IL RESTE DE LA PLACE !

Plongée dans l’univers d’un club (pardon, d’un… Cercle) qu’on connaît mal.

Le Cercle ne tourne pas rond pour l’instant. Vouloir résoudre tous les problèmes s’assimile à la quadrature du Cercle. Et lorsqu’on se remémore les exploits de JosipWeber, MortenOlsen ou BennyNielsen, on entre dans le Cercle des Poètes disparus.

Les jeux de mots foisonnent habituellement lorsqu’on aborde le Cercle Bruges. Tout comme les plaisanteries, parfois très éloignées de la réalité. Du style : la différence entre le Club et le Cercle ? Au Club, les supporters connaissent les prénoms de tous les joueurs. Au Cercle, les joueurs connaissent les prénoms de tous les supporters ! Ou encore : 50 bus de supporters ont fait le déplacement, il y avait… deux supporters par bus.

En fait, c’est surtout l’immensité du stade Jan Breydel qui donne l’impression d’un grand vide lors des matches à domicile. Car, en termes d’affluence réelle, le Cercle n’est pas en dessous de clubs comme Mons, Mouscron ou le Brussels. Bien au contraire, même. Sait-on aussi que le Cercle, fondé en 1999, a été champion dès 1911, alors que le Club a dû attendre 1920 pour l’être une première fois et… 1973 pour l’être une deuxième fois ? Mais le dernier titre du Cercle remonte à 1930, ce qui explique sans doute que les Verts soient aujourd’hui moins populaires que les Bleus.

Avant le derby de dimanche prochain, plongée dans l’univers d’un club qu’on connaît mal, en compagnie de son président Frans Schotte et de son supporter n°1, Pol Van Den Driessche.

Les origines

 » Le Cercle est plutôt d’origine bourgeoise alors que le Club est plutôt d’origine populaire « , explique Van Den Driessche.  » Je parle évidemment du début du XXe siècle, mais c’est toujours plus ou moins d’actualité aujourd’hui. Le Cercle a été fondé par des frères du collège Don Bosco, il est donc issu d’un milieu catholique. L’appellation francophone de CercleSportif a été adoptée, mais c’était courant à cette époque où l’on parlait aussi du FC Brugeois et de La Gantoise. Le Club est né dans un athénée. Mais au fil du temps, tout s’est un peu mélangé. Je trouve frappant que l’ancien Premier ministre JeanLucDehaene, supporter n°1 du Club, soit un démocrate chrétien. Ou que l’ancien bourgmestre de Bruges MichelVanMaele, administrateur du Club, soit du CVP « .

Les spectateurs

La moyenne de spectateurs du Cercle est de 6.000 par match, si l’on inclut les confrontations contre le Club où l’on peut espérer entre 15 et 18.000 personnes, et ceux contre Anderlecht, le Standard et La Gantoise qui attirent aussi beaucoup de monde. C’est loin d’être la moyenne la plus basse de la D1.  » Nos supporters sont fidèles « , constate Schotte.  » Ils nous ont même suivis en D2, et depuis la montée, leur nombre ne cesse d’augmenter. On a de la chance : il reste de la place dans le stade pour les accueillir ! ( Il rit). Il y a trois ans, la moyenne dépassait à peine les 4.000. La saison dernière, elle se situait juste sous la barre des 6.000, qui a été franchie cette saison. C’est un exploit, surtout si l’on songe que la Flandre-Occidentale compte beaucoup de clubs : Roulers et Zulte Waregem sont désormais en D1, Ostende et Courtrai sont en D2. La Gantoise et Mouscron sont situés dans d’autres provinces, mais toujours dans un rayon de 50 kilomètres. Il faut se battre pour ne pas se faire manger « .

Les supporters

Le Cercle compte 24 clubs de supporters.  » Ils sont, pour la plupart, regroupés dans la ville de Bruges « , précise le président.  » Le club de supporters le plus éloigné se situe à la côte, soit à 25 kilomètres de la Venise du Nord. Au contraire, le Club recrute ses supporters jusqu’à Louvain. On en trouve même en Wallonie. 40 % des supporters du Club proviennent de Flandre-Orientale, alors que la ville de Bruges se situe en Flandre-Occidentale « .

 » En 2003, lorsque le Cercle fut champion de D2 et le Club champion de D1, il y avait autant de supporters du Cercle que de supporters du Club qui célébraient l’événement sur la Grand-Place de Bruges « , se souvient Van Den Driessche.  » Parfois, on reçoit des e-mails de Brugeois qui ont émigré aux Etats-Unis et qui nous encouragent depuis le Nouveau Monde, mais ce ne sont évidemment pas eux qui rempliront le stade « .

 » D’une manière générale, les supporters du Cercle hésitent à se déplacer au stade « , regrette Schotte.  » Même s’ils habitent à Bruges, ils restent chez eux à écouter la radio, et parfois, ils reçoivent des SMS de voisins qui sont au match et qui les tiennent informés de l’évolution du score « .

