ESPRIT OLYMPIQUE

Il y a 12 mois, le jeune Liégeois était en plein doute. Aujourd’hui, certains le considèrent comme le meilleur arrière gauche du championnat.

Certains le réclament avec insistance en équipe nationale. Aux yeux de beaucoup d’observateurs, il est tout simplement le meilleur arrière gauche du championnat de Belgique. Pourtant, il y a 12 mois, personne ne le connaissait. Lui-même se posait beaucoup de questions et fut à deux doigts de quitter Genk. D’aucuns le trouvent mystérieux. Effectivement, il n’est pas expansif. Mais il faut prendre le temps de l’écouter. On découvre alors beaucoup de bons sens dans ses propos. On décou-vre aussi que, sous ses allures d’adolescent un peu introverti, il cache un caractère bien trempé. Il sait ce qu’il veut et n’aime pas se faire marcher sur les pieds, Poco.  » Poco, Poki, Pokémon… On m’a déjà affublé de tous les surnoms ou diminutifs. Je préfère qu’on m’appelle simplement Sébastien « .

Sébastien, nous sommes le 13 décembre 2006. Il y a un an, le 13 décembre 2005, vous étiez en plein doute…

Sébastien Pocognoli : J’étais dans le trou. Je n’avais pas de temps de jeu, et je ne le méritais pas non plus, car je n’étais pas encore prêt. Mais cela, quand on est jeune, on ne le comprend pas. Je sentais que beaucoup de gens croyaient en moi et je trépignais d’impatience à l’idée de démontrer mon talent sur le terrain. Cela durait trop longtemps à mon goût, avant que je ne reçoive ma chance, et j’étais sur le point de quitter Genk. J’avais personnellement téléphoné au président Jos Vaessen pour lui faire part de mes intentions. J’avais envie de tenter ma chance aux Pays-Bas, où un jeune reçoit plus facilement l’occasion de s’exprimer. J’étais d’autant plus déterminé qu’un grand club comme AZ Alkmaar, entraîné par un homme aussi réputé que Louis van Gaal, était intéressé par mes services. Puis, pendant le stage du RC Genk en Turquie, Indridi Sigurdsson et Tom Soetaers se sont blessés. Le flanc gauche était décimé, il ne restait plus que Gonzague Vandooren et moi-même. J’ai disputé deux matches amicaux : l’un contre le Spartak Moscou, à l’arrière gauche ; l’autre contre Trabzonspor, au milieu gauche, où j’ai inscrit deux buts. Pour la reprise du championnat, à Charleroi, j’ai reçu ma chance et j’ai délivré un assist. Ensuite, contre Westerlo, j’ai marqué alors que je venais d’entrer au jeu depuis 20 secondes. J’étais lancé. En fin de saison, les supporters m’ont attribué la troisième place au classement du joueur le plus méritant, derrière Steven Defour et Bob Peeters.

 » Plus tard, je ferai part de mon expérience aux jeunes  »

Le stage en Turquie fut un premier tournant dans votre jeune carrière. Le deuxième s’est situé durant l’été, lorsque vous avez décidé de rester à Genk malgré les propositions dont vous avez fait l’objet.

Beaucoup de clubs se sont, en effet, intéressés à moi. Il y avait de nouveau l’AZ, mais aussi de très bons clubs en France, dont Lens. Feyenoord également : c’était Philippe Léonard ou moi. Ce qui m’a incité à rester à Genk ? Le fait que je jouais, tout simplement ; le fait que l’entraîneur me fasse confiance, à 19 ans, dans un club du Top 3 en Belgique. Je me rendais compte aussi que je ne pouvais pas partir comme cela, sur un coup de tête, après avoir joué une quinzaine de matches en D1. Je devais rester honnête vis-à-vis du club qui m’a formé. Et puis, en partant trop tôt, je me serais peut-être brûlé. Ma famille et mon entourage m’ont conseillé de rester. Mon manager Kismet Eris également. S’il avait uniquement pensé à l’argent, il aurait insisté pour que je sois transféré. Mais il a d’abord songé à mon intérêt personnel. Ma fidélité envers Genk a été récompensée : j’ai reçu un très beau contrat et je suis apprécié par tous, de l’entraîneur au… jardinier, en passant par les dirigeants et les supporters.

D’une certaine manière, vous avez donné une leçon à d’autres jeunes qui sont trop rapidement attirés par les sirènes étrangères ?

