La candidature belgo-hollandaise est dans une phase décisive.

Belgique/Pays-Bas, Espagne/Portugal, Russie, Angleterre : le 2 décembre, on connaîtra l’organisateur de la Coupe du Monde 2018. Notre projet fou ( The HollandBelgium Bid) est dans le dernier carré. Et il traverse actuellement une phase cruciale. Depuis lundi et jusqu’à ce jeudi, une commission d’inspection de la FIFA est en visite. Deux jours en Belgique, deux autres journées aux Pays-Bas. Phase cruciale car c’est l’unique visite de la Fédération Internationale avant le vote décisif par son comité exécutif.

Questions pour une candidature.

Qui est là ?

La commission d’inspection de la FIFA est composée de cinq personnes, cinq techniciens qui ont déjà lu le Bidbook (700 pages) et posé certaines questions au coordinateur néerlandais de la candidature avant de venir. Le directeur de la commission est un Chilien. Les autres membres viennent d’Allemagne, d’Autriche (un spécialiste en médias), d’Ecosse (un expert en marketing) et d’Afrique du Sud. Deux sont des employés full-time de la FIFA, les trois autres ont une autre occupation principale et sont membres de l’une ou l’autre commission. Lundi, ils ont visité le Brussels Expo, le site qui serait le centre névralgique pour les médias et d’autres opérations en cas de Coupe du Monde chez nous. Mardi, ils se sont arrêtés à l’hôtel de ville de Bruxelles, ont rencontré le Premier ministre, visité des infrastructures d’entraînement dans la capitale et se sont rendus à Anvers. Ce mercredi, ils voient les stades d’Eindhoven et un autre à Rotterdam, et discutent avec le Premier ministre néerlandais. Et jeudi, ils se rendent dans des hôtels d’Amsterdam puis à l’ArenA. Ce sont les cinq mêmes personnes qui visitent tous les pays candidats pour les éditions 2018 et 2022. Elles ont commencé leur boulot après le tournoi sud-africain et ont déjà passé le Japon et la Corée du Sud (candidats pour 2022) au peigne fin.

Comment travaille la FIFA ?

La méthode d’inspection évolue régulièrement. Pour cette visite en Belgique et aux Pays-Bas, la commission suit un programme strict, rédigé par la FIFA. En 2003, la méthode était différente lorsqu’une délégation avait visité les pays africains candidats à l’organisation du Mondial 2010 : Tunisie, Maroc, Egypte, Libye et Afrique du Sud. La commission était alors composée de cinq personnes qui avaient pu décider de leur méthode de travail, approuvée ensuite par la FIFA. Ce groupe comprenait un Finlandais, un Chilien, un Français et deux Belges : Jan Peeters et Michel Sablon.  » Nous étions tous responsables d’un domaine bien distinct « , dit Sablon.  » Je m’occupais par exemple de tout ce qui concernait les stades et les installations d’entraînement. Nous avons passé entre cinq et dix jours dans chaque pays. Je suis retourné en Afrique du Sud juste avant le début de la Coupe du Monde et j’ai constaté que l’organisation et les installations étaient encore plus performantes qu’à l’époque de notre visite. Notamment au niveau de la sécurité, alors que c’était un de nos principaux soucis.  »

Que voit la commission d’inspection ?

Rien de bien concret, évidemment, à huit ou douze ans des tournois. Aucun stade actuel n’a la configuration qu’il aurait en cas d’attribution de la Coupe du Monde. Les experts doivent donc se contenter d’étudier les plans, les maquettes et les engagements politiques. Ils s’intéressent aussi aux infrastructures routières, aéroportuaires, ferroviaires et fluviales. Les prévisions du Bureau du Plan sont prises en compte. Les Belges et les Hollandais insistent beaucoup sur l’existence d’un aéroport dans les environs de la plupart des villes retenues, sur l’important tissu d’autoroutes, sur le TGV qui relie la majorité des villes et sur la possibilité de se déplacer en bateau dans les deux pays et d’une nation à l’autre. La commission s’intéresse aussi aux hôpitaux et au système de santé publique (qui est en Belgique un des meilleurs d’Europe).

Le Mondial 2018 à coup sûr en Europe ?

