrivé à la mi-août à Zulte Waregem, nombreux sont ceux qui s’étonnèrent d’un tel point de chute. Car malgré son nouveau statut, le Essevee est très loin de faire pleuvoir les paillettes. Le stade arc-en-ciel est plutôt de prime abord austère et l’engouement reste extrêmement prudent. Thorgan ne s’en soucie guère. Il a posé ses bagages en Flandre-Occidentale pour se faire un prénom. Neuf mois plus tard, le pari est réussi. Si Eden flambe régulièrement avec les Blues, le deuxième de la fratrie est un indiscutable de la bande à Francky Dury. Londres d’un côté, Waregem de l’autre. Grosse cylindrée pour l’un, modeste voiture du club pour l’autre, impossible toutefois de trouver une quelconque jalousie dans le discours d’un  » frérot  » de 20 ans à l’avenir très prometteur. Rencontre.

Que savais-tu de Zulte Waregem avant d’y débarquer au milieu de l’été dernier ?

Franchement pas grand-chose. Je voulais du temps de jeu et c’était essentiellement la raison de mon arrivée ici. En signant dans un club belge, je savais que le niveau serait plus ou moins semblable à la division 2 française. Et aujourd’hui, entre jouer l’Europe avec Zulte Waregem ou jouer le milieu de tableau avec Lens, je pense avoir fait le bon choix.

À Lens, ton avenir était bouché ?

Non mais je savais que ça allait être difficile car le club vit des années un peu galères depuis la descente en L2. L’an passé, les jeunes avaient beaucoup de pression sur leurs épaules. Le club, les supporters voulaient que l’on retrouve le L1. Pour faire son trou, c’est évidemment pas le meilleur contexte d’autant que les résultats n’étaient pas bons.

Après avoir vécu cinq ans à Lens et être passé pendant un mois par Chelsea, n’as-tu pas eu le sentiment de débarquer chez un second couteau ?

C’est clair que ce n’est pas comparable en termes d’infrastructures avec ce que j’ai connu. Lens, c’est un autre monde et Chelsea, c’est encore un autre monde.

Tu as été frappé par la vétusté des infrastructures belges ?

Que ce soit les stades, les terrains, c’est vrai que c’est pas le top en Belgique. Mais ça n’a rien de déstabilisant pour autant. L’important, c’était de se faire une place et de jouer.

Quelles sont les différences marquantes entre la D2 française et la D1 belge ?

C’est plus physique en France, les espaces sont plus restreints, et les joueurs plus costauds. Je n’ai connu qu’une saison chez les pros où j’ai finalement reçu pas mal de temps de jeu.

Ta courte expérience à Chelsea, c’était comment ?

J’y suis resté un mois durant lequel je me suis entraîné deux fois avec le noyau A et le reste du temps avec la réserve. Je savais très bien que je n’étais que de passage.

Foot positif

Cette saison avec Zulte Waregem t’inspire quoi ?

D’un point de vue personnel, j’ai montré qui j’étais cette saison. Et puis collectivement, on réalise une saison fantastique. Deuxième à huit matches de la fin, jamais on n’aurait imaginé un tel scénario en début de saison. S’il arrive que ça ne rigole pas toutes les semaines, la volonté de jouer au foot, de jouer vers l’avant, est à chaque fois présente. C’est une philosophie qui me correspond bien. Et l’ambiance a toujours été très bonne. Si le groupe était pourri, je n’aurais pas eu aussi facile à m’intégrer.

Quand prenez-vous conscience que vous allez être coriaces jusqu’au bout ?

Quand tu fais tomber Anderlecht, Genk, tu prends confiance et tu te dis que tu n’es pas là par hasard. Les qualités sont là et on veut faire quelque chose durant cette fin de saison.

Ça veut dire aller jusqu’où ?

Décrocher un ticket européen. Rester deuxième, ça va être compliqué car les grosses écuries vont tout faire pour nous déloger.

Quel élément pourrait vous faire perdre pied ?

Les grosses équipes ont peut-être un noyau plus dense, un club comme le nôtre n’a pas l’habitude de jouer de tels matches chaque semaine. Par contre, d’un point de vue qualitatif, on peut affirmer aujourd’hui qu’on est à notre place.

Quel regard portes-tu sur ton coach, Francky Dury ?

On m’avait dit que c’était un peu gendarme…. Je trouve que ça va. On m’a dit aussi qu’il avait changé. Il arrive à parfaitement gérer les différences tranches d’âge du noyau. ll n’a pas peur, par exemple, de rentrer dans les plus jeunes quand c’est nécessaire.

Comment vois-tu ton futur ?

Je devrai être prêté la saison prochaine. Mais aujourd’hui, je ne sais absolument pas de quoi sera fait mon avenir. J’appartiens à Chelsea et c’est à eux de décider. Sur le terrain, je suis conscient que je dois me montrer plus décisif, marquer plus de buts et donner plus d’assists.

