Il a freiné Biglia

Le départ du Tchèque ne fait que des heureux à Anderlecht. Pour l’instant…

Malgré une domination territoriale insolente (près de 70 % de possession du ballon), Anderlecht aura dû patienter jusqu’à la 50e avant de trouver enfin l’ouverture face à Saint-Trond. Un but signé Kanu, suivi d’un autre un quart d’heure plus tard, des £uvres de Matias Suarez, de quoi mettre les Mauves pour de bon à l’abri.

Signe de la richesse en profondeur de l’effectif du Sporting, les deux hommes étaient encore réservistes une semaine plus tôt lors du déplacement au FC Malines. Un match où ils s’étaient signalés de concert par de bonnes piges, en cours de seconde mi-temps, l’Argentin à la place de son concurrent direct sur l’aile droite, Jonathan Legear, et le Brésilien dans le rôle tenu jusqu’alors par Jan Polak.

Le départ du médian tchèque à destination de Wolfsburg profitera-t-il pour autant à celui qui l’a doublé avantageusement, aussi bien au Kavé que contre les Canaris ? Possible mais pas sûr, dans la mesure où, dans ce secteur, Ariel Jacobs a manifestement l’embarras du choix. La preuve : depuis le début du championnat, le coach a aligné 16 charnières centrales différentes (v. cadre). Tantôt avec un triangle reposant sur un seul pare-chocs devant l’arrière-garde, plus deux demis légèrement excentrés, tantôt encore avec une base formée de deux récupérateurs et d’une pointe faisant office de soutien d’attaque. Sans compter une troisième variante, usitée justement devant Saint-Trond, avec Lucas Biglia devant la défense, Guillaume Gillet en guise d’infiltreur et Kanu en tant qu’élément offensif légèrement en retrait.

Repêché en pleine crise

C’est ce dispositif-là, précisément, qui avait permis aux Sportingmen de remporter leur 30e titre au printemps passé. A cette nuance près que par rapport à la rencontre devant les Trudonnaires, la composition de la ligne du milieu était tout à fait différente. Certes, on y trouvait toujours Biglia comme régulateur, mais Gillet était encore aligné au back (en remplacement de l’infortuné Marcin Wasilewski) et c’est Cheikhou Kouyaté qui remplissait alors la fonction de box-to-box. Quant au dernier membre du trident, il avait pour nom Jelle Van Damme. Des trois, c’était lui le plus offensif et on se souviendra notamment du rôle prépondérant qu’il joua, en la matière, lors des play-offs. Ce qui lui valut d’ailleurs un transfert chez les Wolves. Lors de la reprise, l’été passé, l’absence du gaucher posa manifestement problème. Il apparut très vite que la nouvelle recrue américaine, Sacha Kljestan, n’affichait pas les mêmes présence et autorité que lui. Idem pour Suarez qui, à l’époque, fut utilisé quelquefois pour compléter l’entrejeu. Et Kanu, qui alternait le bon et le moins bon, ne constituait pas, non plus, une solution idéale à ce moment.

Suite à l’élimination en préliminaires de la Ligue des Champions face au Partizan Belgrade, Anderlecht traversa une période de flottement. Le mot crise était même sur toutes les lèvres. Il n’en fallut pas plus pour que le staff technique se prononce pour plus de rigueur au centre du jeu et c’est pourquoi, dès la visite de Zulte Waregem au Parc Astrid, Polak fit son retour au sein de la ligne médiane.

Aucune plus-value en trois ans et demi

En principe, Polak n’aurait plus dû faire partie des cadres. Courtisé par les Turcs de Galatasaray, tout portait à croire qu’il allait signer un contrat dans le club stambouliote mais il fit volte-face in extremis. Ce qui n’était pas du goût de la direction, privée d’un transfert lucratif et qui devait subitement composer avec un joueur en fin de bail, réfractaire à l’idée de rempiler. La bouderie dura jusqu’au jour où le joueur, privé d’apparitions en équipe première, décida de se lier pour une année supplémentaire.