Ce n’est pas automatique mais sûr  » à 98,5 % « , selon Alain Courtois, initiateur du projet et représentant du gouvernement belge. Après l’Afrique en 2010 et l’Amérique du Sud en 2014, on voit mal comment l’édition 2018 pourrait échapper à l’Europe. Les Etats-Unis sont toujours candidats mais risquent de ne plus l’être au moment du vote de décembre. Sont candidats uniquement pour 2022 : le Qatar, la Corée du Sud, le Japon et l’Australie. Si l’édition 2018 échappait à l’Europe, la Belgique et les Pays-Bas resteraient candidats pour 2022.

Le Bid belgo-hollandais a-t-il des atouts que les autres n’ont pas ?

Alors que notre pays est politiquement un des plus compliqués du monde, toutes les autorités ont apporté leur soutien au Bid. Le Roi s’est également engagé et il a notamment reçu Sepp Blatter à Bruxelles. La présidence belge de l’Union européenne veut aussi frapper un grand coup dans les prochains mois. Elle vise une interdiction du transfert de footballeurs mineurs et une limitation du nombre de joueurs étrangers dans les championnats nationaux. Dans ce cadre, Sepp Blatter et Michel Platini seront invités à Bruxelles avant le vote de décembre. Toujours bon pour les contacts. Les auteurs du projet insistent aussi, depuis le début, sur la position de la Belgique au centre de l’Europe et sur Bruxelles qui en est sa capitale.

Qui vote ?

Ce sont les 24 membres du comité exécutif de la FIFA qui attribueront les Coupes du Monde 2018 et 2022. Ils auront auparavant analysé les recommandations de la commission d’inspection. Lorsqu’il faut voter pour confier l’organisation d’un Championnat d’Europe, les membres du comité exécutif de l’UEFA dont le pays est candidat ne participent pas au scrutin. C’est différent à la FIFA. Michel D’Hooghe votera donc mais cela ne nous donnera aucun avantage car les autres candidats européens ont aussi un représentant au comité exécutif. Les votants viennent des pays suivants : Suisse (Blatter), Argentine, Cameroun, Corée du Sud, Trinité-et-Tobago, Espagne, France (Platini), Tahiti, Angleterre, Belgique, Brésil, Qatar, Turquie, Etats-Unis, Thaïlande, Paraguay, Japon, Nigeria, Chypre, Côte-d’Ivoire, Allemagne ( Franz Beckenbauer), Guatemala, Egypte et Russie.

Qui est favori ?

 » La Russie « , lâche Alain Courtois.  » L’Angleterre semble aussi avoir de bonnes chances. Nous sommes des outsiders mais l’expérience de l’EURO 2000 peut jouer pour nous. La Belgique et les Pays-Bas avaient prouvé que deux petits pays pouvaient réussir un grand projet. Nous avons aussi ouvert la porte à d’autres petits : la Suisse et l’Autriche pour l’EURO 2008, la Pologne et l’Ukraine pour 2012. Pour la première fois, la Coupe d’Afrique des Nations va aussi se tenir dans deux pays. C’est une tendance qui s’installe et il faut savoir que les membres du comité exécutif de la FIFA viennent essentiellement de petits pays. Il y a cinq ans, j’avais déclaré que la Coupe du Monde ne devait plus être un privilège des grandes nations. Et les candidatures conjointes sont de plus en plus justifiées, tellement les frais d’organisation sont énormes. Je n’exclus même pas que les Jeux olympiques soient prochainement organisés par deux pays. « 

La candidature conjointe du Portugal et de l’Espagne semble toutefois avoir peu de chances. Parce que le gouvernement portugais a dit qu’il ne dépenserait pas plus d’argent pour le Mondial que pour son EURO 2004 et parce que l’Espagne traverse une grave crise financière et ne fera pas non plus de folies. La Russie est aussi la favorite de Sablon  » notamment parce que l’Angleterre a déjà les Jeux de 2012 et aura la Coupe du Monde de rugby en 2015. Et parce que la Russie peut tout se permettre. S’il faut construire 12 nouveaux stades ou aménager deux bandes supplémentaires sur certaines autoroutes pour le transport des délégations, l’Etat russe le fera. Idem s’il faut changer certaines lois dans l’optique de la Coupe du Monde (par exemple la création de tribunaux d’urgence pour les hooligans) alors que ce n’est pas possible chez nous. « 

Alain Courtois sait qu’il faudra aller chercher des voix en Afrique et dans les pays francophones… dont l’Egypte puisque ce pays fait officiellement partie de la francophonie. C’est pour cela que les auteurs du projet ont demandé le parrainage d’ AhmedHassan. Et Christian Karembeu a été attiré comme ambassadeur pour convaincre les votants de France et de Tahiti, proche de la Nouvelle-Calédonie dont il est originaire.

