Matthias Stockmans
Matthias Stockmans Matthias Stockmans is redacteur van Sport/Voetbalmagazine.

Lentement mais sûrement, le Roumain voit le bout du tunnel.

Le talentueux Roumain est un garçon sensible. Il a besoin de confiance et de chaleur humaine mais son caractère introverti et sa nonchalance font en sorte qu’il ne les reçoit pas toujours. Un cercle vicieux, comme en témoigne Michel Louwagie, le manager gantois :  » Pour le Nouvel An, Alin m’a envoyé ses v£ux par SMS. C’est un garçon introverti mais très attentif et bien éduqué « . L’été dernier, Gand lui a offert une dernière chance. Le gamin talentueux qui débarqua à Anderlecht est aujourd’hui un adulte de 27 ans débarrassé de son étiquette d’éternel espoir.

Malgré les coups, il a toujours cru en son étoile et, avant la trêve, Gand a disputé 12 matches sans défaite pour venir se placer dans le Top 3. Avec Stoica à la baguette…

A quel moment avez-vous compris que vous deviez à nouveau quitter votre pays ?

Alin Stoica : Je jouais à Timisoara, un club ambitieux. Mais lorsque j’ai vu qu’on ne m’y donnait pas ma chance, j’ai décidé de rentrer en Belgique. En retournant en Roumanie, j’avais commis la deuxième grosse erreur de ma carrière. Avant de partir pour Anderlecht, je n’avais joué qu’un seul match avec l’équipe Première du Steaua Bucarest. J’avais 16 ans. Cela m’a fait tout drôle de rejouer en D1 roumaine quelques années plus tard car la plupart des joueurs de mon âge quittaient le pays au moment où j’y rentrais. De plus, aucun Roumain revenu n’a connu le succès. C’est une question de jalousie et j’avais la malchance d’être le fils d’une ancienne vedette. Ce n’était pas simple et j’ai préféré repartir.

Le nom de votre père, Tudorel, était-il difficile à porter ?

Pas vraiment mais j’ai toujours été trop gentil. Mes parents m’ont enseigné le respect des gens. Aujourd’hui, je m’en veux de ne jamais avoir réagi contre ceux qui disaient aux journalistes que je ne m’entraînais pas ou que je ne courais pas suffisamment. Ce sont de fausses rumeurs. J’ai toujours, dans ma voiture, un article de Sport/Foot Magazine du mois d’août dernier dans lequel on se montre très sceptique quant à mes chances de réussite à Gand. Pourquoi ? On dit aussi que j’ai gaspillé dix ans de ma carrière. Qu’est-ce que cela veut dire ? Est-ce que je n’ai jamais joué ? On reparle encore du match à Lommel d’octobre 2001, où j’ai demandé à sortir après 30 minutes parce que j’étais blessé. On met même mon honnêteté en cause. Après ce match à Lommel, je n’ai pas non plus joué face au Real Madrid. Croyez-vous que j’aurais snobé une telle affiche ? Quand je lis toutes ces critiques, je me demande : -Putain, n’ai-je jamais rien montré ? Je sais les bêtises que j’ai commises, je n’ai pas besoin qu’on me les rappelle. Je sais que c’est ma faute si je n’ai pas réussi en Belgique et que j’ai dû rentrer en Roumanie.

Un nouvel homme ?

Avons-nous face à nous un autre Stoica ?

(Il hésite) J’ai beaucoup souffert… La vérité est sur le terrain et je dois veiller à ne pas trahir la confiance des gens qui croient encore en moi. Je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi de souffrir autant que moi. Si je réussis à m’imposer ici, ce sera le plus grand triomphe de ma carrière et je vais tout faire afin de n’avoir rien à me reprocher plus tard.

Cette souffrance était-elle si terrible ?

Comment réagiriez-vous si on parlait sans cesse de vous en termes négatifs ? Si on disait que vous avez mauvais caractère et que vous nuisez à l’esprit d’équipe alors que ce n’est pas le cas ? J’ai perdu quatre ou cinq ans de ma vie mais l’avenir nous dira peut-être que ma carrière n’a vraiment débuté qu’au moment où je suis revenu en Belgique.