Juste à temps pour être du voyage en Serbie, où il livra un match sans tache face au Partizan. Un de ses meilleurs, sans conteste, sous le maillot anderlechtois. Comme il l’avait fait autrefois face aux Girondins Bordeaux ou encore lors d’un match à Genk. Mais c’est à peu près tout, il faut bien l’avouer. Pour le reste, l’ex-joueur de Nuremberg n’est jamais vraiment parvenu à imposer sa griffe. Préféré à l’Argentin Leandro Somoza, retourné dans son pays natal après deux saisons en Espagne et au Canadien Atiba Hutchinson, aujourd’hui titulaire au PSV Eindhoven, Polak ne s’est jamais profilé comme la courroie de transmission que les scouts du RSCA avaient vue en lui. En l’espace de trois années, il n’aura guère apporté de plus-value. Au contraire, il a sans doute longtemps freiné le réel essor de Biglia, qu’il a souvent gêné aux entournures.

De fait, le Tchèque ne s’est jamais tenu à la mission pour laquelle on l’avait enrôlé au stade Constant Vanden Stock. Ceux qui l’ont screené voyaient en lui le navetteur idéal entre les lignes, à l’image de ce qu’il montrait avec l’équipe nationale où il était le porteur d’eau de Pavel Nedved. A Anderlecht, toutefois, Polak n’appréciait guère d’être confiné dans l’ombre. Il voulait s’exposer en pleine lumière et tant pis s’il empiétait sur les plates-bandes de Biglia pour parvenir à ses fins. Il est symptomatique de constater que les meilleurs matches de l’Argentin pour le compte des Mauves auront été ceux où il n’était pas associé au Tchèque.

Des allures de diva

Ce dernier, en raison de ses allures de diva, n’avait d’ailleurs pas que des amis dans le noyau mauve. Et sans doute aurait-on fait l’impasse plus fréquemment sur lui, ces derniers mois, s’il n’avait pas été indiqué de le montrer avec l’espoir de le vendre. Ce qui s’est finalement passé en fin de mercato suite à l’intérêt de Wolfsburg. Une opération de nature à contenter les trois parties : le club allemand, peu à son affaire cette saison et qui cherchait un gars expérimenté pour étoffer son entrejeu, Polak lui-même, qui a toujours eu la nostalgie de la Bundesliga, et Anderlecht enfin qui a su récupérer 2,5 millions d’euros pour un joueur presque au bout de son bail et dont il n’avait plus vraiment utilité.

Car dans une attribution purement défensive, le jeune Tchèque Lukas Marecek peut parfaitement faire l’affaire. Au premier tour, il avait été parachuté à cette place contre le Standard et paraissait alors encore un peu tendre. Au Club Bruges, dix matches plus tard, il avait été reconduit dans un rôle en tous points similaire et s’en était tiré comme un grand. Kljestan aussi peut doubler parfaitement Polak dans un rôle de contrôleur. Et pour ce qui est d’une mission plus offensive, le Sporting peut évidemment compter sur un Kanu qui a pris du galon. On se rappellera qu’il y a deux ans tout juste, le Brésilien avait été loué au Cercle afin de bénéficier à la fois de temps de jeu et, surtout, d’alimenter son compteur, ce qui ne lui réussissait décidément pas à Anderlecht. A cet égard, le garçon est sur la bonne voie : non seulement il est proche d’une place de titulaire (dommage qu’il alterne encore les hauts et les bas) mais il fait mouche aussi. Et, ce qui ne gâte rien, ses buts sont souvent importants aussi. Comme le premier, samedi dernier, face à Saint-Trond ou encore son but d’ouverture à Gand.

Paré dans la course au titre

Sans Polak, le Sporting reste incontestablement paré dans la course au titre, vu les possibilités de rechange à hauteur de l’entrejeu. Reste à voir toutefois si ce constat sera encore d’application dans quelques mois. Car c’est un secret de Polichinelle qu’Anderlecht veut vendre Biglia, histoire de renflouer ses caisses. Et Gillet est plutôt bien vu lui aussi par des clubs allemands. Dans ces conditions, les Mauves devront sans doute remodeler toute leur charnière centrale. Mais ça, c’est une autre histoire !

PAR BRUNO GOVERS

Polak voulait s’exposer en pleine lumière et tant pis s’il empiétait sur les plates-bandes de Biglia.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire