» J’AI ÉTÉ VIRÉ PAR ROBERTO CARLOS ! « 

Après une longue période aux Pays-Bas et une saison de galères en Turquie et en Pologne, Arnaud Sutchuin Djoum a retrouvé la joie de jouer à Hearts en Ecosse.

« Je suis arrivé à Bruxelles en provenance du Cameroun à l’âge de 5 ans. Mes parents étaient sportifs, – foot pour mon père et handball pour ma mère -, ils m’ont donc toujours poussé vers le sport. A 9 ans, j’ai été inscrit au SCUP Jette. Après trois saisons là-bas, le RWDM est venu nous chercher, mon petit frère et moi. J’y ai fait toutes mes classes jusqu’à mes débuts en équipe première, en 2006. Albert Cartier était aux commandes à l’époque et c’est le T2 Patrick Wachel qui avait insisté pour que j’intègre le noyau A.

J’ai passé deux saisons au stade Edmond Machtens, jouant quelques matches et marquant mon premier but chez les pros contre Genk mais, par la suite, j’ai eu des soucis avec Johan Vermeersch et je n’ai donc pas prolongé. J’ai alors signé pour un an à Anderlecht où on m’a incorporé au noyau B. L’objectif était d’atteindre les A au bout de cette année ou de tenter ma chance ailleurs.

Au bout de 6 mois, Roda JC m’a sollicité. Comme les dirigeants du RSCA n’étaient pas clairs sur leurs intentions à mon égard, j’ai accepté l’offre des Néerlandais. Seul, ce n’était pas évident, au début, mais ça s’est bien passé, notamment grâce à quelques coéquipiers francophones comme Jeanvion Yulu-Matondo. J’avais en tête de rester là 2-3 saisons mais au final j’y ai passé 5 ans et demi. Je me plaisais dans la ville et c’était tout près de la Belgique : en 1 h 30 j’étais à Bruxelles.

DES PAYS-BAS EN TURQUIE

Le point négatif, ça a été la régularité. J’ai rarement pu enchaîner les matches comme je l’aurais voulu. J’ai évidemment connu des hauts, comme quand on a terminé 6e, mais aussi des bas. Lors de ma dernière saison à Kerkrade, on a terminé dernier et le club est descendu. Mentalement, c’est très difficile, tu essaies de positiver mais rien ne fonctionne, les supporters sont mécontents, etc. J’espère ne plus jamais revivre ça.

Après cette relégation, je suis parti en Turquie, à Akhisarspor. J’avais d’autres possibilités mais j’ai senti qu’ils me voulaient vraiment. Le coach, Mustafa Resit Akcay, m’avait appelé et puis le contrat était intéressant financièrement, je ne vais pas le cacher. J’ai été surpris, dans le bon sens, par la vie en Turquie. Le club était très pro, la ville était sympa, les gens sont dingues de foot et ils étaient adorables avec moi. Et puis il faisait toujours chaud et le niveau turc est très bon. Ma femme et mon fils étaient avec moi là-bas et ils se plaisaient bien aussi.

Sportivement, ça a été plus compliqué. Je jouais régulièrement mais après de bons débuts, on a connu une longue période sans victoire et le coach qui m’avait fait venir a été mis à la porte juste avant la trêve. Les dirigeants ont alors décidé de le remplacer par Roberto Carlos. Quand j’ai appris ça, j’étais évidemment ravi. Je me suis dit qu’il avait été un grand joueur, qui a joué dans les meilleurs clubs, et que j’allais apprendre énormément avec lui, profiter de son expérience. Mes potes, eux, étaient dingues mais, comme moi, ils ont vite déchanté.

A l’époque, une règle stipulait que chaque club turc ne pouvait compter que 8 joueurs étrangers dans son noyau. Nous étions déjà 8 et Roberto Carlos voulait en transférer d’autres. Il ne m’avait quasiment pas vu jouer mais il a décidé que je devais céder ma place à un autre : du jour au lendemain, il fallait que je m’en aille ! Je ne lui en veux pas, c’est son choix mais ça a quand même été difficile à avaler sur le moment.

PLUS QUESTION D’EXOTISME

Le seul club qui est venu aux nouvelles a été le Lech Poznan. Ils étaient en tête du championnat de Pologne, jouaient dans un stade de 40.000 personnes et participaient souvent à l’Europa League. J’ai donc foncé et signé pour six mois.

Avec le recul, c’est étonnant de ma part parce que je suis quelqu’un de plutôt calme et posé : partir à l’aventure en Turquie puis en Pologne, ça ne me ressemble pas mais le football m’a obligé à faire ces choix.

En Pologne, ça ne s’est pas bien passé. Il faisait hyper froid à mon arrivée, et l’équipe était déjà bien en place. J’étais la doublure du numéro 6 et je n’ai joué que quelques matches. On parle souvent du racisme dans ce pays et même s’il est vrai qu’il est présent, je n’y ai pas été confronté directement.

Il faut dire que je ne faisais pas grand-chose en dehors du foot : je restais la plupart du temps chez moi avec ma femme et mon petit garçon.

En fin de saison, d’un commun accord, il a été décidé de ne pas lever l’option dont le club disposait. Je suis donc rentré auprès de ma famille à Bruxelles et j’ai commencé à m’entraîner seul. C’était la première fois que je me trouvais dans cette situation et ce n’est pas évident.

Les clubs n’osaient pas trop me faire confiance : j’avais peu joué en Pologne après 6 mois en Turquie, ça pose question. J’ai eu des propositions en Roumanie et à Chypre mais après l’année que je venais de passer, je ne voulais plus tenter de destinations ‘exotiques’.

RÉSURRECTION EN ÉCOSSE

Finalement, mi-septembre, Hearts s’est manifesté et là je n’ai pas hésité une seconde, j’ai directement signé le contrat de six mois qu’ils me proposaient. C’était une courte durée mais je savais que si on me permettait de jouer je pourrais démontrer mes qualités.

Au final, je suis très content de m’être montré patient : Edimbourg est une super ville et le club est très professionnel, je me sens à l’aise ici. Sur le terrain, ça se passe super bien : on est troisième, je suis titulaire et j’ai déjà marqué 5 buts en jouant milieu défensif.

Le foot est très direct ici par rapport à la Hollande, où ça combine plus. Quand tu as le ballon, les supporters attendent juste que tu essayes d’aller marquer le plus vite possible, ça me convient bien. Les fans sont géniaux d’ailleurs. Notre stade n’a que 17.800 places mais il est toujours très bien rempli.

J’ai invité des amis il n’y a pas longtemps et ils ont adoré l’atmosphère. J’ai été plusieurs fois élu homme du match, au départ, et le coach a donc voulu que je prolonge. Je suis maintenant sous contrat jusqu’en juin 2017, donc ma femme et mon fils m’ont rejoint.

J’espère poursuivre sur ma lancée et, pourquoi pas, viser l’Angleterre à terme. C’est un de mes rêves de jouer là-bas. J’aimerais imiter des gars comme Franck Moussa, Vadis Odjidja ou Toby Alderweireld avec qui j’ai joué en équipe nationale chez les jeunes et qui sont maintenant en Angleterre.

Si j’y arrive peut-être que je pourrais être repris en sélection camerounaise. La concurrence est rude mais pourquoi pas ?  »

PAR JULES MONNIER – PHOTO ISTOCK

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