D’un côté, c’est bien d’être impatient car cela signifie qu’on est motivé et qu’on croit en ses possibilités. D’un autre côté, cela signifie aussi qu’on n’a pas toujours conscience de la réalité. L’impatience pousse parfois à effectuer de mauvais choix. Plus tard, lorsque j’aurai 30 ans et que je verrai un jeune qui se montre impatient parce qu’il attend sa chance pendant deux ou trois mois, je lui conseillerai de prendre son temps. Je lui ferai part de mon expérience personnelle, en lui demandant : – Honnêtement, pensestuêtreprêt ?Terendstucomptequ’iltemanqueencorececi etcela ?

Hugo Broos vous a-t-il beaucoup parlé durant cette période où vous étiez à la croisée des chemins ?

On sait qu’il n’est pas un grand parleur. On a peut-être discuté trois fois sur l’année, pendant quelques minutes. Mais ces dix minutes de discussion ont suffi pour me convaincre. Broos a éclairci la situation : il m’a cité les points que je devais encore améliorer et m’a donné un objectif. D’autres entraîneurs parlent pendant des heures, mais tournent autour du pot et finissent par vous planter un couteau dans le dos. Finalement, je dois reconnaître que Broos a été très honnête envers moi-même si je dois avouer que je n’ai pas admis son point de vue directement. Je voyais Steven Defour qui jouait, Marvin Ogunjimi qui jouait, Jordan Remacle qui jouait… Et moi, je ne jouais pas alors que j’avais été le premier à être lancé en D1, à 16 ans ! C’était frustrant.

 » Lens, ce serait l’idéal  »

Et aujourd’hui, vous continuez à progresser ?

Bien sûr. Je progresse à chaque match… à force de commettre des erreurs. Je resterai à Genk jusqu’au jour où je ne progresserai plus. Mais je ne peux pas encore dire si ce sera dans un, deux, trois ou quatre ans. C’est mon évolution qui en décidera. Après Genk, ce qu’il me faudrait, c’est un bon club du sub-top à l’étranger. Pas excessivement ambitieux, mais pas dénué d’ambitions non plus. Un club comme Lens serait idéal. C’est un peu le Genk français : un club bien structuré, où règne une bonne ambiance, et qui joue souvent le haut du tableau. Ce serait magnifique de pouvoir poursuivre ma carrière là-bas. Mais avant cela, je dois corriger mes lacunes. Je dois encore améliorer mon positionnement, qui n’est pas parfait, sans doute parce que je suis un attaquant de formation. Je dois aussi m’efforcer de rester concentré jusqu’au bout, mais lorsqu’on est un peu dans le rouge à la fin d’un match, ce n’est pas toujours facile. Enfin, je dois apprendre à mieux gérer mes efforts. Pour l’instant, je ne cache pas que je suis un peu fatigué. Il paraît que ce genre de fatigue passagère est tout à fait normal pour un jeune de mon âge et que cela m’arrivera encore.

Genk peut-il être champion ?

Oui, mais Anderlecht, Bruges et le Standard peuvent l’être également. Le mercato sera sans doute déterminant. L’enrôlement de deux joueurs, susceptibles d’étoffer le noyau, ferait du bien. Genk n’a pas un noyau aussi étoffé que celui d’Anderlecht. Ce sont toujours les mêmes qui jouent. Il y a moins de qualité également, on doit compenser par le caractère et les automatismes. Remporter le titre serait fantastique. Mais si on termine deuxième ou troisième, la saison ne serait pas ratée pour autant.

Le club réalise en tout cas un parcours étonnant, alors que la préparation avait été catastrophique.

Lorsque je suis parti au Championnat d’Europe des -19 ans en Pologne, en juillet, l’ambiance était excellente. Lorsque je suis revenu, je me suis demandé où j’avais remis les pieds. C’était le jour et la nuit. L’ambiance s’était totalement pourrie. C’était encore pire que la saison dernière où, il faut bien l’avouer, on se regardait parfois en chiens de faïence. Les résultats ne suivaient pas, on ne trouvait pas la bonne formule. C’était la panique. Puis, on a bien démarré le championnat et tout est rentré dans l’ordre. L’ambiance est redevenue très bonne, meilleure que jamais. On se voit après les matches, on sort ensemble. Comme quoi, les résultats déterminent tout.

 » Je suis serein par rapport à l’équipe nationale  »

Comment réagissez-vous à l’écoute de tous ces gens qui vous réclament en équipe nationale ?

