HASARDS DU HAINAUT

Jan Hauspie
Jan Hauspie Jan Hauspie is redacteur bij Sport/Voetbalmagazine.

Le RACS Couillet profite ce que Zheyun Ye a démoli.

Un an jour pour jour après sa victoire 0-2 au Sporting Charleroi, La Louvière retrouvait Charleroi, dimanche. Pas le Mambourg mais le stade de la Neuville, une arène communale située dans un quartier ouvrier et qui peut accueillir 12.000 personnes. Elles n’étaient pas aussi nombreuses à l’occasion du match du Royal Amical Cercle Sportif Couillet contre les Loups, dimanche. Couillet, une entité de la commune de Charleroi, est trop petite et la Louvière est tombée trop bas. En plus, il pleuvait des cordes.

La Neuville. Il y a quelques générations, on y jouait encore des matches de D1. Elle était le port d’attache de l’Olympic Charleroi, qui s’appelle le Royal Olympic Club Charleroi Marchienne depuis une fusion en 2000 et évolue en D3. Couillet aussi : monté la saison passée de Promotion, il a déménagé du stade de Fiestaux, où Silvio Proto a touché ses premiers ballons. Le père du gardien est toujours trésorier du club.

Ce déménagement devait concrétiser les ambitions d’un Couillet qui partage La Neuville avec l’Olympic. Casimir Jagiello est l’entraîneur chargé d’atteindre l’objectif du club. Polonais, il est un ami intime de Wlodek Lubanski… qui était là dimanche, comme Paul Courant, qui a achevé sa carrière de footballeur à l’Union, alors coachée par Jagiello. Jean-Paul Spaute et Luka Peruzovic, ex-président et coach du Sporting de Charleroi sont présents aussi. Pas Roland Louf, le manager de Mouscron, même s’il était invité. Louf était l’adjoint de Jagiello à l’Union puis son manager aux Francs Borains.  » Si La Louvière n’avait pas laissé partir Roland, elle ne se porterait pas si mal maintenant « , affirme Jagiello.

Tests sur tests

La Louvière est en D3. En plus de sa rétrogradation sportive, elle n’a pas obtenu sa licence. Aujourd’hui, au Tivoli, plus rien ne rappelle la victoire de la Coupe de Belgique 2003. La grande tente blanche réservée aux VIP à l’entrée du stade a disparu comme l’eau des vestiaires. Mais tout le monde s’en fout. Le président Filippo Gaone ne se montre plus guère. Il ne se serait déplacé que pour les matches à Seraing et à l’Olympic Charleroi et aurait attendu novembre pour assister à un match à domicile.

Les supporters lui ont tourné le dos. Ils lui reprochent son opposition aux différents projets de reprise, notamment celui de Spaute avec l’aide de l’investisseur anglais de l’agent Peter Harrison, désormais à Seraing. Avant de démissionner, Gaone aurait voulu toucher le pourcentage auquel La Louvière a droit quand les clubs actuels de Peter Odemwingie et de Mannaseh Ishiaku les revendront. C’est pour ça qu’il s’accroche, dit-on. Une stratégie qui pourrit la situation, selon les supporters, qui refusent de lui verser un euro. Lors des matches à domicile, ils restent en-dehors du stade.

Il n’y a plus la moindre trace du manager Chris Benoît et de l’avocat Laurent Denis, inculpés comme Gaone dans le dossier du Chinois Zheyun Ye. Désormais, Jean-Claude Verbist assure le fonctionnement du club mais son autoritarisme le fait davantage craindre qu’aimer. Le championnat avait à peine repris qu’il limogeait l’entraîneur Patrick Thairet, pour dérouler le tapis rouge devant son ami Dominique Cuvelier.

Verbist est l’acolyte de Gaone. Ils se sont connus dans le secteur du textile, où Gaone réalise des affaires et où Verbist est délégué syndical. Son retour cet été n’en a pas moins étonné. Il y a quelques années, Gaone l’avait limogé de son premier poste à La Louvière et l’homme avait tenu des propos peu flatteurs à l’égard du président. En outre, il est une bonne connaissance de Pietro Allatta, avec lequel Gaone a affirmé n’avoir rien eu à faire lors de l’affaire Ye. Verbist et Allatta ont longtemps vécu dans le même village, à quelques rues de distance.

Sur le terrain aussi, La Louvière a changé. Un seul joueur est resté : Alexandre Potier, devenu célèbre à cause de son but facile sous la direction de Gilbert Bodart, lors du fameux match à Saint-Trond. Il y a aussi le gardien Benoit Daniel. Mais ils font banquette. Pour le reste, ce ne sont qu’allées et venues de tests, essentiellement d’Afrique. Il ne semble pas y avoir de talents parmi eux. Le fait que l’entraîneur du noyau B est lui-même d’origine africaine et est surtout connu dans le milieu bruxellois comme conseiller de joueurs ne fait qu’accroître la méfiance des derniers fidèles.