Convivialité et sécurité

 » Evidemment, c’est plus facile d’être supporter du Club car on peut célébrer plus de victoires « , constate Van Den Driessche.  » Mais je trouve que c’est aussi un beau challenge d’essayer chaque année de rester en D1 avec des petits moyens. L’ underdog recueille toujours une certaine sympathie. Les supporters du Cercle sont de bons supporters. Ce n’est pas toujours le cas ailleurs. Cela m’a choqué, lorsqu’on est allé jouer au Parc Astrid, d’entendre les supporters mauves siffler leur équipe après un quart d’heure de jeu, parce que le jeu pratiqué n’était pas à leur goût. Apparemment, ils ne comprennent pas que les footballeurs sont d’abord des êtres humains et pas des robots : ils ne peuvent pas briller sur commande. Au Cercle, siffler n’est pas le style de la maison. Il y a une ambiance très chaleureuse au stade Jan Breydel lorsque le Cercle joue. On ne trouve aucune trace de hooliganisme, on peut se rendre au stade avec ses enfants et on ne risque pas de retrouver sa voiture avec une vitre brisée. Je trouve cela important. J’ai horreur d’aller au stade au milieu des chevaux de la police fédérale, comme c’est le cas lors des matches à risques « .

 » Lorsque le Cercle joue à domicile, il y a… neuf policiers mobilisés « , relève Schotte.  » Dont quatre chargés de régler la circulation ! Lorsque le Club joue, il y en a 80 ou 100 « .

 » En fait, on a un seul hooligan répertorié « , conclut Van Den Driessche.  » Je ne sais pas ce qu’il a fait, peut-être a-t-il simplement baissé son pantalon en public, mais c’est le seul. On n’a jamais déploré le moindre incident. N’est-ce pas merveilleux ? Les supporters du Cercle ont l’équipe dans leur c£ur. Ils souffrent lorsqu’elle est battue. Au Club, ce sont des fanatiques, mais lorsque leur équipe perd ou joue mal, c’est plus de la colère ou de la frustration que de la tristesse qu’ils ressentent « .

Les finances

Le budget du club est de 4,5 millions d’euros.  » C’est l’un des plus bas de la D1 « , reconnaît Schotte.  » En revanche, on est l’un des clubs les plus sains de Belgique. Aucun joueur n’a jamais été payé avec ne fût-ce qu’un jour de retard. Et on n’a jamais rencontré le moindre problème pour l’obtention de la licence. Pas même une petite remarque. On s’en tient strictement aux limites du budget, on ne se permet jamais la moindre folie. Et puis, on n’a que trois salariés. On compte beaucoup sur le bénévolat « .

Jadis, le Cercle renflouait ses caisses en vendant ses meilleurs joueurs au prix fort, alors qu’il les avait dénichés pour deux francs cinquante. Depuis l’arrêt Bosman, cette politique a dû être modifiée.  » Comme dans beaucoup de clubs, 30 % du budget est fourni par les droits TV. Un autre tiers provient du sponsoring et le dernier tiers provient des recettes aux guichets. Avec cela, le budget est bouclé « .

Les jeunes

Le Cercle a toujours accordé beaucoup d’importance à ses jeunes. Sur les 24 joueurs du noyau, neuf ont été formés dans le sérail. Leurs noms ? DenisViane, FrederikBoi, StijnDeSmet, YannickEuvrard, MatthiasFeys, BramVandenbussche, EwoutDenys et le deuxième gardien RubinDantschotter.  » Samedi passé, lors du déplacement à Westerlo, un gamin de 18 ans a encore été intégré au noyau : DieterWittesaele « , se réjouit Van Den Driessche.  » Les jeunes savent que, lorsqu’ils s’affilient au Cercle, ils ont de belles chances de percer, alors que c’est sans doute moins facile au Club « .

Deux attaquants de l’équipe nationale Espoirs, qualifiée pour le Championnat d’Europe de la catégorie, appartiennent d’ailleurs au Cercle : De Smet et TomDeSutter.  » De Smet est un produit du Cercle, mais De Sutter est un produit du… Club « , précise Schotte.  » Il avait été prêté à Torhout, puis nous a rejoints l’été passé. GuntherVanaudenaerde, c’est l’inverse : il a débuté au Cercle, puis est passé au Club… avant qu’ EmilioFerrera le relègue dans le noyau B et qu’il n’émigre au NEC Nimègue. Avant de partir pour les Pays-Bas, il avait d’ailleurs longuement hésité : un retour au Cercle ne lui aurait pas déplu. ThomasBuffel a, lui aussi, joué au Cercle avant de partir à Feyenoord. D’ailleurs, ses parents assistent encore régulièrement aux matches. Lui-même vient de temps en temps se retremper dans l’ambiance lorsqu’il rentre en Belgique « .

Rôle social

 » On est plus qu’un simple club de football « , ajoute Schotte.  » On veut jouer un rôle social et on accorde beaucoup d’importance au respect. Aujourd’hui, chaque joueur qui signe un contrat chez nous doit accepter de s’engager, à raison de deux heures par semaine, dans un projet social. C’est le premier club en Belgique qui a inclus cette obligation dans les contrats. Pour des enfants défavorisés, ou pour des institutions qui luttent contre la toxicomanie, c’est tout un événement de recevoir la visite de DarkoPivaljevic ou de De Smet « .

