Grossesse à risques

Les Mauves ne sont plus que la quatrième force de notre foot depuis neuf mois.

Le triple test est proposé aux femmes en début de grossesse, il permet de déceler des anomalies graves chez le foetus. Anderlecht vient de subir un triple test en championnat contre des équipes du Top 6 et le bébé ne va pas bien du tout : défaites contre Lokeren, Zulte Waregem et le Club Bruges. Tous des revers logiques, avec un paquet de buts encaissés. Après huit matches, seul Ostende a une moins bonne défense que celle des Mauves. Ils ont de loin la meilleure attaque grâce aux raclées infligées au Cercle, à Gand, à Charleroi et à Malines, mais quelle est l’utilité ? Le champion n’est que cinquième et n’a pas montré grand-chose depuis l’ouverture du championnat. En fait, c’est poussif depuis le début de l’année et le titre a masqué beaucoup de choses. Depuis neuf mois, Anderlecht cherche son football. Le temps d’une grossesse. Une gestation à risques qui pose questions.

Neerpede, à quoi ça sert ?

Dennis Praet, la nouvelle star, le futur du football belge, etc. Il y a un an, il explosait, il permettait à Anderlecht de trouver le bon rythme après – déjà – un début de championnat hésitant. Cette saison, ça tourne beaucoup moins bien pour lui. Il a été aligné dans toutes les rencontres (deux matches complets seulement) mais on ne le reconnaît pas. Ses deux dernières prestations ont été à nouveau décevantes mais il est entré dans des circonstances délicates : après 80 minutes à Benfica et en début de deuxième mi-temps à Bruges. Dans les deux cas, c’était déjà plié.

Autre point d’interrogation : Youri Tielemans. Il avait été éblouissant lors des deux premiers matches, c’était la nouvelle star made in Neerpede. Depuis lors, il cire le banc la plupart du temps. La situation d’AnthonyVanden Borre est encore plus complexe. Il a accompagné le groupe à Benfica mais a valsé dans la tribune au dernier moment. Et en championnat, sa feuille de route est vierge. Bref, le centre de formation n’est plus représenté dans l’équipe actuelle. Herman Van Holsbeeck a lâché :  » Dans le passé, on a acheté trop de joueurs qui n’avaient pas le niveau pour le top. A l’avenir, on compte sur notre centre et on renforcera l’équipe avec des joueurs du niveau d’AleksandarMitrovic.  » A prouver.

Pourtant, les joueurs qui prennent la place des gars du cru n’apportent pas grand-chose en ce moment. Le premier bilan de Luka Milivojevic est insuffisant alors que celui de Demy de Zeeuw est carrément dramatique. Autre cas à problèmes : Bram Nuytinck. Il a conservé la confiance de John van den Brom lors des six premières journées, alors qu’il multipliait les matches moyens. Il a fini par sauter, et depuis trois matches, c’est Chancel Mbemba qui s’est installé en défense centrale à côté de Cheikhou Kouyaté.

Le vestiaire se fissure-t-il ?

C’était frappant pendant tout le match à Bruges : plusieurs joueurs ont multiplié les réactions de mauvaise humeur, s’en sont pris à des coéquipiers, se sont emportés face à l’arbitre, ont levé les bras au ciel. Des symptômes de footballeurs en panne de confiance. Cela s’est prolongé après la rencontre : crachat d’Aleksandar Mitrovic en direction de supporters du Club (et suspension de trois matches), ensuite silenzio stampa pour plusieurs joueurs. OlivierDeschacht, Dennis Praet, Massimo Bruno, Gohi Bi Cyriac, Matias Suarez, Mitrovic : ils ont tous refusé de s’exprimer. Mitrovic sait qu’il a raté ses deux premiers gros tests : petit match et une carte jaune à Benfica, non-match et une rouge à Bruges. Il a fallu patienter pas mal de temps pour voir sortir du vestiaire un Mauve acceptant de parler. Sacha Kljestan s’y est collé et a résumé le tableau :  » It’s a down moment for us.  »

L’Américain a quand même conclu sur une note positive :  » On peut jouer le titre, mais pour cela, il faut une meilleure mentalité. En attaque et en défense.  » Le résumé de Kouyaté était aussi très clair :  » Ce qui n’a pas marché ? Tout.  » Guillaume Gillet :  » Grosse défaillance collective, aucune combativité, c’est assez affligeant.  » Silvio Proto :  » La différence d’engagement par rapport aux joueurs de Bruges était énorme. On est trop gentils. L’engagement, ce n’est même pas une question d’âge. Regarde comment Timmy Simons a joué sur Matias Suarez.  »

Ils évitent de citer des noms mais ça doit chauffer dans le vestiaire. Le comportement de Suarez, par exemple, suscite des questions. La veille du match à Benfica, Roger VandenStock affirmait que son Argentin était bien de retour et qu’il le sentait heureux. Quelques heures plus tard, Suarez revenait avec son vieux discours : il envisage à nouveau un départ, dès la fin de la saison.

