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 » Il faut de la pa tience en fo otball « 

Il n’a jamais vraiment quitté sa ville ces deux dernières décennies mais maintenant, il y joue et c’est nouveau. Vadis Odjidja parle des ambitions de Gand et revient sur ses choix, pas toujours bons.

L’été a été placé sous le signe des retours : Dieumerci Mbokani a trouvé refuge à l’Antwerp, Maxime Lestienne à Liège, Anderlecht a transféré le Liégeois Zakaria Bakkali et Gand a confié les clefs de son entrejeu à Vadis Odjidja (29 ans). En 2014 alors qu’il était actif au Club Bruges, celui-ci, qui a joué en équipes d’âge de Gand de 1994 à 1999, s’est expatrié une seconde fois, à Norwich – après un premier passage à Hambourg -. Quatre ans plus tard, le revoilà, sans avoir obtenu ce qu’il voulait de l’Europe.

Son premier mois a été mitigé, à cause de blessures musculaires. Un but, deux cartes jaunes, une élimination européenne. Le médian n’est pas passé inaperçu mais c’est normal, compte tenu de son talent, même si son long séjour en équipe B de l’Olympiacos a entamé sa condition physique.

Comment te sens-tu ?

VADIS ODJIDJA : Bien ; je suis content d’être de retour, dans ma ville, dans un bon club, structuré, ambitieux, doté d’une vision.

Et tu as le bon âge : tu es encore loin de la retraite.

ODJIDJA : Je vis mes meilleures années. Je sais ce dont je suis capable, ce que je dois faire ou pas. Je suis plus stable.

La paternité y est-elle pour quelque chose ou est-ce simplement une question d’âge ?

ODJIDJA : C’est l’âge mais il a joué dans ma décision d’être père, bientôt pour la deuxième fois. Ça change mes priorités, ça me donne des responsabilités.

 » Il est temps qu’il quitte la Grèce « , a déclaré ton agent pendant la Coupe du monde.

ODJIDJA : Oui… J’ai eu des problèmes. Mais que puis-je en dire ? En l’espace de quelques mois, je suis passé du statut de meilleur joueur à celui de rebut. Ça arrive dans ce genre de pays. Un moment donné, tout est de ta faute, apparemment. Mais je connais la vérité.

Raconte-nous.

ODJIDJA : Je n’en ai pas envie car ça va entraîner des réactions sans fin. Puisque je n’ai rien de positif à dire, je préfère me taire. Si ce n’est que je ne m’y suis jamais senti bien, même au début, quand tout allait bien. Et une fois que l’aspect sportif a dégénéré, ça n’a fait qu’empirer.

Pourtant, la mer, les îles grecques… À première vue, ça n’est pas mal.

ODJIDJA : Pour ceux qui veulent se dorer la pilule mais ce n’est vraiment pas mon truc. Bon, j’avais décidé d’aller là-bas et j’ai donc fait de mon mieux, par sentiment de devoir. Quand l’équipe a moins bien tourné, j’ai sans doute focalisé l’attention et même si je faisais de mon mieux, ça ne suffisait pas, visiblement.

 » Il était difficile de se distinguer à Norwich  »

Au printemps 2014, tu étais bourré d’ambition. Que s’est-il passé pour que tu reviennes en Belgique ?

ODJIDJA : Il faut un brin de chance : arriver au bon endroit au bon moment. Ça n’a pas été mon cas. Si j’avais eu plus de chance en Angleterre, à Norwich City, j’y aurais joué davantage. Les premiers matches ont été bons. Après une semaine, j’ai reçu ma chance pendant quinze minutes, puis une demi-heure. L’entraîneur était si satisfait qu’il m’a titularisé la semaine suivante mais je me suis alors blessé. Je pensais être indisponible deux semaines, je le suis resté trois mois. L’entraîneur a été limogé pendant ma convalescence.

Son successeur a amené d’autres joueurs. J’ai dû me remettre en évidence. Je me suis longtemps battu pour recevoir une nouvelle chance. Je peux même dire que quelque part, j’ai sauvé la peau de cet entraîneur, à un moment où ça allait vraiment mal, mais j’ai été le premier sacrifié quand l’équipe a de nouveau été battue. L’entraîneur s’est rabattu sur les joueurs qu’il avait amenés. Ces détails peuvent entraîner de grands changements… Une location le dernier jour de la période des transferts, qu’on ne peut pas refuser parce que sinon, l’entraîneur dira que tu ne l’écoutes pas.

J’ai bien joué à Rotherham United mais quand je suis revenu, Norwich n’avait pas changé. Si je ne m’étais pas blessé, j’aurais été lancé et la saison aurait pris une tout autre forme. Mais de toute façon, il était difficile de se distinguer à Norwich, en Premier League. Cette équipe se contente de défendre face aux meilleures formations. Conclusion : en soi, je peux être content de ce que j’ai fait mais encore faut-il que l’entraîneur croie en toi.

Ton corps t’a-t-il abandonné dans tous les moments cruciaux de ta carrière ?

ODJIDJA : Non. La plupart de mes blessures étaient spéciales. Ces deux dernières années, j’ai eu des blessures musculaires mais pas avant. Une fracture de stress ou d’un os du pied, une atteinte au cartilage du genou… On ne peut pas faire grand-chose pour l’éviter. Avoir plus de chance ou se soigner mieux, je ne sais pas.

 » J’en fais plus maintenant qu’à 22 ou 23 ans  »

Tu as négligé cet aspect ?

ODJIDJA : J’en fais plus maintenant qu’à 22 ou 23 ans. À cet âge-là, je pensais que tout s’arrangerait sans effort. Comme je n’avais pas de blessures musculaires, je ne me disais pas que j’aurais dû aller au lit plus tôt…

Tu regrettes certains choix ?

ODJIDJA : Après coup, je réalise qu’ils n’ont pas été tous bons mais sur le moment même, je ne les ai pas regrettés. Je ne connaissais pas toujours toute la vérité non plus. Sinon, j’aurais sans doute opéré d’autres choix.

Desquels parles-tu ?

ODJIDJA : Quand j’étais à Anderlecht, en jeunes, et que je suis allé à Hambourg et sans doute mon dernier choix, la Grèce, mais Besnik Hasi y travaillait, il m’avait aidé à rejoindre le Legia Varsovie, où tout s’était bien déroulé. J’y suis toujours apprécié. J’allais partir pour la Russie mais le transfert a capoté et j’ai mis le cap sur la Grèce. Je n’imaginais pas y vivre pareil scénario.

Ton caractère t’a-t-il parfois joué des tours, par exemple dans tes relations avec les entraîneurs ?

ODJIDJA : Je ne pense pas. Je suis assez direct, je dis ce que je pense. Ça ne plaît peut-être pas à tout le monde mais je pense que c’est la meilleure solution. Si je ne t’apprécie pas, je te le dirai franchement. À l’inverse, quand j’aime quelqu’un, je fais beaucoup pour lui. Je n’ai pas eu tellement de problèmes avec mes entraîneurs. En revanche, plus jeune, je n’ai sans doute pas toujours bien résolu les problèmes qui se posaient à cause de ma franchise mais quand je repense à mes coaches – et j’en ai eu beaucoup -, je ne me souviens pas de nombreux soucis.

 » Je peux être grognon quand ça ne marche pas  »

Tu as partagé le vestiaire d’Yves Vanderhaeghe. Cela a-t-il joué un rôle dans ton choix pour Gand, cet été ?

ODJIDJA : Non. Il est agréable de retrouver quelqu’un qu’on connaît et on m’a dit qu’il me voulait mais au fond, peu importe qui entraîne. Je sais ce que je dois faire pour être en forme et obtenir le meilleur de moi-même.

Revenir en Belgique n’est pas évident car on te suit à la loupe.

ODJIDJA : Oui mais ça sort du contexte du football, ce qui ne m’intéresse pas. C’était plus difficile avant car je voulais savoir ce qu’on pensait de moi mais maintenant…

Tu manquais d’assurance ?

ODJIDJA : Non mais parfois, on publie des choses erronés. L’entraîneur donne des consignes à ses joueurs et à ses yeux, je peux avoir disputé le match parfait. Puis j’entends le contraire à la télévision et les gens en discutent tous ensemble. C’est parfois pénible pour les jeunes joueurs. J’ai bon caractère mais comme tout le monde, j’ai des mauvais côtés. Je peux être grognon quand ça ne marche pas comme je le voudrais et alors, il vaut mieux me laisser tranquille. Sinon, je mords.

C’est lié au quartier difficile dans lequel tu as grandi ?

ODJIDJA : Peut-être. J’étais le plus jeune, je devais me profiler, me défendre. Mais globalement, je suis relax, j’aime rire et m’amuser.

Tu es un leader sur le terrain mais moins en dehors.

