ET DIEU CRÉA LA FLEMME

Tout là-haut, Dieu Johan a déjà la flemme. Contagieuse, elle touche son apôtre préféré. Symptôme ? Manque de Pep’s. Celui sensé appliquer et propager les évangiles  » Cruyffiens  » sur terre n’y arrive plus. Guardiola découvre une chose à laquelle il n’a jamais été confronté. Il découvre un contexte dans lequel il n’est pas la référence, celui qui décide de tout. Comme l’intensité, le rythme d’un match de football. Tout simplement, il ne s’attendait pas à ça. Ça, c’est la Premier league. En comparaison, la Liga c’est Walt Disney, la Bundesliga, la Bayernliga.

Pendant le match à Everton, il y a trois semaines, sa tête percée par deux yeux perdus, hagards, était merveilleuse d’authenticité, de vérité. Comme celle d’un enfant pris en flagrant délit de mensonge. Pep ne ment pas aux autres mais, peut-être, se ment-il à lui-même. La vérité du contexte est loin, très loin de ce que ses vérités lui laissaient augurer. Pendant cette longue minute de réflexion, il a compris qu’en fait, sa carrière d’entraîneur commençait. Fini de survoler, retour les pieds sur le gazon.

Ce 15 janvier était, peut-être, l’inauguration d’un nouveau  » Pep show « . À poil Guardiola. Fini les doudounes de marque Messi, Lewandowski et autres. Le tweed British pas pour lui. Va falloir renouveler sa garde-robe. Y a de quoi douter. Les chiffres sont parfois plus cinglants que les mots. Lors de sa première saison avec le Barça, après 20 matchs, il était en tête avec 12 points d’avance sur le Real Madrid. Lors de sa première saison avec le Bayern idem avec +13 points sur le Bayer Leverkusen. Ici, il arrive à Man City et après 20 journées, il est cinquième à 10 points de Chelsea.

Bienvenue au pays fondateur du foot, celui où les idées changent peu à peu mais pas l’application des textes sacrés. C’est à fond tout le temps par tous les temps. Et peu importe l’adversaire. Pas d’état d’âme mais bien ce supplément d’âme qui renverse les Titans, les talents et les certitudes qui vont avec. Ça rend fragile. Le City de Pep n’a plus les certitudes de ceux qui gagnent toujours à la fin mais bien celles de ceux qui savent qu’à la fin, ils peuvent perdre.

Durant sa carrière, Guardiola a coaché 278 matches de championnat. Il en a perdu…25. Superbe bilan mais cinq l’ont été sur les 21 premiers matchs de cette saison. Pourquoi ? Parce que tout va plus vite en Angleterre. Parce qu’ici, tu es plus vite puni qu’ailleurs. Parce qu’ici, ton gardien que tu veux premier relanceur subit presque un marquage individuel. Parce qu’ici, il doit être plus fort avec les mains qu’avec les pieds. Claudio Bravo, si bon au Barça, en a presque oublié qu’il avait des bras en arrivant chez les Citizens. Il a l’impression d’avoir changé de sport.

En Angleterre, quand ton équipe perd le ballon, les défenseurs n’ont pas le temps de finir leur journal et leur tasse de  » café con leche  » avant de se replacer. Au Barça si et quand il le perdait, c’était dans le rectangle adverse et il était récupéré avant que l’adversaire n’ait passé la moitié du terrain. Ici tu le perds, pas le temps de t’en rendre compte qu’il est déjà dans ton rectangle.

Un rectangle où manquait cruellement Vince The Prince. Les fans des Citizens se tapent tous les soirs leur nouveau film culte :  » On a retrouvé le 37e Kompany.  » Si si, depuis qu’il est là (2008) Vincent a connu 37 blessures. Ce sera mieux avec lui. Certain.

Depuis son arrivée, le club a acheté neuf stoppeurs pour 216 millions d’euros mais, sans lui, ils stoppent moins bien. Man City est un des clubs les plus riches au monde mais il doit, trop souvent, jouer avec Sagna et Clichy sur les flancs et Zabaleta en récupérateur. Des joueurs qui méritent tout notre respect mais qui ne sont pas à l’aise dans le style Guardiola. 14 défenses différentes ont été alignées depuis le début de la saison. Le système c’est bien, les hommes qui savent l’appliquer c’est mieux.

Pep a mis le feu sur toutes les pelouses du monde. Mais le pyromane est devenu pompier. Il a intérêt à très vite trouver la bonne brigade histoire d’éteindre la flemme pour mieux retrouver la flamme.

PAR FRÉDÉRIC WASEIGE

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