La Marseillaise

A Couillet, on retrouve Wifried Grandisson. Ce jeune attaquant français est venu renforcer La Louvière l’année dernière, pendant la trêve hivernale, comme quelques autres Français desquels seul Martin Ekani allait finalement rester et jouer. Tous sont arrivés via un mystérieux manager français considéré comme l’homme de paille d’Allatta, l’escorte belge de Ye.

Grandisson vient de l’Olympique Marseille. Il se produit maintenant à Couillet.  » Je ne le connaissais absolument pas « , commente Jagiello, quatrième saison à Couillet.  » Notre coordinateur sportif, Ivano Casparini, nous l’a présenté. Il a joué deux matches amicaux et s’il n’avait pas été convaincant, il ne serait pas ici. Mais il était bon et j’avais besoin d’un ailier droit rapide. Ce n’est que plus tard que j’ai appris qu’il s’était produit pour la Louvière « .

On retrouve le coach au Castelli Romani, son restaurant italien à Wauthier-Braine, à mi-chemin entre Bruxelles et La Louvière. Jagiello connaît bien La Louvière. Il l’a entraînée à la fin des années 80, la saison avant l’arrivée de Gaone à la présidence, puis de 1993 à avril 1995. C’est durant ce second mandat qu’il l’a propulsée en D2. Il est resté en bons termes avec Gaone :  » Il est le seul à avoir jamais investi en La Louvière. Si le club a signifié quelque chose, c’est grâce à lui « .

Jagiello téléphone à Charles Beugnies, le secrétaire de Couillet :  » Charles, de quel club avons-nous transféré Grandisson ? De Marseille, dis-tu ? » Il relève la tête :  » Nous ne l’avons pas acheté à La Louvière « .

Le seul contact qu’il affirme avoir eu avec son ancien club le concernait.  » Cet été, leur manager m’a téléphoné pour me demander d’entraîner l’équipe mais je me sens très bien à Couillet et je n’ai pas accepté « .

Jagiello est élogieux à l’égard de son président actuel : Roberto Leone, qui n’est pas apparenté à Dominique Leone, son collègue montois. Il est concessionnaire Alfa Romeo à Marchiennes et a succédé à André Liesse, contraint à démissionner, au début de la saison passée. Président de La Carolorégienne, Liesse a été inculpé dans la vaste fraude qui continue à ronger Charleroi.

Le changement de président a eu lieu après une saison bizarre. Couillet n’a gagné que trois matches de tout le premier tour, essuyant défaite sur défaite. Après la trêve hivernale, il a pris trois points, suite à trois nuls, jusqu’en mars. A partir de là, l’équipe est devenue invincible. Couillet a gagné six de ses neuf derniers matches, il a même failli empocher la troisième période et jouer le tour final pour la montée en D2 « .

Jagiello sent notre méfiance :  » Ce n’est quand même pas si anormal ? De nombreux joueurs étaient blessés au premier tour. Nous avons réalisé deux transferts pendant la trêve hivernale : des joueurs que je connais très bien, Hocine Chebaiki et Moustapha Douai. Leur arrivée et le retour des blessés expliquent notre remontée « .

Fils spirituels

Chebaiki et Douai : encore deux noms familiers. En juin 2005, tous deux ont rejoint l’AC Allianssi, le club finlandais qui venait d’être repris par Zheyun Ye et Olivier Suray et qu’entraînait Thierry Pister. Ils ont perdu leur premier match 8-0 et les parieurs ont fait une affaire en or. Au bout de quelques mois, le contingent belge a fait ses bagages et Allianssi est tombé en faillite.

 » Je connais Hocine depuis qu’il est tout petit « , raconte Jagiello, non sans fierté.  » Il est mon fils spirituel. Il a fréquenté mon école de football à Jemappes. Je l’ai ensuite entraîné à l’Union et au RC Tournai. En novembre, il était sans club. Je lui ai téléphoné et il est venu s’entraîner avec nous. Gratuitement car son contrat ne prenait cours qu’en janvier. J’ai entraîné Douai aux Francs Borains. Il s’est présenté lui-même. Il n’a commencé à s’entraîner qu’une fois son contrat signé. Il a donc été en forme plus tard. D’après ce qu’Hocine m’a expliqué, ce Chinois s’est servi d’eux et ils n’ont jamais vu leur argent. Après cette conversation, nous n’avons plus abordé le sujet. Je n’en ai même jamais parlé à Douai car je n’ai pas les mêmes relations humaines avec lui « .