La tête à Leekens

Tu as inscrit 3 buts cette saison dont celui du succès à Bruges (1-2) qui précipita le renvoi de Georges Leekens. As-tu pensé à ton frère sur le coup ?

Non, même si ça a fait sourire pas mal de monde. On sait tous qu’à un moment ça ne se passait pas super pour Eden, qu’il ne s’épanouissait pas véritablement en équipe nationale. Mais je suis incapable de dire si la relation était mauvaise entre eux

Quel type de relation as-tu avec Eden ?

On s’entend très bien mais on ne s’appelle pas non plus tous les jours, peut-être une fois par semaine. J’ai été le voir deux fois en Angleterre depuis que je suis à Zulte Waregem ; face à Manchester City et contre Liverpool. Pendant le mois où j’étais à Londres, il avait été élu trois fois homme du match. Quand je suis parti, il a connu un petit creux, je crois que je lui manquais (il rit). Mais j’essaie de suivre tous ses matches et lui les miens sur internet. Sinon on se tient au courant par texte.

Donc Eden regarde Zulte Waregem de Londres ?

Oui. Il regarde et il supporte Zulte Waregem. Il n’est pas encore venu car il n’a pas le temps avec trois matches par semaine mais ça viendra peut-être….

Que penses-tu de la saison de ton frère ?

Dès les premiers matches, il a mis tout le monde d’accord. Ça ne me surprend pas car c’est pour moi un des meilleurs joueurs du monde. Quand il avait quatorze ans, je savais qu’il allait réussir, il était tellement au-dessus du lot. Et il est tellement cool sur un terrain. C’est la zénitude incarnée. Je suis pas spécialement stressé mais je suis peut-être plus combatif que lui. En même temps, lui n’en a pas besoin : c’est un phénomène.

En parlant de phénomène, tu as aussi côtoyé Raphael Varane (aujourd’hui titulaire à 19 ans au Real Madrid). Est-ce que, en équipes d’âge, tu percevais que tout allait aller très vite pour lui ?

A seulement 17 ans, il dégageait déjà une grande maturité. En CFA, c’était le patron. Et il était rare de le voir faire un mauvais match. Il était à la fois appliqué et propre dans ses relances. Il faisait toujours son match.

Quand je le vois aujourd’hui au Real, je suis super content pour lui. Il a dû beaucoup appendre là-bas. Quand tu t’entraînes avec des Sergio Ramos et autres, tu apprends à vitesse vv’.

Tu es parti effectuer ta formation en France de tes 14 à tes 19 ans. Te sens-tu belge à 100 % ?

Oui. Même chose pour Eden. Même si c’est vrai que j’ai des restes de mon passage en France comme l’accent par exemple. Ce qui est tout à fait normal.

Retourner en France un jour, est-ce un objectif ?

Je ne sais pas car c’est un championnat très fermé. Et passer après Eden, c’est peut-être pas la meilleure chose.

Pourtant en arrivant en Belgique, tu savais que les comparaisons avec ton frère allaient être incessantes ?

Oui mais c’est un championnat qui permet de se montrer, qui donne de plus en plus la chance aux jeunes. Et puis cette médiatisation, la presse, tout ça, fait partie du métier. J’apprends la vie de footballeur.

Les adversaires te chatouillent-ils avec ton frère afin de te sortir du match ?

Non. Je crois que c’est arrivé une fois. A Courtrai, je pense. Mon adversaire m’a dit un truc du genre :-tu ne seras jamais du niveau d’Eden. Franchement, c’est pas ce type de remarque qui risque de me déstabiliser.

Une copine depuis 5 ans

Tu fais également partie de l’équipe nationale belge des Espoirs que l’on dit très talentueuse. As-tu également ce sentiment ?

D’une part, le groupe est talentueux, de l’autre la grande majorité des joueurs de cette sélection comme Paul-José Mpoku, Maxime Lestiennne, Dennis Praet, etc sont titulaires dans leur club respectif. C’est une donne intéressante si on veut faire des résultats.

On a aussi beaucoup parlé de la sanction infligée à Michy Batshuayi et Ibrahima Cissé pour avoir amené des filles au sein de l’hôtel des joueurs. La rumeur prétend que d’autres joueurs auraient été impliqués…

Certainement pas moi. J’ai ma copine depuis cinq ans et je suis bien comme ça.

Une aussi longue relation pour un jeune footballeur, c’est plutôt surprenant.

Oui, on me le dit souvent. Mais quand tu es bien avec quelqu’un, pourquoi changer ?

Est-ce que le fait d’avoir intégré un centre de formation très jeune explique cette précocité ?

Je pense. On apprend beaucoup en termes de maturité dans un centre de formation. Là-bas, tu es éloigné de ta famille et souvent livré à toi-même. Tu grandis dans la vie, peut-être plus vite que les autres…

PAR THOMAS BRICMONT

 » On m’avait dit que Dury était un peu gendarme… Je trouve que ça va.  »

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