Fergie les bons tuyaux

Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Surtout si ça doit durer toute une vie. Alex Ferguson a coaché des centaines de matches sur le banc de Manchester United en 25 ans. 126.900 minutes de souffrance jouissive rien qu’en Premier League…

Par Frédéric Waseige

Impressionnante carrière, mais le match n’est que la cerise on the cake. Pour un coach, le plus éreintant, c’est la semaine normalement. C’est préparer le gâteau. Des millions d’heures à trouver les solutions, à les proposer, à les répéter, à se renouveler, à ne jamais lasser, à faire semblant de ne pas voir, de ne pas entendre et tellement d’autres choses. Sir Alex, lui, ne s’embarrasse pas de tout cela. Pourquoi s’emmerder alors que d’autres peuvent le faire à sa place ? En plus, ils sont contents de le faire. Sir Alex est manager (directeur sportif et coach), pas entraîneur de terrain principal.

Il y a un mois, Carlos Queiroz était en Belgique pour assister à Lierse-Saint-Trond. Devenu entraîneur de l’équipe nationale iranienne, il était là pour visionner Reza. Il n’a pas vu grand-chose mais, nous, on en a apprit beaucoup. Comme l’histoire de son premier jour comme adjoint de Ferguson en 2002. Il frappe timidement à la porte du boss : Come in, entend-il. Il entre et demande : « Qu’est ce qu’on fait ce matin ? » Réponse de Ferguson : « Mais qu’est-ce que j’en fucking sais ! Damned, c’est toi l’entraîneur. C’est toi qui prépare, c’est toi qui donne l’entraînement ». Queiroz a tout préparé et tout donné pendant ses cinq ans à United.

Il a même coaché comme n°1. « Un jour Sir Alex m’appelle : -Demain on va jouer ce match amical, c’est toi qui t’occupes de tout, moi je vais jouer au golf ».

Savoir déléguer pour mieux régner. Très souvent, il n’arrive que le jeudi au centre d’entraînement. Ça aide à rester éternellement jeune.

Quand l’arrêt Bosman change la donne en 1995, tout le monde hurlait à la mort. C’était la fin de la formation ! Pas pour lui : « Il ne faut pas que cette affaire affecte le défi de la formation. L’esprit d’équipe est créé par les joueurs qui sont depuis longtemps dans le club. Les jeunes joueurs sont l’âme de l’équipe. » Il avait tout compris : tout le monde demande de l’expérience, lui veut de la jeunesse. La moitié de ses joueurs n’étaient pas nés quand il est arrivé en 1986.

25 ans que ça dure pour lui. Pour les autres par contre… De ses 22 collègues qui officiaient en D1 en 1986, ne reste que Kenny Dalglish de retour la saison dernière après 10 années sabbatiques ! En 20 ans de Premier League, le règne moyen d’un coach est de quatre ans. Sur la même période, dans les quatre divisions professionnelles anglaises, 1.052 entraîneurs ont été virés.

La came de Ferguson c’est la Gagne. Gagner tout, tout le temps. Encore et toujours. Sans oublier de rester humble. Il est tellement conscient qu’il accomplit un job extraordinaire qu’il fait tout pour le garder. Quand on a débuté sa vie d’adulte sur les docks de Glasgow, qu’on y a mené une grève à 22 ans et qu’on a été gérant de pub, on apprécie le confort d’un banc.

Je rêve de l’interviewer. Malheureusement, en Ligue des Champions, il se fait rare, très rare. En six ans, je ne l’ai vu que deux fois dans la zone réservée aux télévisons étrangères. La première, c’est parce qu’il s’était trompé de couloir. La deuxième, c’était la saison dernière à Marseille. Trois choses me frappent chez lui. Un : sa petite taille. Deux : tu n’as pas envie d’aller l’emmerder. Trois : son petit sourire, en coin comme son £il, qui frise quand il croise une biche comme ce soir de CL où, dans le couloir des télés européennes, il remarque une collègue blonde appuyée sur des béquilles. Il s’arrête, la regarde et dit, aussi coquin que taquin : « Je vous offre deux minutes mademoiselle ».

J’étais fou. Pour une fois qu’il passait par là ! J’ai même regretté de ne pas être blonde. « My way or the highway » (on fait ce que je dis ou dehors !) est ta devise à Manchester. Moi j’te suivrais partout Alex. Même sur la Highway to hell.

« Je ne joue pas contre une équipe en particulier. Je joue pour me battre contre l’idée de perdre. » Eric Cantona.

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