Je prends cela très sereinement. Rien ne dit que je ne commettrais pas, au niveau international, des erreurs que je ne commets pas habituellement au niveau national. Et puis, je ne sais pas si cela aurait été l’idéal de me lancer contre la Pologne, dans une équipe qui ne tourne pas. J’aurais peut-être sombré avec les autres. Il faut attendre le bon moment, et j’espère que ce moment viendra. En fait, vis-à-vis de l’équipe nationale, je suis un peu dans la même situation que vis-à-vis de Genk : au fond de moi-même, je suis persuadé d’avoir le potentiel, mais il vaut sans doute mieux ne pas s’impatienter. Je constate, comme tout le monde, que Thomas Vermaelen n’est pas un arrière gauche de formation, que Philippe Léonard n’est pas titulaire à Feyenoord, que Peter Van der Heyden est blessé et qu’Olivier Deschacht n’entre pas dans les bonnes grâces du sélectionneur. Alors, je trépigne d’impatience : je me dis que si Anthony Vanden Borre et Steven Defour ont été repris à 17 ans, pourquoi Sébastien Pocognoli ne pourrait-il pas l’être à 19 ans ? Une simple présélection me ferait déjà plaisir, ce serait un signe d’encouragement.

Estimez-vous qu’il y a un boycott de René Vandereycken vis-à-vis de Genk ?

Je n’en sais rien, lui seul peut répondre à cette question. Personnellement, j’estime qu’outre Kevin Vandenbergh, d’autres joueurs de Genk auraient mérité une sélection. N’a-t-on pas gagné 1-4 à Anderlecht avec neuf joueurs belges sur le terrain ? Je ne parle pas nécessairement pour moi. Mais il faut laisser au sélectionneur la responsabilité de ses choix. Il a fait des résultats partout où il est passé. C’est un homme qui a des idées et qui, à la limite, préfère mourir avec ses idées. Il l’avait déjà démontré à Genk : au début, cela n’allait pas, mais il a persévéré et il a fini par réussir. A cette époque, il ne m’avait jamais accordé la moindre chance. La différence entre Genk et l’équipe nationale, c’est que chez les Diables Rouges, le sélectionneur n’a pas le temps. Il ne peut pas se permettre de prendre six mois pour trouver son équipe idéale, car les éliminatoires sont courtes et les points perdus se récupèrent difficilement.

 » Je rêve de Pékin  »

En attendant une éventuelle sélection en équipe nationale, il y aura le Championnat d’Europe des -21 ans, en juin aux Pays-Bas. Cela vous fait rêver ?

Ce sont surtout les Jeux Olympiques qui me font rêver. Terminer parmi les quatre premiers et partir à Pékin, ce serait extraordinaire. J’en salive rien que d’y penser. Ce sera difficile, mais sait-on jamais ? On possède un très bon groupe, il y a peut-être moyen de forger un exploit. Il y a deux titulaires potentiels pour chaque poste. Moi-même, je ne suis pas certain d’être titulaire à l’arrière gauche. Landry Mulemo est un très sérieux concurrent. Il est là depuis deux ans et n’a jamais déçu, je comprends parfaitement que Jean-François de Sart ne veuille pas l’enlever pour m’aligner à tout prix. Je suis nouveau dans le groupe, puisque je suis tout juste issu des -19 ans. Landry était suspendu pour le match retour en Bulgarie, et grâce à cela, j’ai reçu ma chance. Apparemment, je l’ai saisie, puisque j’étais titulaire lors du match amical contre le Maroc. Maintenant, c’est à moi de confirmer.

Etes-vous favorable au rappel d’internationaux A qui ont encore l’âge de jouer en Espoirs ?

Je pense que Thomas Vermaelen et Steven Defour feraient du bien. A la fois pour la position qu’ils occupent sur le terrain et pour leur enthousiasme. Pour Vincent Kompany et Anthony Vanden Borre, je suis plus sceptique. Non pas qu’ils aient moins de qualités, mais ils sont peut-être déjà trop enracinés avec l’équipe A pour se sentir vraiment concernés par les Espoirs. Et puis, en Espoirs, on joue avec des ailiers. Le style de jeu est différent. Je pense que de Sart consultera le groupe avant de prendre position. C’est son habitude, il parle beaucoup avec ses joueurs. Au niveau relationnel, il est formidable.

DANIEL DEVOS

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