Enzo, le précurseur

Les Diables Rouges multiculturels ne sont pas nés lors de la dernière Coupe du Monde. Au début des années 80, AlexCzerniatynski et Enzo Scifo éprouvèrent bien plus de problèmes que les stars actuelles d’origines diverses à s’imposer en équipe nationale. Le père de Czernia fit notamment partie de l’armée américaine lancée aux trousses des Nazis avant de devenir une gueule noire en Belgique. Alex fut souvent au centre de la polémique, en D1 et en équipe nationale, en raison de son style de battant et d’attaquent peu académique. Alors que Jean Czerniatynski était polonais, Agostino, le papa d’Enzo est né à Aragona, en Sicile, et gagna d’abord sa croûte en extirpant la houille des entrailles de la terre hennuyère. Pierre Hanon et Paul Van Himst me parlèrent les premiers d’un jeune milieu de terrain surdoué, un certain Enzo Scifo. J’ai suivi un match des Juniors UEFA d’Anderlecht, avant de lui demander un entretien qui se déroula dans la tribune de son club de départ, La Louvière. Je me souviens encore du titre de cet article : Lozano bis.

Un peu plus tard, en août 1983, le public mauve ébahi découvrait véritablement la dimension de Scifo lors du match de gala des 75 ans du RSCA contre Barcelone. Le gamin de 17 ans et demi, de la région du Centre, éclaira cette belle soirée de sa classe. Un spectacle de toute beauté, le début de carrière d’un talent que le monde entier nous envia. Il accepta de me recevoir chez lui, Cité Astrid, à La Louvière entouré des siens, lisez ses parents, Alfonsa et Agostino, sa soeur Angelina et son frère Pino qui disparut plus tard dans un tragique accident de travail.

Enzo étaya sagement ses propos :  » L’accueil de tous les joueurs d’Anderlecht fut rudement sympathique le jour de la rencontre contre Barcelone. Michel Verschueren me parla d’un contrat à… signer dès le lendemain. Vingt-quatre heures plus tard, je paraphais tous les documents faisant de moi un  » pro  » pour deux ans. Les conditions sont intéressantes et l’accord sera revu à la hausse si je confirme tous les espoirs placés en moi. Car, même si les éloges sont nombreux, j’ai encore tout à prouver. Un joueur ne peut être jugé en une ou deux rencontres. Ce sont les premiers résultats d’un travail de longue haleine. Et mes parents méritaient bien de telles satisfactions.  »

Naturalisé en 1984, le prodige fut tout de suite appelé par Guy Thys en équipe nationale. Il n’y fut pas toujours à la fête car la jalousie était grande au coeur de l’effectif et une petite partie de la presse n’appréciait pas trop sa haute technicité. Ses origines, sa magnifique touche de balle, venue d’ailleurs, sa vista, sa frappe, sa détente et son sens du but en ont fait le précurseur de ce que les Diables Rouges sont désormais capables de proposer sur les pelouses.

PAR PIERRE BILIC

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