ODJIDJA : Je suis un leader sportif, j’aide les autres, j’assume mes responsabilités, mais dans le vestiaire, je ne dis pas grand-chose. D’autres doivent prendre la relève.

 » Je ne suis pas partisan du VAR  »

En principe, tu dois diriger l’équipe.

ODJIDJA : L’entraîneur ne me l’a pas dit mais c’est dans ma nature. J’essaie de faire tourner l’équipe et de prendre l’entrejeu en mains, avec Birger. Nous voulons déterminer le cours du match. Ça ne nous réussit pas encore toujours.

Comment vous répartissez-vous le travail ?

ODJIDJA : En fonction de l’adversaire. S’il est plus fort, nous serons plus défensifs tous les deux. Sinon, j’aime monter. Mais si un autre joueur est encore plus offensif, je dois tenir ma position. Ça varie de match en match. Nous avons des médians très différents, ce qui permet de varier les options.

Tu as connu Birger Verstraete à Bruges, qui le trouvait trop léger.

ODJIDJA : Une carrière peut être capricieuse. Je n’imaginais pas non plus qu’Yves deviendrait mon entraîneur. Ou Besnik.

Que penses-tu du niveau ?

ODJIDJA : C’est trop tôt pour en juger, je viens de revenir. Les grandes équipes n’ont pas changé si ce n’est que Genk est plus fort. Le physique est excellent et on joue bien. Reste le VAR…

Il a un impact sur le comportement des joueurs ?

ODJIDJA : C’est aussi trop tôt pour le dire. Peut-être à terme… Tout ce que je puis dire, c’est que je n’en suis pas partisan. Soyons francs, le deuxième penalty que nous avons reçu dans le dernier match… La faute s’est produite avant le rectangle mais l’arbitre a sifflé penalty sous le regard placide du VAR…

 » Bordeaux me laisse des regrets  »

Ce ne sera jamais correct à 100 % mais il vaut quand même mieux diminuer la marge d’erreurs, non ?

ODJIDJA : Je me suis déjà énervé face à des décisions fautives mais c’est inhérent au football. Parfois, c’est à ton avantage, d’autres fois pas, mais on retient évidemment ce qui joue contre soi. Le VAR ne prend pas toujours les bonnes décisions alors pourquoi le conserver ? C’est mieux sans, selon moi.

L’élimination européenne était-elle logique, compte tenu du tirage, qui vous opposait à un club de Ligue 1 ?

ODJIDJA : Beaucoup de gens la trouvent normale contre Bordeaux mais si on analyse les deux matches, on peut dire que nous n’avons pas signé notre meilleure performance là-bas mais que nous devions gagner 2 ou 3-0 à domicile… En Coupe d’Europe, il suffit d’être mauvais dans un des deux matches pour être éliminé.

Du coup, l’automne va être paisible. L’année passée, c’est pendant cette saison que le Club a posé les jalons de son titre…

ODJIDJA : Si on pouvait être sûr que ça nous rapporte le titre, nous serions tous contents mais cette élimination est quand même amère. Parce que l’Europe était importante pour cette jeune équipe. On peut s’entraîner tant qu’on veut, c’est en match qu’on apprend le plus. Et ces rencontres sont plus amusantes et instructives que les matches de championnat.

Le Club Bruges se déplace à Gand dans dix jours. Peu de footballeurs se sont produits pour Anderlecht, le Club et Gand. Tu peux les citer ?

ODJIDJA : Jbari. Quand j’étais en équipes d’âge, j’assistais aux matches de l’équipe fanion le week-end et il cassait la baraque. Degryse aussi mais en fin de carrière non ? Stoica a aussi joué ici, deux saisons même, mais aussi avec des hauts et des bas. Et Vandereycken ? Mais c’était avant mon époque.

 » À Gand, je reviens chez moi  »

Ces clubs sont-ils comparables ou ont-ils une autre culture ?

ODJIDJA : Anderlecht avait l’habitude de gagner, y compris en jeunes. C’était dans son ADN. Quand j’étais à Bruges, j’avais souvent le sentiment que nous regardions ce qui se passait à Bruxelles alors que maintenant, j’ai le sentiment que le Club suit sa propre voie et que ce sont les autres qui le regardent. Évidemment, il se trouvait dans une période de transition. Changement de direction, changements d’entraîneurs…

Après Hambourg, tu as décidé de revenir à Bruges dans ce que tu prenais pour un grand club. Tu t’attendais à davantage de stabilité ?

ODJIDJA : Oui mais à cette époque, je n’avais pas beaucoup joué au plus haut niveau. Tout au plus quelques matches avec Anderlecht et Hambourg mais sans jamais être véritablement titulaire. J’étais heureux de signer au Club et je ne m’occupais pas d’aspects comme la stabilité. Ce n’est que dans un second temps que j’ai remarqué cette agitation, ces changements constants d’entraîneurs… Un nouveau tous les 18 mois, six ou sept au total. Ce fut une période pénible.

Quel sentiment as-tu à Gand ?

ODJIDJA : Je n’y suis que depuis un mois et demi mais tout est bien organisé, structuré. Les conditions de travail sont bonnes, c’est agréable pour tout le monde. J’habite toujours à Gentbrugge mais je vais bientôt déménager dans la périphérie de Gand, loin de toute agitation.

Et te rendre à l’entraînement à vélo.

ODJIDJA : Ce n’est pas mon truc. Je ne suis pas cycliste. Ou alors je devrais acheter un vélo électrique… Mais je reviens chez moi. Je retrouve des connaissances. Je me suis rapproché de ma famille, de mes amis, qui sont supporters des Buffalos et qui sont heureux que j’en porte le maillot. Je revois des anciens coéquipiers…. Tout est plus facile. Mon père ne rajeunit pas, je suis content de le voir plus souvent. Mes belles-soeurs sont heureuses aussi. Quand on communiquait via Skype, elles me disaient souvent que je leur manquais. Leur grand frère est maintenant plus proche et il leur fait des cadeaux…. L’une d’elles est la marraine de ma fille et elle est heureuse de pouvoir jouer avec elle.

 » En foot, on ne sait jamais  »

Cet éloignement est-il le principal inconvénient d’une carrière à l’étranger ?

ODJIDJA : Oui. On rate les anniversaires, les fêtes, la Noël, le Nouvel-An…

Ton retour est-il définitif ou tu penses que peut-être, un jour… Que c’est au troisième coup qu’on reconnaît les maîtres ?

ODJIDJA : On ne sait jamais. Je suis très heureux d’être revenu au club où tout a commencé. Je veux l’aider car il m’a lui-même aidé quand j’étais empêtré en Grèce. Mais en football, on ne sait jamais. On peut faire tous les projets qu’on veut, les transferts dépendent souvent de détails plus que de soi-même. Je me contente de faire de mon mieux. On verra bien ce qu’il en ressort.

Gand est très ambitieux.

ODJIDJA : Je suis Gantois, hein. Je le suis aussi. Nous allons essayer de terminer le plus haut possible. Pour commencer, nous devons jouer les play-offs 1. Ils peuvent aboutir au meilleur comme au pire.

Tu es partisan de cette formule ?

ODJIDJA : Non. Ils n’ont pas la qualité qu’ils devaient avoir. Tout le monde parle de dix finales mais toutes les équipes ont surtout peur de perdre.

Ton président est un des derniers défenseurs des play-offs…

ODJIDJA : ( Rires) Mais chacun a le droit d’avoir un avis ? Je pense que les play-offs sont positifs pour le football parce qu’ils génèrent plus de grands matches mais la qualité n’est pas au rendez-vous. Le récent Club-Anderlecht n’était quand même pas un bon match ?

L’équipe nationale

L’interview s’est déroulée pendant la préparation de la Belgique à la Nations League. La sélection de son coéquipier Birger Verstraete n’a pas surpris Vadis Odjidja.  » Il a déjà disputé de bons matches la saison passée et peu de médians du championnat belge sont meilleurs que lui. Il mérite sa sélection.  »

Vadis, lui, ne compte que trois caps.  » À l’époque, le sélectionneur m’a dit que je devais me produire à l’étranger pour espérer être repris. J’ai répondu oui et je suis retourné au Club, dont le sélectionneur, Georges Leekens, est devenu l’entraîneur. Je lui ai dit que j’allais être transféré à l’étranger et il a changé de ton : – Non, non, tu dois rester en Belgique.

Le transfert a été bloqué, l’équipe nationale a progressé et je suis resté sur la touche. Mais j’ai envie de la retrouver. Sans must. Je suis ici pour Gand. Je suis ambitieux mais pour mon équipe avant tout. « 

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Vadis Odjidja :
Vadis Odjidja :  » Je me suis rapproché de ma famille, de mes amis, qui sont supporters des Buffalos et qui sont heureux que j’en porte le maillot. Tout est plus facile. « © koen bauters

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