J’ai vu une interview de vous à la télé roumaine après un match. Vous étiez très différent d’ici.

C’est logique car je m’exprimais dans ma langue maternelle. C’est vrai que j’ai changé. J’ai tout perdu. A 20 ans, je pouvais jouer dans un grand club mais tout a fonctionné de travers. Maintenant, j’ai tout à gagner. Tout peut encore arriver. Je connais des joueurs qui n’ont obtenu leur premier gros transfert qu’à 30 ans. Je veux profiter de ce passage par Gand pour montrer à l’Europe entière et aux gens qui doutaient de moi que j’existe encore.

Eprouvez-vous toujours du plaisir à jouer ?

Certains m’ont presque enterré vivant. J’ai connu des moments très difficiles en Roumanie. Des équipiers se demandaient même comment j’étais encore en état de venir m’entraîner. Certains jours, je fermais les rideaux de mon appartement et je restais presque toute la journée dans l’obscurité. C’était peut-être un signe de Dieu pour m’apprendre ce qu’était le véritable bonheur : la famille, les enfants, les valeurs traditionnelles… Je n’aime pas parler de cela, je préfère laisser mes pieds s’exprimer mais il n’est peut-être pas mauvais que les gens connaissent l’autre facette de ma personnalité. Dans les moments difficiles, on peut compter sur sa famille mais je voulais réfléchir seul. Même si cela fait désormais partie du passé, je n’oublierai jamais cette période difficile. Je ne serai plus jamais tout à fait heureux. Je vais mieux, je vois le bout du tunnel mais le chemin est encore long.

Vous admettez donc que c’est votre dernière chance ?

J’ai 27 ans, j’ai donc encore quelques années devant moi. Gheorghe Hagi a connu sa meilleure période à Galatasaray, à plus de 30 ans.

Stoica ne court pas

Pensez-vous souvent aux occasions manquées ?

Les coups que j’ai pris ont fait de moi un adulte précoce. Après la victoire contre Anderlecht, un consultant de Studio 1 a dit que je n’avais toujours rien compris, que je rejetais toujours la faute sur les autres. Ce sont des conneries. On n’est jamais content. Avant, je me taisais et j’étais considéré comme arrogant. Aujourd’hui, je dis la vérité et ça ne plaît pas non plus. C’est à n’y rien comprendre.

La même critique revient toujours : vous ne courez que lorsque vous en avez envie.

Comment expliquez-vous que j’aie aussi bien joué avec Anderlecht en Ligue des Champions ? En 2000-2001, j’ai inscrit quatre buts. J’étais, avec Thomas Radzinski, le meilleur buteur de l’équipe. Vous pouvez me croire : on ne marque pas contre les grandes équipes si on ne court pas.

C’est ce qu’on dit : vous ne vous motivez que pour les grands matches.

(Il commence à s’énerver) On ne peut pas être en forme du jour au lendemain si on ne s’entraîne pas bien. Il n’y a que les imbéciles qui disent cela, ceux qui n’y connaissent rien au football. Il n’y a pas de logique dans ce qu’on me reproche.

Défendre n’est pas qu’une question de condition physique mais aussi d’état d’esprit.

Mais non ! Il ne suffit pas de vouloir courir, il faut être en condition. C’est vrai que je mise surtout sur ma technique mais pensez-vous qu’on puisse dribbler, passer un homme ou créer une ouverture sans accélérer ?

Vous avez souvent affirmé vous-même qu’un joueur talentueux s’en sortait toujours. Ne vouliez-vous pas dire qu’il fallait s’économiser ?

Je voulais dire qu’un joueur peu talentueux devait courir davantage parce que c’était son unique atout. Mais un joueur talentueux qui s’entraîne ne perdra jamais son habileté. Donc, les gens qui prétendent que je ne cours pas n’y connaissent rien. Comment pourrais-je alors briller contre les grandes équipes ? Au cours des dernières années, Anderlecht n’a plus rien montré en Ligue des Champions. A quoi est-ce dû ?

Dany Verlinden, un grand monsieur

La force de l’entrejeu gantois, c’est son homogénéité et la course sans ballon. Un style qui vous plaît ?

Je joue à ma place préférée, dans l’axe, et j’ai de la liberté. J’essaye de me placer intelligemment et ça ne marche pas mal mais ça peut encore aller mieux. Laissez moi encore un peu de temps.

Heureux d’être rentré en Belgique ?

Oui car je rejoue et je n’ai pas dû passer par une nouvelle période d’adaptation. Ce fut un argument important dans mon choix.

Hormis Yannis Anastasiou, avez-vous conservé beaucoup d’amis du temps d’Anderlecht ?

L’équipe a beaucoup changé mais j’ai encore des contacts réguliers avec le délégué, Pierre Leroy.

Et à Bruges ?

Le président Michel Van Maele, qui m’avait accueilli chez lui, est décédé. Après sa mort, je me suis retrouvé très seul. Je considère Dany Verlinden comme un grand monsieur, un homme au grand c£ur. Et j’ai de bons souvenirs de Trond Sollied, un grand entraîneur. Ce n’était pas sa faute si je jouais peu. De l’équipe actuelle, j’ai encore de temps en temps des contacts avec Bosko Balaban, c’est tout.

Votre grand ami Walter Baseggio joue depuis plus d’un an en Italie. Vous n’avez tenu que trois mois à Sienne.

J’espérais jouer un peu plus mais ce ne fut pas le cas. Sienne luttait pour le maintien, son jeu était basé sur la puissance et l’engagement. Ce ne fut pas un succès mais j’y ai appris quelque chose.

Mais vous n’avez pas joué un seul match.

J’ai disputé deux rencontres amicales.

Avez-vous été blessé dans votre orgueil ?

Bien sûr, ça m’a fait mal mais que pouvais-je faire ?

Boussoufa, le nouveau Stoica ?

A Gand, Georges Leekens sait y faire pour remettre quelqu’un en confiance.

Sa grande force est de former un bloc à partir d’individus en créant une atmosphère qui fait en sorte qu’on a envie de travailler l’un pour l’autre.

Avant de signer, on vous a fait passer des tests physiques et votre contrat prévoit certaines clauses pour le cas où vous échoueriez. Il me semble qu’avant, vous n’auriez pas accepté tout cela.

Les tests physiques ne me faisaient pas peur car, en Roumanie, je m’entraînais avec un préparateur individuel depuis un mois et demi.

Un peu plus tôt, à Roda JC, vous aviez refusé de passer des tests et vous vous étiez montré très gourmand sur le plan financier.

C’est faux. Il y a eu un malentendu et un manque de communication entre nous. Huub Stevens m’a encore téléphoné par la suite et il n’y a aucun problème entre nous.

Lorsque vous êtes arrivé à Gand, Leekens vous a immédiatement titularisé mais, après trois matches, il vous a renvoyé sur le banc pendant cinq semaines. N’avez-vous pas craint un nouvel échec ?

Il est toujours frustrant d’être sur le banc mais j’ai refait surface contre Anderlecht. A l’époque, Leekens me parlait beaucoup et c’était important pour que je reste calme. Je crois que j’avais le niveau et que j’étais prêt mentalement mais l’entraîneur ne peut aligner qu’onze joueurs.

Connaissez-vous Mbark Boussoufa ?

Je l’ai à peine vu jouer. On m’a dit beaucoup de bien de lui.

Il joue à Anderlecht et vous, à Gand. N’est-ce pas bizarre ?

Ici, on parle beaucoup de Boussoufa et j’espère qu’un jour, à Anderlecht, on dira qu’il est le nouveau Stoica. Dans un grand club, il faut toujours être présent, toujours gagner. Il va devoir s’y habituer.

MATTHIAS STOCKMANS

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