Euphorie sans frontières

Le 11 avril, quand la FIFA dévoilera son nouveau classement mondial, les Diables Rouges devraient figurer à la 16e place, la meilleure de leur histoire, conjointement au ranking qu’ils occupaient il y a tout juste 10 ans, en 2003. C’est même mieux, de nos jours, que le Brésil, même si le jeu du quintuple champion du monde ne recèle plus de magie depuis longtemps et qu’aucun de ses joueurs ne dégage plus un sentiment d’invincibilité lorsqu’il enfile le magique ensemble jaune et vert. À quinze mois du Mondial, le football stagne au Brésil, de même qu’on discerne bien peu de progrès dans les chantiers de réfection.

L’année prochaine, le géant sud-américain doit devenir la terre promise des Diables Rouges. Compte tenu de l’enthousiasme qu’ils ont suscité, un échec constituerait un drame national. La semaine dernière, le match contre la Macédoine a été loin d’être bon, les tribunes ont fait entendre quelques protestations mais à 1-0, tout le monde a dansé de joie. Pourtant, contre une Macédoine arc-boutée devant son goal, la Belgique a joué trop lentement et multiplié les passes latérales. Jusqu’à ce qu’Eden Hazard brise la résistance d’une action dont il a le secret.

Qu’on ait ensuite porté le feu-follet de Chelsea aux nues, en affirmant même qu’à son âge, il avait déjà surpassé maintes vedettes de rang mondial, s’intègre dans cette euphorie sans frontières. D’un coup de baguette magique, Hazard, souvent brillant en Premier League mais généralement en dessous de ce niveau chez les Diables, a balayé tous les doutes dont il est l’objet alors qu’un match à domicile contre une équipe moyenne, comme la Macédoine, ne peut servir de véritable repère.

L’équipe nationale a vécu une longue traversée du désert, ce qui explique l’euphorie qu’elle suscite maintenant mais des attentes trop élevées pourraient précisément former le principal obstacle à sa qualification pour le Brésil. Les footballeurs, qui évoluent déjà dans un univers artificiel et sont entourés de gens qui leur racontent ce qu’ils ont envie d’entendre, courent le risque de se surestimer, d’autant que certains d’entre eux ne sont pas les champions de l’autocritique, comme l’a montré la réaction de Dries Mertens, qui ne comprenait pas pourquoi il avait été remplacé.

La mimique de RomeluLukaku ne reflétait pas précisément la joie non plus quand il a dû s’échauffer pour finalement rester sur la touche, même si Christian Benteke a disputé un match assez terne. Heureusement, Marc Wilmots gère bien ce genre de situations. La manière dont il traite Hazard en dit long sur ses qualités de people manager. Il n’enferme pas ses joueurs dans des règles strictes, pas plus qu’il ne les inonde de directives, et les crises d’infantilisme ne le perturbent pas.

Le sélectionneur a évidemment la chance que les résultats suivent et que les réactions capricieuses, comme celle de Mertens, sont vite oubliées. On ne mesurera la véritable force de cette équipe que quand ça ira moins bien. À ce moment, on saura si cette génération est aussi bonne que nous le pensons tous et s’il y règne un véritable esprit collectif, comme au sein de l’équipe en or des années 80.

Marc Wilmots s’appuie d’ailleurs sur ce passé pour tempérer l’optimisme. Lorsqu’il se repasse les six matches de qualification, il n’est vraiment satisfait que de la première mi-temps contre l’Ecosse, une mi-temps dénuée de but, alors que les Diables Rouges ont monopolisé le ballon, comme durant la plupart de leurs autres joutes. C’est une étrange contradiction : ce football dominant a finalement produit une faible récolte de buts.

L’équipe doit progresser de ce point de vue. Elle s’appuie sur une solide défense centrale et sur un gardien de l’envergure de Thibaut Courtois. Le Limbourgeois de vingt ans est également encensé. Dans nos colonnes, l’ancien international Michel Renquin estime Courtois meilleur que Jean-Marie Pfaff ou Michel Preud’homme à son âge. Les superlatifs sont présents dans toutes les bouches.

Ce pays baigne dans un délire qui rappelle la folie déclenchée par le déroulement du Mondial 1986, quand la Belgique a atteint les demi-finales. Pour l’heure, l’équipe n’a encore rien atteint. Dans ce climat, le principal défi de Marc Wilmots consiste à garder ses troupes sur la bonne voie.

PAR JACQUES SYS

L’excès de confiance constitue maintenant le principal danger.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire