» Il joue uniquement à l’instinct « 

Si Julien Gorius fut le transfert le plus retentissant de Genk cet été, c’est surtout son compatriote venu de Courtrai qui fait parler de lui. Mario Been et l’entraîneur des attaquants, Hans Visser, nous parlent de leur pur-sang français.

Buteur face au Lierse, à Anderlecht et aux Kazakhs d’Aktobe, Steeven Joseph-Monrose n’a pas manqué ses débuts à Genk. Sera-t-il le nouveau fer de lance du club limbourgeois ?

Un enfant de la cité

Steeven Joseph-Monrose a grandi à Bondy (50.000 habitants), dans la banlieue parisienne. À l’âge de 13 ans, il effectue un test à l’INF de Clairefontaine, où il souhaite rester car c’est plus près de chez lui. Mais son père préfère l’envoyer à Lens.

 » J’y suis parti avec des pieds de plomb « , dit Steeven.  » Mais mon père avait raison. Aujourd’hui, quand je rentre à la maison, je m’aperçois combien ma vie est différente de celle de mes amis de la cité. « 

A Lens, il est formé à La Gaillette, le centre dont sont issus Raphaël Varane (Real Madrid), Serge Aurier (Toulouse), Darnel Situ (Swansea) et Thorgan Hazard (prêté par Chelsea à Zulte Waregem). En 2007, il y décroche le trophée Eric Sikora, décerné au joueur le plus méritant. Et un an plus tard, il signe son premier contrat pro. Mais en trois saisons, il ne montera au jeu qu’à quelques reprises et sera prêté à Châteauroux. Depuis plusieurs années, Courtrai effectue un travail de scouting intensif dans le nord de la France. Le contact avec le joueur est noué mais après le tournoi international de Toulon, dont il atteint la finale et termine meilleur buteur, Lens ne veut plus le lâcher tandis que des clubs anglais et allemands s’intéressent soudain à lui. Lens accepte finalement de le céder aux Flandriens, exigeant au passage un solide pourcentage à la revente. Hein Vanhaezebrouck estime toutefois qu’il ne faut pas se montrer trop optimiste avec ce joueur qui n’a que peu d’expérience du haut niveau.

Au cours des six premiers mois, Joseph-Monrose doit donc s’adapter, perdre du poids et essayer de comprendre l’aspect tactique. Mais après la trêve, il reçoit de plus en plus souvent sa chance et livre quelques bons matches, comme à La Gantoise, dans les play-offs. C’est suffisant pour convaincre Genk qui, avec l’aide de Mogi Bayat, réalise le transfert.

Un diamant brut

Hans Visser, qui s’occupe des attaquants de Genk et dont le travail avec Ogunjimi et Benteke a été très apprécié, estime que le Français est un diamant brut qu’il faut polir.  » Il a beaucoup de qualités : il est rapide, possède une bonne technique, marque facilement et conserve bien le ballon. En plus, il joue des deux pieds et peut donc déborder ou rentrer dans le jeu et frapper. Sur le plan tactique, il a encore beaucoup à apprendre car, jusqu’ici, il joue tout à l’instinct. C’est un atout car cela veut dire qu’il est créatif mais il faut trouver le juste milieu. Au début, il jouait trop haut, pratiquement à la hauteur des deux attaquants. Cela facilitait le travail de l’arrière droit d’en face. Nous lui avons appris à décrocher afin d’avoir plus d’espaces entre les lignes. Nous lui demandons aussi de jouer davantage sur sa vitesse en zone de vérité, de ne pas décrocher pour demander le ballon. Mettre un joueur dans le vent à la ligne médiane, c’est beau mais qu’est-ce que ça rapporte ? Il doit faire le même type d’action plus près du but, là où c’est dangereux.  »