Tout le monde joue-t-il le jeu ?

Dans une élection pareille, les coups bas sont habituels, certains cherchent constamment la faille pour tuer l’adversaire. Sans parler des pots-de-vin qui pourraient toujours être proposés aux votants. Courtois :  » Nous raisonnons comme Eddy Merckx, qui disait toujours : -Je regarde mon vélo, pas celui de mes adversaires.  »

Quelles sont les forces motrices du Bid ?

Le président est Ruud Gullit. Côté belge, Sablon est directeur des opérations, François De Keersmaecker, Philippe Collin et Germain Landsheere sont dans la direction, D’Hooghe est conseiller. Et il y a une ribambelle d’ambassadeurs belges, hollandais et d’autres nationalités. Qui ne proviennent pas uniquement du monde du foot : Justine Henin, Merckx, Johan Cruijff, Paul Van Himst, Jean-Marie Pfaff, Ruud Krol, Gilles De Bilde, Pieter van den Hoogenband, Kim Gevaert, Enzo Scifo, Guus Hiddink, Marco van Basten, Jan Ceulemans, Edwin van de Sar, Eric Gerets, Michel Preud’homme, Hassan, Nader El-Sayed, Frank de Boer, Georges Grün, Wilfried Van Moer, Karembeu, Daniel Van Buyten, Vincent Kompany, Thomas Vermaelen, Wesley Sonck, Wesley Sneijder, RomeluLukaku, Rafael van der Vaart, Axel Witsel, Robin van Persie, Dick Advocaat, MarcWilmots, Erwin Vandenbergh, Luc Nilis, Marc Degryse, Olivier Deschacht, AiméAnthuenis, Roland Lamah, Marouane Fellaini, Igor de Camargo, Raoul Lambert, Tia Hellebaut, Georges Heylens, Frank De Bleeckere, etc.

Combien de stades ?

On a joué dans 10 stades en Afrique du Sud, 14 sont finalement prévus dans la candidature belgo-néerlandaise : Bruxelles, Liège, Charleroi, Anvers, Bruges, Gand, Genk, Rotterdam (2 stades), Amsterdam (2), Heerenveen, Enschede et Eindhoven. A Charleroi, Gand et Anvers, le nouveau stade aura une capacité de 25.000 places si la Coupe du Monde ne vient pas chez nous, de 44.000 places si nous en obtenons l’organisation. A Bruges et à Liège, les nouvelles installations compteront 44.000 sièges quoi qu’il arrive. A Bruxelles, le Heysel passera à 80.000 places en cas de Mondial. Et à Genk, le stade ne sera agrandi à 45.000 places qu’en cas de Coupe du Monde.

Combien de visiteurs prévus ? Et assez d’hôtels ?

La Belgique et les Pays-Bas misent sur 3 millions de touristes supporters – il y en a eu 1,2 million lors de l’EURO 2000. Ce chiffre effraye quand on connaît notre capacité hôtelière limitée. Mais des collaborations ont déjà été étudiées avec des villes étrangères qu’il est facile de rejoindre en TGV : Lille, Cologne, Aix-la-Chapelle, etc. Héberger des supporters à l’étranger ne serait pas une première : il est prévu que de nombreux spectateurs qui assisteront aux Jeux olympiques de Londres en 2012 logent à Bruxelles et à Paris, et prennent l’Eurostar pour aller sur le site des compétitions.

Quid des critiques politiques ?

Le politicien flamand Bert Anciaux a fait une sortie médiatique la semaine dernière. Il a critiqué les privilèges qui seraient accordés à la FIFA en cas de Mondial chez nous et émis son scepticisme sur le montage financier du projet.  » Nous avions déjà dû gérer la problématique de la double taxation pour l’EURO 2000 et tout s’était bien passé « , rappelle Alain Courtois. Je dirais comme Jean-Luc Dehaene : -Attendons que le problème se pose pour l’attaquer. Si nous obtenons le Mondial, nous aurons encore près de huit ans pour solutionner ces difficultés.  »

par pierre danvoye

« 3 millions de visiteurs sont prévus. »

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