GESTION DURE ET TRANSFERTS

Pierre Bilic

Pour ne pas être dans le rouge, les Liégeois sont obligés de vendre régulièrement leurs plus beaux bijoux.

Que ce soit en été ou lors du mercato d’hiver, le Standard est obligé de faire son marché, d’acheter à petit prix et de revendre avec un bénéfice à la clef. On y élève le talent comme ces fermiers d’Ardenne ou de Famenne qui se séparent de leurs champions quand ils ont gagné une médaille lors d’une foire agricole. Il en a toujours été ainsi et cela n’a rien de péjoratif.

Jadis, Roger Petit pratiquait déjà de la sorte afin de boucler son budget. Il ne pouvait pas lutter à armes égales avec Anderlecht dans la bataille financière. Même si le Standard bénéficia des coups de pouce des charbonnages et surtout des usines du bassin industriel liégeois, les Mauves s’appuyaient sur un hinterland économique forcément plus large. Il était plus facile de trouver des sponsors dans la capitale qu’en province. Petit tissa un réseau de scouts qui dénichaient du bon grain à travers tout le pays de Liège, dans les Ardennes ou le Limbourg. L’exemple de Roger Claessen est édifiant : le Standard proposa 300.000 francs (7.500 euros) à l’Etoile Dalhem pour se payer ce Cadet. C’était cher durant les années 50 quand un succès européen ne rapportait que… 3.000 francs (75 euros) aux joueurs. En 1968, forcément, Claessen fut cédé à Alemania Aix-la-Chapelle contre un gros paquet de marks allemands.

Mais Petit délia parfois généreusement les cordons de sa bourse (150.000 euros pour acquérir Wilfried Van Moer en 1968) mais n’oubliait jamais de monnayer le talent de ses vedettes qu’il trouvait en Belgique ou à travers toute l’Europe de l’Est : Milan Galic, Harald Nickel, Alfred Riedl, Asgeir Sigurvisson, etc. Il empêtra cependant son club dans une galaxie de sociétés coopératives et en 1984, avec l’affaire de corruption Standard-Waterschei, cette organisation administrative et financière d’un autre âge révéla ses limites et faiblesses. La nouvelle direction effaça des ardoises et opta pour un autre organigramme et une gestion sous forme de société anonyme. Le stade fut modernisé mais le vent nouveau d’ André Duchêne fut contré par l’arrêt Bosman et le recours des joueurs à la loi de 1978. Le Standard céda des joueurs comme Marc Wilmots, Régis Genaux ou Philippe Léonard à des prix ne répondant pas à ses attentes. Cela généra des pertes importantes.

Même s’il n’était pas né de la dernière pluie, Duchêne céda le club à Luciano D’Onofrio qui avait plusieurs avantages : une bonne connaissance d’un football international en pleine mutation, un sens de l’anticipation aigu et un nouvel actionnariat très solide orchestré autour de Robert Louis-Dreyfus.

Cette année, le Standard présente un budget de 16 millions d’euros.

 » Il est en équilibre depuis quelques années « , avance Pierre François, le directeur général du club.  » C’est un sujet de fierté : l’actionnaire principal ne doit plus y aller de sa poche « .

L’avis d’un spécialiste : OK !

En étudiant les derniers chiffres du club, Tony Coenjaerts, le directeur de l’hebdomadaire Trends-Tendances a re-trouvé des données confirmant finalement les propos de François :  » En 2006, par exemple, il y avait un montant de 16.550.000 d’euros en recettes et 19.139.000 d’euros pour les dépenses. Cela représente une perte de 2.589.000 euros. Dans une entreprise, ce résultat négatif indiquerait que le reste est négatif aussi. Mais les choses sont apparemment différentes en football. Pour 2006 toujours, il est fait état de rentrées extraordinaires portant sur un montant de 5.062.000 euros. L’exercice se termine donc sur un boni mais cette vente des bijoux de famille (joueurs) est bizarre. C’est probablement propre aux clubs de football. Une autre entreprise qui procéderait sans cesse de la sorte m’indiquerait une situation délicate. A mon avis, c’est un problème chronique : le Standard ne génère pas assez de rentrées et est obligé de noter des recettes extraordinaires afin de boucler son budget « .

Marseille c’est Marseille, Sclessin c’est Sclessin

Le Standard est en société anonyme depuis 1988 et a été repris en 1998. Domiciliée à Ixelles (Rue du Serpentin), la SA Financière du Standard (Robert Louis-Dreyfus, Tom Russel, etc.) possède depuis lors 89,23 % des actions de la SA Standard de Liège. Elle a un actif financier de 28.337.842 euros. Cela n’est pas le fruit d’un apport bancaire. On peut supposer que ce montant provient en grande partie de la cassette personnelle de Robert Louis-Dreyfus de ses amis. Luciano D’Onofrio détient probablement 10, 77 % des parts de la SA Standard de Liège. Au fil des années, on a noté des augmentations de capital mais aussi des diminutions quand il convenait de gommer des dettes. L’équilibre est fragile mais atteint.

Que se passerait-il si Robert Louis-Dreyfus décidait de vendre les actions qu’il possède dans la SA Financière du Standard ?

 » C’est une société anonyme et chacun a le droit de faire ce qu’il veut avec son argent « , commente Tony Coenjaerts.  » S’il trouvait repreneur, il s’agirait tout simplement d’un changement d’actionnaire, ni plus ni moins « . Cette éventualité fut au centre de l’actualité il y a peu.  » La presse marseillaise a évoqué la vente de l’OM « , a déclaré Luciano D’Onofrio.  » Moi, je ne suis absolument pas au courant de ce qui se passerait là-bas. J’ai vu Robert Louis-Dreyfus récemment et il ne m’a rien dit. Le Standard se porte bien, n’est pas concerné. Marseille c’est Marseille, Sclessin c’est Sclessin. Il n’est pas question de vente des actions de Robert Louis-Dreyfus. Et si cela devait arriver un jour, nous pourrions les acheter. Oui, c’est beaucoup d’argent pour certains mais pas pour d’autres. Mais je le redis : le Standard n’a besoin de rien, n’est pas à vendre, ne cherche pas de nouvel actionnaire. Aucun club belge ne subit autant de contrôles que le nôtre. Chez nous, la gestion est rigoureuse : un sou est un sou. Tout le monde travaille, c’est ce qui importe. Le budget est en équilibre, le nombre d’abonnés et de spectateurs est en hausse constante, l’ambiance est extraordinaire et positive dans et autour du stade le jour des matches. L’Académie Robert Louis-Dreyfus sera un véritable bijou. L’avenir de ce club est assuré, n’est-ce pas ce qui importe ? »

Luciano D’Onofrio est rusé et malin. Lors de sa dernière conférence de presse, une question concernait l’état de santé de Robert Louis-Dreyfus. Chaque mot vaut alors son pesant d’or. L’homme d’affaires a eu des pépins qui ont été éliminés et toute réponse est importante dans ce contexte car une rumeur peut affoler les bourses du monde entier et générer des flux financiers très importants dans tous les sens  » Je ne suis pas médecin « , a-t-il répondu. On ne dribble pas facilement ce gaillard.

PIERRE BILIC

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