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Escapade amoureuse

J’aurais pu vous dire qu’il y avait quelque chose de romantique dans l’air bruxellois ce week-end. Un côté gens qui rient, gens qui pleurent, gens qui rient et qui pleurent en même temps, aussi. J’aurais pu vous conter une énième fois la belle histoire de l’Union Saint-Gilloise. J’aurais pu tenter un nouveau coup de tableau noir pour expliquer les maux d’Anderlecht. J’aurais pu coucher quelques lignes sur un Standard qui est en train de trouver un moyen de sauver sa saison, par une porte dérobée frappée d’un « Croky Cup ». J’aurais même pu vous exprimer combien la prestation du Paris Saint-Germain ce dimanche soir face au FC Nantes était indigeste. Me connaissant, j’aurais aussi été capable de vous écrire une page entière sur le but aussi beau que vain d’ Erik Lamela dans le derby du nord de Londres, dont j’aimerais bien voir, un jour, le tableau peint dans un musée. Enfin, j’aurais pu rendre hommage à Cristiano Ronaldo, qui est venu battre en couleurs un record entamé en noir et blanc par le Roi Pelé. J’aurais pu faire tout ça si j’étais à l’aise avec l’idée de vous mentir. J’aurais pu si, ce week-end, mes yeux n’étaient pas braqués ailleurs.

Je m’autorise, de temps à autre, une escapade cyclisme pour entretenir la flamme dans ma relation avec le ballon rond.

Les journalistes et consultants sont rangés soigneusement, comme dans une bibliothèque. Si vous me cherchiez, vous demanderiez à la documentaliste où se trouve la section F comme « football » et vous me retrouveriez, un peu poussiéreux, entre quelques collègues. Puis vous constateriez, en vous baladant dans ces allées, combien les planches de bois séparant les sports sont épaisses, comme pour rendre impossible la coexistence de passions aussi fortes l’une que l’autre. Ce week-end, je l’ai passé devant le cyclisme. Les fesses dans un canapé plus confortable qu’une selle, mais quand même le cul entre deux chaises, quelque part entre Paris-Nice et Tirreno-Adriatico. C’est comme ça depuis que j’ai l’âge de ne pas me rappeler mon âge. C’est comme ça depuis que j’ai regardé mes premiers Tours de France avec mon grand-père, pour qui j’ai souvent une pensée devant le vélo. Il trouverait certainement un moyen de râler devant les exploits de Mathieu van der Poel, car il ne se satisfaisait de rien, mais il aurait quand même été là le lendemain, parce que même si c’était mieux avant, ce petit Van Aert, il n’est pas mauvais. Et j’aurais bu ses paroles comme si elles étaient celles d’un Laurent Bruwier ou d’un Cyril Saugrain, alors que chez lui, en Sicile, il a toujours préféré la moto au vélo.

Ce bref moment de nostalgie pour vous expliquer mon infidélité passagère au football ce week-end. Une escapade que je m’autorise, de temps à autre, de manière assez paradoxale pour entretenir la flamme dans ma relation avec le ballon rond. Assez souvent, on me questionne sur mon rapport au foot. Un sport dont je dirais presque qu’il m’a choisi plus que je ne l’ai choisi. Il est comme mon prénom ou ma famille: c’est comme ça, et franchement, j’ai du bol. Cependant, après plus d’une décennie à travailler dans le foot – pourvu que ça dure – je n’ai aucun complexe à dire qu’il m’arrive d’éprouver plus de plaisir devant une course cycliste. Aucun complexe à dire que je connais probablement la composition de l’équipe CSC Tiscali du Tour de France 2002 plus fidèlement que celle de Genk. Aucun complexe, enfin, à trouver souvent une dimension plus épique et humaine dans les histoires que l’on peut raconter dans le vélo que dans le foot.

Mais l’époque ne déçoit jamais. Alors peu importe les sports, les débats se ressemblent. J’ai lu, ça et là, que Primoz Roglic aurait été inspiré de laisser la victoire de la septième étape de Paris-Nice au Suisse Gino Mäder, auteur d’une magnifique journée à l’avant. Parce que le cyclisme serait, à certains égards, un sport politique, fait d’alliances, et ce n’est qu’à moitié faux. Puis je me suis rappelé qu’en 2000, sur une chaise inconfortable d’un appartement de location des Sables-d’Olonne, en Vendée, j’avais regardé mon grand-père pester devant Lance Armstrong, qui venait de laisser Marco Pantani s’imposer au sommet du mont Ventoux. Ce « beau geste » avait agacé mon nonno autant que le Pirate, dont la victoire quelques jours plus tard à Courchevel, n’avait pas le même goût amer. Je respecterai toujours qu’un champion ne veuille que la gagne et rien d’autre. C’est exactement ce qui fait d’eux des êtres spéciaux. Encore plus quand la poisse (et la direction sportive, diront certains), vous suce la roue. Roglic a bien fait de gagner samedi, dimanche l’a tristement prouvé. Et pour répondre à la question que vous vous poserez certainement après cette chronique: samedi prochain, je serai dans le box-to-box sur Eleven et l’arrivée de Milan-Sanremo devrait se juger entre Waasland-Beveren – Saint-Trond et Mouscron-Ostende.

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