Peut-il devenir un grand joueur ?  » Pourquoi pas ? « , demande Visser.  » On a bien vu avec Benteke que les choses peuvent beaucoup changer en un an.  » A Courtrai, Joseph-Monrose n’avait pas toujours donné une très bonne image de lui-même. Le système de rotation mis en place par Vanhaezebrouck, surtout, lui déplaisait. Et lorsqu’il voyait qu’il ne serait pas titulaire, il réagissait parfois de manière explosive. Comme après la finale de la Coupe, où il n’a pas quitté le banc. Une frustration énorme car toute sa famille et ses amis étaient venus de France. Lorsqu’il a marqué au Parc Astrid la semaine suivante, il a célébré son but en visant clairement la direction et le coach.  » Nous avons eu vent de cela mais jusqu’à présent, nous n’avons rien à lui reprocher d’un point de vue comportemental « , dit Visser.  » Pourtant, il n’a pas tout joué chez nous non plus. Nous lui avons dit clairement dès le départ qu’il ne serait pas toujours titulaire, notamment en raison de petits problèmes physiques. Et il l’a très bien accepté. « 

Un danger constant

Mario Been, le coach de Genk, est tombé sous le charme de Joseph-Monrose la saison dernière.  » A Courtrai, même s’il ne jouait pas tout le temps, il était au-dessus du lot « , dit-il.  » Il représentait un danger constant et il pouvait jouer à plusieurs places. Il est encore jeune. Il cadrait donc parfaitement avec la politique de Genk et figurait en tête de notre liste. Il a de la vitesse et de la profondeur. Maintenant, nous travaillons sa première touche de balle car c’est cela qui va lui permettre d’aller encore plus vite vers le but. Nous lui demandons aussi de jouer le plus simplement possible, de ne pas trop porter le ballon, de faire très vite des choix et d’aller dans les espaces. Il doit encore mieux profiter de son accélération. Il a encore trop de temps morts dans un match. En étant plus fonctionnel et en restant concentré pendant 90 minutes, il peut résoudre ce problème mais cela devrait venir avec l’expérience. A Lucerne, il n’a pas été bon mais il a bossé pour l’équipe et c’est le plus important pour moi. Nous tentons de le faire progresser à tous les niveaux mais, vu le nombre de matches et de blessés, ce n’est pas évident. Nous devons aussi le ménager. Après le match contre Anderlecht, il avait l’épaule déboîtée et souffrait du mollet. Il aurait dû se reposer mais il était sélectionné en équipe de France Espoirs. Il aurait mieux fait de s’abstenir mais vu qu’on ne voyait rien à l’échographie, il était difficile de le retenir.  »

Selon Been, Joseph-Monrose s’est déjà très bien adapté à la vie à Genk.  » C’est un garçon timide qui ne danse pas sur les tables. De plus, il ne parle ni anglais, ni néerlandais. C’est Kalidou Koulibaly qui lui sert d’interprète. Malgré cela, je constate qu’il est bien intégré au groupe.  » Le bilan provisoire est donc positif.  » On ne peut pas dire qu’il nous surprend car c’est pour cela que nous l’avons engagé. Quand on a du talent, on s’adapte toujours à un grand club. BenjiDe Ceulaer a marqué contre Anderlecht alors qu’il était ici depuis moins de 48 heures. Joseph-Monrose n’a pas manqué son départ. Il peut encore progresser dans tous les domaines mais il a envie d’apprendre et Genk ne doit pas être son dernier club. Au vu de ce qu’il a démontré jusqu’ici, je suis très heureux sur toute la ligne.  »

Le Français, qui prend Thierry Henry pour exemple, sera-t-il le remplaçant de Benteke en pointe ou retournera-t-il sur le flanc gauche dès que Jelle Vossen reviendra ?  » Le plus important, c’est qu’il puisse jouer aux deux places « , affirme Been.  » Actuellement, je le vois plutôt jouer à gauche mais je pourrais faire appel à lui devant dans certaines situations. En tout cas, il ne peut pas jouer comme deuxième attaquant car là, sa vitesse ne lui sert pas à grand-chose.  »

PAR JENS D’HONDT – PHOTO: IMAGEGLOBE

 » Il ne peut pas jouer comme deuxième attaquant car là, sa vitesse ne lui sert pas à grand-chose.  » (Mario Been)

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