Egoïsme hollandais

Après une première saison difficile au NEC, le centre-avant belge est devenu le meilleur buteur des Pays-Bas. Il a appris à jouer pour marquer. Et ça, ça plaît beaucoup à Bruges…

La mascotte du NEC Nimègue, qui pénètre sur le terrain en compagnie des deux équipes, est déguisée en soldat romain. Nimègue est fière d’être la cité la plus ancienne des Pays-Bas. Elle a 2.005 ans. Comme lors des autres matches, De Goffert, le petit stade chaleureux de 12.500 places, est comble à l’occasion de la dernière joute à domicile de cette année, contre Willem II, la lanterne rouge. L’ambiance est conviviale. La Nijmegen Eendracht Combinatie évolue en Eredivisie depuis 1994 et va y ajouter au moins une saison, malgré des temps financièrement difficiles.

Le NEC (prononcer en’-é-cé et pas nek) est heureux de sa 11e place, qu’il doit largement aux buts de Björn Vleminckx. Le club n’a plus compté en ses rangs de meilleur buteur du championnat depuis la saison 1972-1973 : Cas Janssens avait inscrit 18 buts, à égalité avec Willy Brokamp, du MVV.

Contre Willem II aussi, notre compatriote a étalé sa forme. Sa première touche de balle a failli être fatale. Il remporte son premier duel, de la tête, après une minute, un duel qui l’oppose à un autre Belge, Bart Biemans, issu de Neerpelt et produit de Willlem II. Le gardien visiteur détourne le ballon en corner. Neuf minutes plus tard, Vleminckx touche son deuxième ballon et l’expédie dans les filets. C’est son 13e but en 18 matches. A 1-1, à la 54′, dos au but, il remet le ballon au distributeur danois Lasse Schöne, qui conclut : game over.

Les statistiques révèlent que le jeune Belge, qui perd peu de ballons, a appris l’efficacité. Il demeure dans les parages du rectangle durant tout le match. Le NEC joue sans ailiers mais les médians montent régulièrement. L’attaquant ne redescend que sur les coups francs et les corners. Le NEC ne se forge qu’une seule occasion sans l’implication de Vleminckx, celle qui amène le troisième but.

Au terme du match, il sort du studio TV avec une bouteille de champagne. Pour la troisième fois de la saison, il a été élu Homme du match. Le nombre d’interviewes croît.  » Depuis quelques semaines, je refuse les interviews aux Pays-Bas car la demande est trop forte. « 

Il dribble aussi les rumeurs selon lesquelles il se produirait pour le Club Bruges en janvier. Et dément ses déclarations à Voetbal International émises il y a quelques semaines selon lesquelles il avait envie de jouer au Standard :  » Pour l’instant, je me sens bien ici. Je n’ai rien entendu à propos d’un départ. Je rêve de devenir le meilleur buteur des Pays-Bas !  »

Vleminckx n’est plus le joueur que nous avons connu à Malines :  » C’était tirer, pousser, aller dans les duels et marquer. Ici, je peux élargir ma gamme car on joue davantage aux Pays-Bas qu’en Belgique. On me fait travailler beaucoup, avec des exercices conçus pour les attaquants. « 

L’entraîneur est exigeant.  » J’en ai besoin. Quand il est fâché sur moi, je pense : – Attends, je vais te montrer ce dont je suis capable. Je sais que s’il m’insulte, c’est pour mon bien. Je sens aussi que tout le club me fait confiance. L’année dernière, je suis resté six semaines sans marquer. Tout le monde râlait mais l’entraîneur a continué à m’aligner. Je n’ai donc pas baissé la tête.  »

L’avis de la presse

Walter Nieuwkamp, journaliste au quotidien local De Gelderlander, découvre un autre Vleminckx.  » A l’arrivée du coach WiljanVloet, l’équipe luttait contre la descente. Dans cette optique, ses huit buts de la saison passée constituent un bon bulletin. Il joue désormais vingt mètres plus haut et il est beaucoup plus serein. L’année dernière, il mettait cinq minutes à digérer une passe ratée. Il supportait mal la comparaison avec Dirk Kuijt et le prix de son transfert, 1,8 million, qui faisait de lui l’achat le plus onéreux du club. Jack de Gier avait dit que jamais un joueur n’avait été visionné avec autant de soin mais Vleminckx a mis beaucoup de temps à s’imposer. Contre Heracles, cette saison, il a été remplacé à la mi-temps. S’il avait à nouveau été mauvais le match suivant, contre le FC Groningue, il aurait été écarté. Mais il a inscrit trois buts. Ce fut le tournant et il est désormais porté aux nues. Les occasions terminent au fond. C’est devenu un vrai buteur mais ce n »est pas pour autant qu’il doit essayer de jouer à l’Ajax.  »