De Zeeuw : un cas déjà réglé ?

Mais le gros incendie a été allumé par Demy De Zeeuw. Son cas semble réglé. Il n’a pas supporté son remplacement à la mi-temps à Benfica :  » Je suis à nouveau la victime d’une tactique complètement foireuse. J’aurais pu apporter quelque chose, mais dans un autre système. Ce que le coach avait en tête, c’était beau sur le papier, mais c’était fort différent dans la pratique (…) Je vais de nouveau avoir l’étiquette du gars avec lequel ça ne marche jamais.  »

Ben oui ! C’est vrai que ça fonctionne rarement avec lui. Van den Brom a répondu qu’il se sentait attaqué et qu’il allait avoir une  » bonne discussion  » avec De Zeeuw. Est-ce encore utile ? Son crédit semble épuisé. Le coach a fait le forcing cet été pour qu’il soit prolongé alors que la direction n’était pas sous le charme de ce qu’il avait montré de janvier à mai. Aujourd’hui, Van Holsbeeck le tacle :  » De Zeeuw doit se regarder dans le miroir. J’ai toujours été un grand fan, mais chez nous, je n’ai pas vu une seule fois le De Zeeuw de l’Ajax. Quand il aborde l’aspect tactique, il doit être honnête et juger honnêtement sa prestation à Benfica.  »

Pourquoi Van den Brom ne coache-t-il pas ?

Après le deuxième but de Bruges, John van den Brom ne s’est pratiquement plus levé de son banc. Plus de consignes, plus de cris, plus de gestes, plus rien ou presque. Comme s’il était résigné. Même le pâle Philippe Clément, sur le banc d’à côté, était plus présent, plus expressif ! Le Hollandais s’interroge clairement. Il y a un an, il cherchait déjà la meilleure formule, en essayant alternativement le 4-4-2 et le 4-3-3. Il avait trouvé la solution, en 4-3-3, et l’introduction de Praet à la pointe du triangle médian avait été une des clés de la saison et du titre. Aujourd’hui, il est confronté au problème de la méforme de ce joueur, mais aussi et surtout à l’absence de Lucas Biglia. Son ombre plane. Dimanche, Vadis Odjidja a spontanément évoqué la question :  » On était à trois dans l’entrejeu, ils n’étaient qu’à deux et ils n’ont plus de Biglia. On leur a mis la pression.  »

Le duo Kljestan-Milivojevic ne convainc pas. Dans le 4-4-2 essayé à Bruges, ils étaient censés animer le jeu mais ils n’ont pas les qualités pour le faire. Le danger aurait pu venir des flancs mais Massimo Bruno et Frank Acheampong n’ont pas été dangereux. Et quand le duo offensif Mitrovic-Suarez est mal alimenté et peu inspiré, ça explique la déroute. Anderlecht n’a pas cadré un seul envoi en première mi-temps. Que ce soit en défense ou dans l’entrejeu, le joueur qui reçoit le ballon ne sait pas trop à qui le donner. Dans le passé, il y avait Biglia pour tout réceptionner.  » C’est le top d’avoir quatre joueurs offensifs comme on a, mais s’ils ne sont pas alimentés, on ne peut pas se créer d’occasions « , résume Gillet.  » Et nos deux médians axiaux étaient noyés.  »

Pas capable de défendre

Lors des deux gros rendez-vous à Benfica et à Bruges, Van den Brom a essayé ses deux systèmes. Aucun n’a convaincu. Plusieurs joueurs ont un penchant pour le 4-4-2. Après la déroute de Lisbonne, Kljestan et Milivojevic ont dit qu’ils auraient préféré cette occupation, d’autant qu’elle avait très bien fonctionné contre Malines. Ils disent qu’ils s’y sentent plus à l’aise que dans un 4-3-3. Mais l’équipe qui a commencé à Bruges était la même que celle qui avait étrillé Malines huit jours plus tôt et on ne l’a pas reconnue. Entendu chez Van den Brom la veille du match européen :  » Maintenant que tout va bien, je ne vais pas tout chambouler. Je trouve de plus en plus mon équipe type.  » Il l’a pourtant chamboulée. De Zeeuw a lâché :  » C’est difficile d’appliquer en match un système sur lequel on n’a pas travaillé en semaine.  »

Van den Stock se demandait si l’Anderlecht actuel était capable de défendre. Réponse : non. Ni en Ligue des Champions, ni en championnat. Après Benfica, Van den Brom a avoué que son équipe était moins loin qu’il le pensait. Après Bruges, il a ajouté qu’elle avait touché le fond. Et maintenant, on fait quoi ? ?

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS : IMAGEGLOBE

 » Difficile d’appliquer en match un système sur lequel on n’a pas travaillé en semaine.  » Demy De Zeeuw

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