Le stade

 » Le stade Jan Breydel, il faut l’avouer, est beaucoup trop grand pour nous « , reconnaît Schotte.  » Pour le Club, il a tendance à devenir trop petit. Il veut émigrer vers un autre stade, en périphérie, à Loppem « .

 » Je lui souhaite bonne chance ! « , ajoute Van Den Driessche.  » Je ne sais pas s’il le remplira à chaque match. Lorsque La Gantoise disposera de son nouveau stade, je pense que beaucoup de supporters de Flandre-Orientale choisiront d’aller encourager les Buffalos plutôt que le Club. Gand compte 280.000 habitants, alors que Bruges n’en compte que 120.000 « .

Le Cercle, lui, restera encore au moins six ans au stade Jan Breydel : un contrat de location a été signé avec la Ville. Et après ?  » On verra « , rétorque Van Den Driessche.  » Comme le dit Jean-Luc Dehaene : – Lorsqu’il yauraunproblème, onchercheraunesolution !  »

La rivalité

Actuellement, le Cercle et le Club se partagent le même stade. Comme l’AC et l’Inter à Milan ou l’AS et la Lazio à Rome.  » Les relations entre les deux formations sont très bonnes « , affirme Schotte.  » Même si… on ne se voit pas souvent. En fait, on vit en paix entre voisins, et on se respecte « .

 » Il y a, bien sûr, une certaine rivalité « , ajoute Van Den Driessche.  » Elle atteint son paroxysme lorsque le derby approche, comme maintenant. Mais on ne ressent pas une atmosphère de haine, comme à Malines, entre le KV et le Racing. Ou comme à Anvers, entre le Germinal Beerschot et l’Antwerp. Il n’y a jamais eu un incident lors du derby. On se provoque un peu verbalement, mais on n’en vient jamais aux mains « .

Les plaisanteries

 » On en rigole nous-même « , affirme Van Den Driessche.  » D’abord, parce qu’elles ne sont jamais bien méchantes. C’est vrai qu’on n’est pas nombreux, lorsqu’on joue à domicile. D’ailleurs, si vous voulez le constater de visu, vous êtes toujours le bienvenu : on trouvera bien un siège libre pour vous ! ( Ilrit) Le problème, c’est que lorsqu’on renvoie les plaisanteries, les autres rigolent moins. Tenez : le Club envisage d’emménager dans un nouveau stade, à Loppem. Devra-t-il alors changer de nom et s’appeler FC Loppem ? Lorsqu’on leur dit cela aux supporters du Club, ils ne rigolent pas ! « .

Igor Lolo

Ce sujet-là fait moins rire au Cercle. IgorLolo, le joueur du Germinal Beerschot, a donné un coup de poing à un joueur du Cercle. Un mauvais geste qui a échappé au regard de l’arbitre, mais pas à celui des caméras de télévision. Le Cercle a porté plainte et veut faire rejouer le match.  » Je trouve que ce geste était scandaleux « , clame Schotte.  » La fédération nous donnera raison ou pas, et je n’en veux pas du tout à l’arbitre car il n’a que deux yeux, mais chaque match de D1 est suivi par huit caméras de BelgacomTV et je ne comprendrais pas que l’on ne puisse pas s’appuyer sur ces images pour infliger une sanction au joueur. J’estime que la direction anversoise devrait intervenir également. JohanVermeersch a suspendu préventivement SydneyKargbo pour un tacle très agressif lors du match de Coupe de Belgique entre Courtrai et le FC Brussels. Ce tacle était totalement répréhensible, mais il avait été exécuté dans le feu de l’action, d’une manière un peu trop impétueuse. Le coup de poing d’Igor Lolo est, selon moi, beaucoup plus grave. C’était un geste volontaire, prémédité et exécuté… sans gants ! Je ne comprends pas que les dirigeants du Germinal Beerschot puissent fermer les yeux. Si l’on veut sanctionner les supporters qui se rendent coupables de comportements racistes, il faut aussi sanctionner les joueurs qui se rendent coupables de comportements aussi scandaleux que celui-là « .

Blackburn

 » Cette collaboration n’a pas encore rapporté autant que j’en espérais « , reconnaît Schotte.  » Malgré tout, trois de nos jeunes joueurs de 17 ans sont partis en stage en Angleterre pendant trois semaines, durant l’été. L’un d’eux est toujours là-bas et devrait nous revenir en juin 2007. De Smet a été invité à passer un test de quelques jours à Blackburn pendant la trêve hivernale, mais il s’est blessé à Anderlecht et devra décliner l’invitation. Ce n’est pas passé inaperçu aux yeux des Anglais qu’il avait été l’un des meilleurs Espoirs face à la Bulgarie. Mais je trouve caractéristique que Stijn ait déjà annoncé qu’il préférait rester une année supplémentaire au Cercle. D’abord, il se sent chez lui, et ensuite, il sait qu’il jouera « .

DANIEL DEVOS

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