 » Il surprend tout le monde « , confirme Freek Jansen ( Voetbal International).  » L’année dernière, on attendait énormément de lui. A Vitesse, un match particulier pour les deux clubs, le NEC a marqué deux buts sur une longue rentrée en touche de Vleminckx. D’un coup, il n’était plus un buteur mais l’avant à la longue rentrée en touche. Cette année, il prend sa revanche sur tous ses détracteurs. Il marque tout en jouant vraiment bien.  » Selon Jansen, ses progrès sont liés au changement de style de jeu :  » L’année dernière, on lui balançait de longues balles et il n’avait qu’à tirer son plan. Avec le retour du Danois Schöne, blessé pendant un an, le NEC a une véritable plaque tournante, qui approvisionne Vleminckx et les flancs.  »

Vleminckx a également progressé, poursuit Jansen.  » Même si ses combinaisons ne sont pas encore des réussites. Pourtant, il peut devenir un héros ici, comme de Gier auparavant. Le public l’adore. Il se plaît en dehors du terrain aussi. La vie nocturne de Nimègue l’a séduit. « 

Jansen pense que le NEC le laissera partir en échange d’une bonne offre : même si le club s’est assaini, il reste dans la catégorie Un, celle des clubs contrôlés strictement.  » En septembre, le NEC a dû licencier des membres du personnel. Il y a longtemps qu’il n’a pu vendre de joueur. S’il a l’occasion de réaliser un gain, il n’hésitera pas. Pour le moment, l’aspect financier a priorité sur le sportif. « 

Le DT n’a encore eu aucun entretien avec Bruges ou un autre club

Depuis septembre, le Club Bruges a encerclé le nom de Vleminckx. Est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle pour le NEC ? Carlos Aalbers, le directeur, reconnaît qu’il y a un mois, le club a dû épargner deux millions sur le budget, passé de 12,7 à 10,5 millions.  » C’est une bonne nouvelle. Nous avons réalisé un gros investissement en transférant Björn. S’il est rentable, tant mieux. Cela permettra à des jeunes joueurs d’effectuer un pas en avant.  »

Cependant, Aalbers dément la rumeur selon laquelle le NEC voulait laisser Vleminckx, jugé insuffisant, partir cet été et l’aurait proposé au Club Bruges :  » C’est faux. Quand nous l’avons engagé, le Standard, Bruges, Utrecht et un club allemand s’intéressaient à lui. Sa première saison a été moins bonne qu’escompté mais pas décevante : il a marqué huit buts, il a joué presque tous les matches, sans jamais se ménager, tout ça durant une saison difficile pour l’ensemble de l’équipe et dans une culture sportive différente… On juge un avant sur ses buts mais si nous avons embauché Björn, c’est aussi parce qu’il est collectif, qu’il travaille sans arrêt. « 

Il n’est pas au courant de l’intérêt d’un club batave :  » Je sais qu’il est suivi, ce qui est logique quand on est le meilleur buteur du championnat alors qu’on joue au NEC. Il n’y a pas que Luc Devroe qui le suit. Des clubs anglais se sont également déplacés.  »

Est-il à vendre ?  » Nous avons déboursé un prix supérieur à nos normes pour enrôler Björn. Nous avons un programme individuel qui permet aux joueurs de progresser. Il n’est pas question qu’il parte pour un prix inférieur à celui auquel nous l’avons acheté. En un an et demi, il a fortement progressé. « 

Aalbers reste ouvert à toutes les possibilités :  » Son entourage ne nous a pas fait comprendre qu’il souhaitait partir. Nous n’avons encore eu aucun entretien concret avec Bruges ou un autre club. Ceux qui sont intéressés peuvent s’adresser à moi. « 

