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From Borussia with love

Le Borussia Mönchengladbach ressuscite. Les Fohlen (poulains) sont deuxièmes du classement. Prudemment, le club commence à rêver d’un nouveau titre, après 43 ans..

Ceux qui souhaitent en apprendre davantage sur l’histoire de près de 120 ans du Borussia Mönchengladbach peuvent désormais visiter un des plus grands et des plus modernes musées de football d’Europe. Il s’appelle die Fohlenwelt et est situé juste à côté du stade. Les années ’70 occupent logiquement le plus grand espace. Durant cette décennie, le Borussia a gagné cinq titres nationaux et deux Coupes de l’UEFA. Le musée n’oublie cependant pas la chute des décennies suivantes.

On y trouve de magnifiques objets. Une chaussure de football de Günter Netzer, un des plus beaux footballeurs d’Allemagne et un des plus insoumis. Le Ballon d’Or reçu par Allan Simonsen en 1977. Une pipe d’ Helmut Grashoff, manager et plaque tournante du Borussia Mönchengladbach pendant des décennies.

Le ballon orange du match remporté 11-0 dans la neige contre Schalke 04, en 1967. Une touffe de gazon du Bökelbergstadion, l’ancien stade mythique. Un poteau cassé, témoin du jour où l’attaquant Herbert Laumen s’est pris les pieds dans les filets, a fait tomber la latte et un poteau et a ainsi mis un terme prématuré à un match entre le Borussia et le Werder Brême.

Un autre objet surprenant : une cannette de soda vide. Elle a jadis atterri sur la tête de Roberto Boninsegna, la vedette de l’Inter, qui s’est effondré en faisant beaucoup de théâtre. Ce soir-là, le Borussia a battu le grand club italien 7-1 mais ce résultat légendaire a été rayé des tablettes à cause de l’incident. Le match a été rejoué en terrain neutre.

Cinquante ans plus tard, on se souvient encore du Büchsenwurfspiel. Les visiteurs du musée peuvent aussi découvrir une touffe de cheveux, issue de la tignasse du Brésilien Dante (ex-Charleroi et Standard), qui a manié la tondeuse après le maintien acquis de justesse par le Borussia en 2011.

Rapprochement avec Liverpool

Ceux qui, le jour des matches, ont moins de temps ou veulent faire des économies peuvent aussi se rendre au Fan Haus, dans le bois en face du Borussia-Park. Les supporters vont boire un verre dans l’ancienne caserne anglaise. Le bar est rempli de coupures de journaux, de photos d’équipes et autres attributs footballistiques.

Une écharpe accrochée au-dessus du bar proclame :  » Wir vom Westen sind die Besten «  ( Nous, les gens de l’Ouest, sommes les meilleurs). Juste à côté, on sursaute en découvrant une photo de la tête de Stefan Effenberg.

Étrangement, un coin du bar des supporters est complètement dédié à un autre club. Maillots rouges, You’ll never walk alone, Bill Shankly, Kenny Dalglish, Virgil van Dijk.  » Nous entretenons des liens officiels avec Liverpool « , explique Bastiaan Hoogesteger, un sympathique géant chauve qui est vice-président du Fanprojekt Borussia Mönchengladbach.

Il raconte que les clubs se sont rapprochés suite au drame d’Hillsborough il y a trente ans. Les supporters du Borussia avaient récolté de l’argent pour soutenir les proches des 96 victimes.

Le geste a été apprécié et a soudé les deux clubs. Chaque année, une large délégation de supporters de Mönchengladbach se rend à Anfield, qui passe l’hymne du Borussia. Inversement, les supporters de Liverpool sont les invités des Fohlen une fois par an. Les parallèles entre les deux clubs ne manquent pas : ils ont énormément de supporters issus de tous les coins du monde. Il y a un demi-siècle, ils donnaient le ton mais seuls les supporters les plus âgés ont fêté le dernier sacre national.