Après son aventure finlandaise, Sergei Omelianovich aurait également souhaité jouer pour Couillet mais c’était sans compter avec Jagiello :  » Sergei est arrivé en Belgique via Lubanski. A deux reprises auparavant, j’avais souhaité l’enrôler. Il avait chaque fois décliné l’offre. Alors, la troisième fois, il n’avait pas à se présenter « . Omelianovich s’est casé à Tubize et a rejoint Renaix au terme de la saison… où jouaient Chebaiki et Douai quand Pister a entraîné ce club en 2004. Il y succédait à Jagiello, limogé.

Le quatrième footballeur parti en Finlande, Grégory Goffin, est le jeune gardien qui a encaissé huit buts avec Allianssi. Rappel : il avait été le premier à frapper à la porte de Couillet. Ce n’est pas étonnant puisque c’est son ancien club. Jagiello a travaillé une demi-saison avec lui mais le courant ne passait pas et Goffin a jeté son dévolu sur le cham-pionnat luxembourgeois. A son retour à Couillet durant l’été 2005, pour la préparation de la saison, il était blessé au genou. Jagiello n’ayant pas besoin de lui, il a disparu… à Allianssi, malgré l’état de son genou. Le club finlandais a été battu 8-0.

 » Je n’ai appris qu’après coup qu’il était allé en Finlande « , explique Jagiello.  » Nous avions déjà un bon portier, je n’avais pas besoin de lui « . L’entraîneur affirme ne pas savoir où il joue maintenant. Son secrétaire le sait.  » Grégory est à Morialmé « , dit Beugnies au téléphone. La Jeunesse Morialmé est ce club de Provinciale où Olivier Suray a réenfilé ses chaussures de football, depuis la farce d’Allianssi.

Pêche en Hainaut

Que des hasards ? Le bon portier de Jagiello est Jonathan Bourdon. Il a été le premier gardien de Westerlo jusqu’à ce qu’il commette une gaffe incroyable dans la dernière minute de jeu d’un match contre Mons, offrant au club hennuyer une victoire 3-2. Au beau milieu de l’affaire Ye, il était brûlé. Il n’allait plus jamais être aligné dans les filets de Westerlo. C’est un secret de polichinelle : le club campinois voulait s’en débarrasser. Son manager ? Pietro Allatta.

 » Pas du tout « , s’énerve un peu Jagiello.  » J’ai négocié ce transfert avec Yves Baré. Franco Basile, qui travaille pour l’école des jeunes du Sporting Charleroi, a convaincu Jonathan de nous rejoindre. Je n’en croyais pas mes yeux, un tel gardien ! C’est pour moi un honneur de travailler avec Jonathan. C’est une crème. Des clubs de format supérieur s’intéressent déjà à lui « .

Le temps de midi est largement passé, le Castelli Romani s’est vidé. Jagiello veut éclaircir un point :  » Ecoutez, ils sont tous venus offrir leurs services, ces gars de Finlande. Est-ce si étrange ? Ils sont tous originaires du Hainaut. Jonathan habite même à Charleroi. C’est un petit vivier dans lequel nous pêchons tous. Le choix n’est pas si large que ça : dans le football hennuyer, nous ne cessons de nous retrouver. Couillet, comme les autres clubs du coin, est à la recherche des meilleurs éléments de la région. Si Couillet parvient de temps en temps à enrôler des joueurs de renom, c’est grâce à ma réputation. Ces footballeurs ont été longtemps blessés ou n’ont plus de club. Sinon, ils ne seraient pas pour notre bec « .

Allatta, il le connaît. Le nier n’aurait aucun sens, le manager a déjà fréquenté son restaurant. Mais depuis qu’il entraîne Couillet, Jagiello affirme que Piero n’y a placé qu’un joueur.  » Et ce n’était pas un des gars de Finlande « .

Les Francs Borains (bis)

Le match Couillet – La Louvière s’est achevé sur le score de 4-1. L’un regarde vers le haut, l’autre s’enfonce dans son marasme. Jagiello rêve d’un autre exploit, comparable à celui qu’il a réalisé il y a 20 ans avec les Francs Borains. Dans le courant des années 80, alors que le club militait en D3, il a atteint les demi-finales de la Coupe de Belgique contre le Cercle Bruges de Georges Leekens.  » Depuis, tout le monde connaît les Francs Borains « , rayonne l’entraîneur.  » Nous allons maintenant placer Couillet sur la carte du foot belge « .

JAN HAUSPIE

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