L’entraîneur balaie la comparaison avec Kuijt

Wiljan Vloet, l’entraîneur, manque de renverser son café et est formel :  » En tant qu’entraîneur, je ne dirai jamais que Björn peut partir. Ni pendant l’intersaison ni maintenant. Point.  »

Il sait pourtant que Vleminckx partira s’il est l’objet d’une proposition intéressante :  » On peut pousser un joueur à partir ou essayer de le garder. Moi, je veux qu’il reste. Il est jovial, charismatique, il a le niveau du groupe mais n’est pas encore capable d’entraîner celui-ci vers le haut. Je suis surpris de la constance de ses progrès techniques et tactiques. Ce qui m’a frappé chez Björn, c’est qu’il est réceptif. Je l’ai prévenu qu’il devait afficher sa volonté sur le terrain, à l’entraînement et en dehors. Il marque aisément, il est souvent bien placé. Le NEC ne constitue certainement pas sa limite. Il doit pouvoir viser plus haut mais pour cela, il doit être plus précis, viser la perfection absolue en tout, ne pas penser trop vite que sa passe est bonne alors qu’elle n’est pas encore assez dure. Il a tendance à être brouillon. Il le reconnaît mais il peut encore faire mieux. « 

L’entraîneur balaie la comparaison avec Kuijt :  » Dirk court davantage en profondeur alors que Björn est un joueur de rectangle. Ils se ressemblent physiquement mais Björn n’évolue pas dans le même registre. « 

Le scout l’a visionné alors que Malines se battait pour remonter en D1

Jack de Gier, l’entraîneur adjoint, a joué au Lierse en 1997-1998, l’année de la campagne du club campinois en Ligue des Champions. Il a visionné Vleminckx alors que Malines se battait pour remonter parmi l’élite, via le tour final, mais le NEC ne l’a pas enrôlé durant l’été 2007.  » Nous lui avons préféré Johnny van Beukering, libéré par De Graafschap. Plusieurs personnes l’ont encore suivi il y a deux ans et il nous a convaincus.  »

De Gier ne décèle ce qu’il espérait que depuis six mois.  » Il écarte bien le jeu alors qu’avant, il provoquait le contre de l’adversaire en repoussant le ballon n’importe comment. Il joue avec plus de maturité. Il conserve mieux le ballon, même s’il a encore des hauts et des bas. Les trois buts inscrits contre Groningue constituent un tournant. Avant, je le prenais à part chaque semaine après l’entraînement. Il envoyait une des balles au-dessus et jurait. Nous nous installions sur le banc de touche. Je lui répétais qu’il savait ce dont il était capable. La semaine avant Groningue, il avait été sorti, contre Heracles, et il était en proie au doute. Or, un avant ne peut se le permettre . – Si tu es dans les parages du rectangle, tu dois tirer. Je préfère que tu tires dix fois de trop qu’une fois trop peu et que tu rates ainsi un but. Un avant doit être égoïste. Tu n’obtiendras de confiance que quand tu marqueras. Tu auras aussi le respect de tes partenaires. Quelques jours plus tard, il trouvait le chemin des filets à trois reprises. Maintenant, ses coéquipiers savent qu’ils peuvent lui passer le ballon quand ils ne savent qu’en faire. Björn est collectif, il ne passera jamais six hommes. Je pense qu’il s’est immédiatement senti à l’aise au club. C’est la force du NEC. C’est un nid chaleureux. Peu de joueurs y éprouvent des difficultés. Nous faisons tout pour que les joueurs se sentent bien : ainsi, ils se développeront mieux. Le NEC constitue une étape pour Björn, pas son stade ultime.  »

Lui conseillerait-il de partir ?  » Un joueur ne doit jamais attendre trop longtemps quand il reçoit sa chance. Il faut saisir celle-ci au bon moment. Björn a progressé. Il continuera dans une formation de meilleur niveau. « 

PAR GEERT FOUTRÉ – PHOTOS: REPORTERS

 » Il ne doit pas partir à un prix inférieur à ce que nous avons payé.  » Carlos Aalbers

 » Il a progressé et continuera dans une meilleure équipe.  » Jack de Gier

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire