Le jeune Britannique est entré dans l’histoire, il lui reste à entrer dans la légende de la F1.
Hasard regrettable du calendrier, les champions du monde dans les deux principales disciplines ont été couronnés à quelques heures d’intervalle, Sébastien Loeb d’un côté, Lewis Hamilton de l’autre. Si le Français a terminé pour la cinquième année consécutive en tête du hit-parade des rallymen, son homologue anglais a conquis son premier titre en F1.
Pour se mettre définitivement hors d’atteinte, Seb a assuré l’essentiel en terminant sagement troisième au Japon derrière les deux pilotes Ford, Mikko Hirvonen et Jari-Matti Latvala. Le suspense demeure au classement des constructeurs où Ford revient à 11 points de Citroën alors qu’une manche doit encore être disputée, en Grande-Bretagne à la fin du mois. Cet ultime rendez-vous pourrait permettre au champion d’améliorer deux nouveaux records : vainqueur de 46 épreuves, Loeb a déjà égalé en 2008 son nombre de victoires obtenues en une saison (10) ; il cherchera à inscrire le chiffre 11 à son compteur et s’il y parvient, il aura remporté au moins une fois tous les rallyes figurant au calendrier mondial !
Une nouvelle maturité
En fait de record, Hamilton en a battu un : à 23 ans, 9 mois et 26 jours, il a effacé Fernando Alonso des tablettes et est devenu le plus jeune champion du monde de l’histoire de la F1 au terme d’une course rendue – une fois de plus – complètement folle par la pluie. A moins d’un kilomètre du but, le pilote anglais était pourtant battu et son team pensait revivre le cauchemar de 2007 quand le titre s’était envolé sur le fil pour revenir à Kimi Raikkonen. Mais en dépassant in extremis Timo Glock à la dérive en pneus secs sur la piste mouillée, le fer de lance de McLaren-Mercedes a marqué le petit point qu’il fallait pour coiffer la couronne.
A l’analyse, cette consécration n’est nullement volée. Par rapport à la saison précédente, le protégé de Ron Dennis a évolué dans le bon sens, non pas tant rayon pilotage où il était déjà au top en 2007 mais bien en maturité. En 18 GP, il n’a commis qu’une seule faute flagrante au Canada quand, en ressortant précipitamment des stands, il est venu percuter Raikkonen arrêté au feu rouge en bout de pitlane. Certes, ce battant-né a également été impliqué dans plusieurs faits de course sujets à polémiques – comprenez des man£uvres plutôt viriles – et il a d’ailleurs eu droit souvent aux remontrances des commissaires sportifs. Mais, répétons-le, il a évité les erreurs stupides style sortie dans le bac à graviers de la pitlane au GP de Chine qui lui avaient coûté si cher l’année dernière.
Gagner le c£ur des foules
Affirmer que son couronnement est apprécié par l’ensemble du paddock F1 serait cependant déguiser la vérité. Hamilton n’a pas que des amis parmi les pilotes, loin de là. Si son talent fait l’unanimité, sa confiance en lui est souvent assimilée à de l’arrogance. C’est Mark Webber qui disait récemment : » Il se permet des attitudes comparables à celles de Michael Schumacher… mais sans avoir, loin de là, le palmarès du pilote allemand. »
La génération établie n’apprécie que modérément de se faire ainsi bousculer par un gamin de 23 ans pétri de certitudes. Sans doute le titre mondial conquis à Interlagos va-t-il contribuer à polir ce diamant brut et à lui donner un statut nouveau aux yeux de ses collègues de travail.
Il restera alors au champion 2008 à conquérir le c£ur des foules, et de ce point de vue la tâche est plus importante qu’il n’y paraît. Hors Grande-Bretagne, Hamilton n’est pas populaire. Sans doute l’ambiance assez glaciale régnant chez McLaren-Mercedes en est-elle partiellement responsable ; Dennis le patron du team et Norbert Haugg le n°1 du sport chez Mercedes ne sont pas à proprement parler de joyeux drilles, et la chaleur n’est pas la caractéristique première de cette formation. Les spécialistes en marketing qui ont si bien formaté le jeune Lewis à ses débuts doivent donc le rendre plus abordable et sympathique, c’est à ce prix qu’il deviendra un champion de légende ailleurs que sur les statistiques officielles.
La Scuderia en cause
Comme tous les sports, la F1 est parfois – ou souvent – injuste. Le titre de Ferrari au championnat des constructeurs apparaît immérité face à la défaite de Felipe Massa dans la joute individuelle. C’est qu’en effet la prestigieuse écurie italienne porte une part de responsabilités dans l’échec sur le fil du Brésilien. Si ce dernier s’est lui-même condamné au GP de Grande-Bretagne en multipliant les fautes sur la piste détrempée de Silverstone, il n’est en rien coupable des casses mécaniques subies à Melbourne et surtout à Budapest (à 3 tours de la fin alors qu’il avait course gagnée), ce n’est pas lui non plus qui a organisé le retour simultané des deux voitures au stand à Montréal ni qui a dirigé le ravitaillement loupé de Singapour. Ce décompte n’est guère à l’avantage de l’équipe dirigée par Stefano Domenicali, et invariablement un parallèle est établi avec l’ère Jean Todt…
Même s’il a pleuré toutes les larmes de son corps dimanche soir au milieu des siens, Massa a montré durant cette campagne qu’il pouvait lui aussi revendiquer le rôle de leader chez les Rouges. Lui qu’on disait moralement fragile a bien résisté à la pression pour signer devant un public tout acquis à sa cause la course parfaite. Ce constat ne pourra effacer sa déception mais doit le rendre plus fort à la veille d’une saison 2009 qu’il abordera avec la rage au ventre.
2009, c’est déjà demain. Hamilton sera plus que jamais l’homme à battre. Outre les pilotes Ferrari, le champion du monde devra compter avec Alonso au sommet de son art -sans doute sur une Renault- mais aussi Robert Kubica décidé à confirmer sa montée en puissance voire un certain Sebastian Vettel qui a montré encore à Interlagos de quel bois il se chauffe. Par contre, on regrettera – sur la grille en tout cas, car il sera consultant TV – MisterDavid Coulthard qui méritait une autre sortie de scène au Brésil.
par Eric Faure
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