En tendant l’oreille à Liverpool et à Mönchengladbach, on perçoit la même retenue dans les deux villes.  » Nous, champions ? Non « , rigole Hoogesteger, imité par ceux qui l’entourent.  » Nous sommes le Borussia. La saison est encore longue, tout peut encore foirer et depuis le temps, nous en avons l’habitude. Nous nous sommes habitués aux déceptions sportives.  »

Ce samedi après-midi, ce sentiment est omniprésent. Il faudrait qu’il se passe encore beaucoup de choses pour récolter un premier titre depuis 1977.

Une ville connue grâce au foot

Hoogesteger craint qu’un autre club ne s’empare du titre. Comme l’artificiel et richissime RB Leipzig. Il est détesté partout en Allemagne, ici comme ailleurs.  » On préfère encore que le Bayern soit champion. Au moins, on en a l’habitude.  » Le Borussia et le Bayern se sont livré les duels les plus prestigieux d’Allemagne dans les années ’70. Ils se sont partagé les trophées pendant des années.

Les deux traces se sont séparées mais se rapprochent.  » C’est de nouveau un peu comme avant, quand nous jouions à saute-mouton « , se réjouit Randolf Jansen, un employé de banque supporter du Borussia depuis toujours, debout à côté de l’aubette qui vend des saucisses à l’entrée du stade. Il est né à un jet de pierre du Bökelberg il y a 60 ans. Il a donc vécu les succès du club.

Il a ensuite découvert que ça ne coulait pas de source. La victoire en coupe d’Allemagne en 1995 a été une goutte d’eau dans le désert. Les poulains jadis si fringants ont souvent erré. À deux reprises, Jansen a vécu l’humiliante relégation en deuxième Bundesliga. Il a continué à soutenir son club car les supporters du Borussia sont ainsi faits : ils sont incroyablement fidèles.

Ce n’est pas si étrange que ça, affirme le sexagénaire, les yeux brillants sous le bonnet du club.  » A part le football, il n’y a pas grand-chose à Mönchengladbach.  » Non, ce n’est pas une ville animée. En Allemagne, on prétend qu’au crépuscule, Mönchengladbach rabat ses trottoirs. Jansen ne peut pas le confirmer mais il sait que sans le football, peu de gens auraient entendu parler de sa ville.

 » Notre club a fait la renommée de la bourgade. Avant, où que nous allions en vacances, d’Espagne en Grèce, quand nous disions que nous venions de ‘Gladbach, les gens réagissaient avec enthousiasme : Ah, le Borussia ! Toute l’Europe appréciait notre football.  »

Cette époque n’est pas encore revenue mais sous la direction de Marco Rose, arrivé cet été, le Borussia fait à nouveau impression bien au-delà des frontières de la ville. Le football est dynamique, rapide, empreint de passion, de bravoure, droit au but. Du football à pleins gaz, selon la philosophie de Jürgen Klopp.

Rose a joué sous la direction de l’actuel entraîneur de Liverpool au FSV Mainz 05. Le citoyen de Leipzig, âgé de 43 ans, s’inspire de son ancien maître et réalise des débuts de carrière très prometteurs. Après des saisons très réussies avec les équipes d’âge de Salzbourg, il a conduit l’équipe première à deux titres, à une coupe d’Autriche et aux demi-finales d’Europa League en deux saisons.

Un fan shop de la taille d’un supermarché

Depuis l’été, il fait sensation en Bundesliga. Jansen hésite.  » En début de saison, nous avons souvent très mal joué, tout en gagnant. Les joueurs ont donc pris de l’assurance. Ensuite, nous, les supporters, avons vraiment été à la fête. Nous gagnons en développant un football très attrayant.  » Un jeu qui réveille les souvenirs des années ’70, comme on le répète de plus en plus.

 » Foutaises « , selon Jansen.  » On ne peut pas comparer les époques. Avant, Günter Netzer avait le temps de caler calmement le ballon sous son pied, de regarder à droite et à gauche avant de décider par quel côté il allait passer. Ce n’est plus possible. Le football est devenu beaucoup plus rapide et plus dur. Pas plus beau mais plus difficile. De nos jours, Netzer ne réussirait plus rien.  »

Jansen se fait bousculer. Nous sommes encore à une heure et demie du coup d’envoi mais les alentours du Borussia-Park sont aussi animés qu’une artère commerçante un jour de soldes. Des supporters mangent une saucisse, boivent une bière, à moins qu’ils ne pénètrent dans le fan shop.

Celui qui s’imagine une boutique crado avec quelques vareuses pendues à des cintres se trompe. Le Borussia Mönchengladbach a aménagé un supermarché de taille moyenne pour la vente de produits frappés de son logo. Ce samedi après-midi, 22 caisses sont ouvertes. On fait la file pour entrer.

À l’intérieur, on découvre un large assortiment. Des maillots du Borussia, des bonnets, des ballons, des chocolats, des chaussettes, des calendriers… Que manque-t-il, au fait ? Des slips ? Check. Du parfum Borussia ? Check. Des canards de bain ? Check.

Par contre, pas de trace de préservatifs Borussia. Dans les années ’80, ils ont fait fureur. Ils portaient la mention : für jeden Freistoss. Pour chaque coup franc. Les années rebelles sont dépassées. Le Borussia n’est plus seulement un club de football mais une entreprise qui cherche à s’étendre. Ces dernières années, il a aménagé un hôtel de 131 chambres et un internat pouvant accueillir 24 talents, la fameuse Fohlenstall, l’écurie des poulains.

Au Borussia-Park, on est bien loin de l’authentique odeur de pissoir du Bökelberg. Le stade actuel, qui peut héberger 54.000 spectateurs, soigne les moindres détails. Même les rouleaux de papier WC s’ornent du logo du club.

Que sera, sera

Arie van Lent, l’attaquant néerlandais qui s’est produit quelques saisons en début de siècle pour ‘Gladbach, est toujours porté aux nues. Ne serait-ce que parce qu’il a pris à son compte le dernier but marqué au Bökelberg. Nous lui téléphonons pour savoir où il se trouve.  » Je suis en route avec mon équipe « , explique l’entraîneur du Borussia U23.  » J’ai joué ici à une autre époque. J’ai connu la deuxième Bundesliga avec le Borussia. Le club vivait des temps très difficiles. Il avait du mal à reconduire sa licence d’année en année.

À cette époque, tout aurait pu très mal tourner mais après la première relégation, le club a fait peau neuve. Il s’est doté d’une nouvelle direction, toujours au poste. Elle a pris les bonnes décisions et a remis le club sur les bons rails. Le Borussia a été rétrogradé une fois de plus mais ça a été moins dramatique. D’ailleurs, le club est remonté immédiatement. Ces dernières années, il grandit bien. Je trouve ça très beau, surtout pour tous ces supporters si fidèles. Même en deuxième Bundesliga, il y avait 30.000 personnes au Bökelberg. Même en déplacement, nous étions massivement soutenus. Le Borussia, c’est quelque chose d’incroyable. »

Van Lent sait que son club compte des sympathisants dans tout le pays. On le remarque au Fan Haus. Beaucoup de supporters sont partis tôt le matin de chez eux. Frank Ulrich raconte fièrement qu’il vient de Bayreuth.  » 600 kilomètres à l’est.  » Notre étonnement le surprend.  » Le Borussia mérite l’effort.  » Ce qui est frappant dans ce bistrot, c’est aussi que les supporters des deux équipes se côtoient fraternellement. De fait, ici, le football rapproche les gens, témoigne Andreas Ambs.  » Les trophées ne sont pas très importants à mes yeux « , dit le photographe portraitiste de Göttingen, à 300 kilomètres au sud de ‘Gladbach.

 » On va au Bayern pour les prix, la victoire. On va au Borussia pour le sentiment de faire partie d’une communauté.  » C’est là une pensée bien romantique mais en même temps, l’expression d’un désir ardent retentit, repris par 50.000 gorges.

Que Sera, Sera

Borussia ist wieder da

Deutscher Meister im nächsten Jahr

Que Sera, Sera.

Sous la coupe de l'Autrichien Marco Rose, le Borussia joue un football attrayant.
Sous la coupe de l’Autrichien Marco Rose, le Borussia joue un football attrayant.© BELGAIMAGE
Le médian Gunter Netzer était l'icône du club dans  les années '70.
Le médian Gunter Netzer était l’icône du club dans les années ’70.© BELGAIMAGE

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